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Tramayes, la ville 100% énergie renouvelable sur ses bâtiments municipaux

Depuis de nombreuses années, la commune de Tramayes (71) s’engage dans la transition énergétique. Depuis peu, elle est la première commune française à utiliser 100% d’énergies renouvelables sur ses bâtiments municipaux. Elle mène de nombreuses actions, dans différents domaines comme le chauffage et l’éclairage public. Avec ses réalisations, la ville démontre que la transition énergétique est possible. Le tout sans être pénalisée financièrement. 
Michel Maya, maire de la commune et initiateur du projet, a accepté de répondre à nos questions. Il fait le point avec nous sur la création de la chaudière bois qui a permis à sa ville d’être à 100% d’énergies renouvelables consommées.

Sommaire:

– Mise en place du projet –

Pourquoi avez-vous décidé de commencer ce projet ?
Nous voulions lutter contre le dérèglement climatique. La consommation d’énergie fossile rejette du gaz à effet de serre. Lorsque nous nous chauffons avec du bois, ce rejet est très limité par rapport à une production réalisée à partir d’énergie fossile (gaz ou fuel). Nous avons désormais l’un des niveaux de carbone par kilowattheure les plus bas de France grâce à cette installation.
Quelles sont les étapes de la mise en place ?
Le ruban inaugural de la chaufferie a été coupé le 24 novembre 2006, mais à l’analyse des comptes rendus du Conseil municipal, c’est lors de la séance du 27 septembre 2002 qu’a été choisi le cabinet pour l’étude de faisabilité. Cette dernière a ensuite été adoptée le 5 décembre 2003. Par la suite elle a été transmise aux différents partenaires du dossier de financement : l’ADEME, le Conseil Régional de Bourgogne et le Conseil général de Saône-et-Loire. Ces derniers ayant eux aussi validé l’étude, le Conseil municipal fait le 30 avril 2004 un appel à candidatures pour maîtrise d’œuvre et le 23 juillet 2004, un cabinet est retenu pour cette mission. L’année 2005 a été mise à profit pour avancer le dossier administratif : adoption de l’avant-projet détaillé, le 15 janvier 2005, du projet architectural le 22 septembre 2005 et de l’avant-projet définitif le 4 novembre 2005 et enfin mise en place de la procédure de marché public pour les travaux le 14 décembre. Les entreprises ont été retenues le 31 mars 2006, les travaux ont débuté dans la foulée et le 20 novembre, la chaufferie produisait ses premiers kWh. Nous avons par la suite progressivement agrandi notre réseau de chaleur et raccorder de plus en plus de bâtiment.
Avez-vous impliqué la population dans la décision de ce projet ?
Nous ne faisons pas une opération qui coûte plus d’un million d’euros sans que nos contribuables en soient informés. Nous avons eu des réunions d’information. Il était nécessaire que nous soyons suffisamment convainquant sur différents aspects car nous sommes régulièrement interpellés sur les différentes questions environnementales. Par exemple, on nous a demandés s’il y allait avoir beaucoup de fumé. Il fallait savoir répondre à ces questions. Au final, pour les bâtiments communaux, nos factures de chauffages et d’électricités sont moins élevées qu’avant. Je peux vous citer l’exemple de l’hôpital. Sur les dix dernières années où nous avons mis l