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Vooter, un outil pour informer et consulter les citoyens d’un territoire

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose de découvrir une initiative menée par la start-up Vooter. Elle propose aux collectivités publiques de leur mettre à disposition un outil de consultation des citoyens. Basé sur une application téléchargeable par les habitants, cet outil permet notamment de capter l’avis et les propositions de personnes n’ayant pas l’habitude de se rendre dans les lieux d’échanges habituels entre habitants et élus (actifs, jeunes…).

Pour en parler, Territoires Audacieux a rencontré Paul Henssenbruch, élu de Bougival, qui utilise l’application depuis ses début en 2016 et Marlènes Deyres, responsable clientèle et communication chez Vooter.

– Introduction –

Les interviews de Paul Henssenbruch et de Marlène Deyres sont disponibles au format vidéo ou texte pour chaque question.

– Mise en place du projet –

Comment est venue l’idée de Vooter ?

M.D. L’idée de Vooter est venue d’un constat. En temps que citoyens, nous n’avions pas accès à des outils qui permettraient de nous exprimer sur les projets de notre ville. Nous sommes actifs et nous avons tous des loisirs. Nous ne sommes pas forcément présents dans les temps qui sont créés et impartis par la commune pour pouvoir nous exprimer en tant que citoyen et participer au développement de la collectivité.

Comment la mairie de Bougival a eu l’idée de se rapprocher de cet outil ?

P.H À l’été 2015, nous avons pris contact avec les équipes de Vooter. Ils avaient déjà une idée assez précise de l’application qu’ils voulaient mettre en place. Comme toujours pour des choses nouvelles, il y a besoin de tests. Nous nous sommes rencontrés pour mettre en place l’outil. Ils ont apporté leurs idées et l’aspect technique. Nous, en tant que collectivité, nous avons pu voir comment cet outil pouvait s’intégrer dans notre dispositif d’informations et de communications de la ville de Bougival.

À quelle problématique l’application répondait-elle ?

Ce qui était intéressant, c’est que nous n’avions pas un cahier des charges préconçu. Nous savions ce que nous voulions. À titre personnel, je savais que je souhaitais un outil d’aide à la décision. C’est-à-dire un outil de mise en relation avec les citoyens pour que ceux qui sont acteurs et qui n’ont pas forcément le temps ou l’envie de s’investir dans la vie de la cité. Il faut qu’ils puissent le faire de façon pratique et ludique. L’idée était qu’ils nous fassent part de leurs questions, de leurs idées et qu’ils nous aident, nous élus, à prendre des décisions qui vont dans le sens de l’intérêt général. Nous voulions un outil numérique et toucher un nouveau public.

Vous vouliez pouvoir consulter la population de façon plus large…

Pour une collectivité, définir l’intérêt général n’est pas toujours évident. Quand on échange avec les administrés, il y a souvent un phénomène très naturel qui consiste à ce que la personne qui parle le plus fort ou le dernier aux élus sera la plus entendue. Je trouvais donc intéressant d’avoir un outil qui garantisse l’anonymat et qui permette d’aller voir un peu plus la nouvelle génération. Associé aux conseils de quartier et aux contacts que l’on a au quotidien avec les habitants, Vooter nous permet d’avoir une représentation assez fidèle de l’attente des administrés.

Comment s’est déroulée la mise en place ?

Vooter avait sa culture de start-up et nous, nous avions la culture administrative, quelques fois emprunte d’une certaine lourdeur. C’était donc très intéressant. Ils ont développé techniquement l’outil. Et nous, nous avons pu mieux cibler les fonctionnalités. En septembre 2016, nous avons mis en place Vooter. Il y a alors eu une grosse campagne de communication sur le terrain. Il a aussi fallu relayer l’information sur tous nos supports d’actualité. C’était beaucoup de pédagogie sur ce qu’était l’outil et à quoi il pouvait nous servir, car il y avait de l’appréhension.

Comment avez-vous mené cette campagne de communication ?

Chaque début septembre, il y a une manifestation de présentation des activités culturelles et sportives. Il y a eu un grand stand pour Vooter afin de les présenter à la population. Les gens se sont montrés intéressés. Nous avions aussi relayé l’information via une campagne d’affichage, nos réseaux sociaux et le bulletin municipal. C’était un nouveau nom et un nouveau service, mais cela a pris rapidement. Nous nous sommes retrouvés avec une centaine d’utilisateurs avant la fin d’année, ce qui était au-delà de nos objectifs.

On dit souvent que les citoyens veulent participer à la démocratie locale, mais le font-ils avec un outils comme celui-là ?

Ce n’est pas si simple. Il y a beaucoup de bonne volonté, mais ce n’est pas facile. C’est là où Vooter et tous les autres outils sont très intéressants. Ils répondent à la culture digitale des citoyens. N’importe qui aujourd’hui a l’habitude de réserver son billet de train sur son smartphone. C’est une culture de l’instantanéité. D’avoir permis de faire vivre la démocratie de cette manière au sein d’une collectivité, je crois que c’est un peu novateur. La démarche est facile avec l’application. Il faut qu’une personne qui n’a pas forcément envie de s’investir au-delà puisse donner son avis. C’est ce qui fait qu’il est pertinent, c’est tout sauf une usine à gaz. C’est simple et pratique.

– Le projet aujourd’hui –

À quoi ressemble l’application aujourd’hui ?

M.D. L’application est très simple et ludique. Nous avons voulu qu’elle corresponde aux novices et aux experts du digital. C’est un système de cartes que l’on fait passer les unes après les autres. Sur chacune d’elles, il y a une question et les choix de réponses. Il est possible de répondre et celui qui vote peut avoir accès aux résultats en live. Les résultats définitifs sont disponibles pendant un mois après la fin du vote. Enfin, il y a des groupes. Chaque utilisateur peut appartenir à une ville, un quartier, un groupe de parent d’élèves ou de personnes appréciant la culture.

Comment cela fonctionne au quotidien à Bougival  ?

P.H. Du côté des habitants, il faut qu’ils téléchargent l’application. Ensuite, ils vont recevoir des notifications à chaque nouvelle consultation. De notre côté, la mairie de Bougival possède un compte et plusieurs services peuvent l’utiliser. Actuellement, il y a le service communication et la direction générale des services qui élaborent les consultations sur ce qui mérite qu’il y ait une remontée d’informations. Il y a un back-office et les équipes ont été formées pour le gérer. Au quotidien, il n’y a plus qu’à mettre en ligne et la question se retrouve sur le smartphone de chaque administré.

Quel type de consultations mettez-vous en place ?

C’est toujours dans la perspective de définir l’intérêt général. Si on prend un exemple : nous avons voulu mettre en place une nocturne pour la mairie. Nous trouvions que c’était une bonne idée, mais nous voulions la confronter. Y avait-il un vrai besoin chez nos administrés ? Nous avons créé une consultation pour savoir. Via l’outil, les habitants ont plutôt répondu favorablement. Avec eux, nous avons ensuite défini le jour et le meilleur créneau. Nous avons pris l’information et nous l’avons couplé avec les remontés des conseils de quartier. En croisant toutes les informations, nous avons jugé que c’était utile et la mairie de Bougival est désormais ouverte le jeudi soir.

Grâce à cet outil, touchez-vous une population différente ?

Il faut prendre l’avis des administrés via les associations, les commerçants et tout le tissu local. Mais c’est vrai que là avec l’outil, nous touchons des gens plus connectés et plus jeunes. Ce sont des personnes qui ont des tas d’idées, mais qui n’ont pas forcément le temps de les exprimer. Sur une autre consultation, nous avons mis en place la possibilité de venir jouer au badminton en libre-service au gymnase. En y allant, j’ai rencontré un jeune Bougivalais. Il ne lit pas le bulletin municipal, ne se rend pas sur notre site internet et ne fait pas ses courses au marché. En revanche via Vooter, il avait participé à notre consultation. C’est donc très pertinent car nous ne touchons pas les mêmes personnes que via les canaux de la com publique.

Est-ce que les services municipaux se sont bien adaptés à cette nouvelle façon de fonctionner ?

Il y a eu un volet formation qui a été effectué à la mairie. Ils ont formé le personnel de la mairie qui allait être en contact avec l’outil. Comme toute nouveauté, il y avait une part d’appréhension. Mais comme nous avions co-construit un back-office intelligent avec l’équipe de la start-up, cela a été plus simple. Il fallait que n’importe qui puisse rentrer sa question et élaborer les réponses. Aujourd’hui, Vooter est dans les mœurs de notre mairie.

Combien de temps dure une consultation ?

Cela fait partie des fonctionnalités que l’on peut décider. Tout est paramétrable. Nous essayons de les laisser entre une et deux semaines. Nous nous sommes aperçus qu’avec le système des notifications, très rapidement les premières réponses arrivent. Les gens participent le premier et le deuxième jour puis cela va en diminuant. Il n’y a donc pas besoin de laisser la consultation pendant un long moment.

Êtes-vous satisfait du nombre de personnes touchées par ces sondages ?

Sur les 8 000 habitants, on ne peut pas toucher tout le monde. Même si on peut répondre depuis un ordinateur, la masse critique en mesure de participer serait plutôt de 4 à 5000 personnes. Je n’ai pas les derniers chiffres en tête mais nous sommes environ à 400 utilisateurs. C’est satisfaisant. Quand les instituts de sondage proposent des consultations, ils n’ont pas ce ratio-là. Cela nous donne une assise assez confortable quand nous devons prendre une décision. Nous savons que ce n’est pas un petit phénomène.

Avez-vous rencontré des difficultés lors de l’utilisation de Vooter ?

Quand il y a un nouvel outil, il y a de la curiosité et de l’appréhension. Nous avons donc fait une réunion avec les groupes de l’opposition pour le présenter. Ils ont bien compris le fondement et l’utilisation qui pouvait en être fait. Nous avons dit que ce serait l’outil de la collectivité. Nous sommes ouverts à des consultations d’associations ou les groupes d’opposition. Depuis, il y a certains membres du Conseil municipal qui voulaient créer une consultation et nous avons suivi leurs avis. C’est aussi intéressant. Dans les étapes à venir, il faudra tout de même rester vigilant à ce que l’outil réponde bien aux objectifs fixés dès le départ.

– Comment dupliquer le projet  –

Comment travaillez-vous avez les collectivités publiques ?

M.D. Nous proposons une offre sur abonnement. Le coût dépend de la taille de la ville ou du territoire, car nous travaillons aussi avec des intercommunalités, un département ou une région. C’est un abonnement annuel, sans engagement qui va de 3 à 20 000 euros. Nous pouvons aussi proposer des expérimentations de six mois avec des villes qui souhaiteraient tester l’outil sur une thématique spécifique.

Quels sont les avantages pour les élus ?

Ce qui plaît, c’est la facilité d’accès et d’utilisation. Nous avons su co-construire l’outil pour qu’il puisse répondre aux attentes et être utilisé de façon transversale. Nous avons vraiment voulu que n’importe quelle personne au sein d’une équipe puisse l’utiliser avec une formation de dix minutes. Il ne fallait surtout pas que ce soit chronophage. C’était une idée de rapidité et de collaboration. Il est possible d’avoir plusieurs administrateurs sur le back-office pour ne pas que la tâche incombe à une seule personne. Là, chaque service, en fonction de ses sujets du moment, peut faire ses propositions. Il faut en revanche fixer un administrateur général qui valide définitivement les consultations. C’est bien souvent le maire ou le directeur général des services.

Quels impacts peut avoir l’application sur un territoire ?

Le premier impact, c’est une plus grande participation citoyenne. L’application ouvre un canal supplémentaire. C’est un complément des conseils de quartiers ou des rencontres quotidiennes. C’est aussi une plus grande représentativité, car cela permet de capter des personnes connectées. Ce sont ceux que l’on dit « actifs » et qui sont en dehors de la ville le jour et reviennent tard le soir. Enfin, cela va créer une communauté de citoyens impliqués qui vont être mieux informés et sensibilisés. Ils vont prendre l’habitude de répondre aux consultations et cela permet d’avoir un flux de descentes et de remontées d’informations.

En combien de temps votre système devient-il intéressant et faut-il des prérequis ?

De notre côté, cela prend très peu de temps. Il n’y a pas de préréquis technique. Nous apportons une solution clé en main. L’application peut être déployée très rapidement. Après, il faut tout de même le temps de créer des supports de communication pour parler de la démarche de la ville et inviter les citoyens à participer aux consultations. Cela peut-être fait en quinze jours comme en deux mois selon le temps de décision de la ville. Côté back-office, c’est une plateforme externe. Elle est en ligne. Il n’y a rien à installer sur le service informatique de la ville. C’est très agile. Le plus long reste donc de faire connaître le service pour récolter les premiers avis.

Y a-t-il des difficultés qui sont rencontrées lors de l’arrivée de Vooter sur un territoire ?

Pas forcément de difficultés mais il faut réussir à s’organiser et à s’approprier l’outil pour les équipes. Nous essayons d’apporter un maximum d’accompagnement. Notre but est de faciliter la mise en place et l’animation de la communauté. Nous formons puis nous conseillons. Nous sommes là pour co-construire les plans de communications, les consultations… Nous partageons également du contenu pour que tous nos clients puissent se nourrir mutuellement.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne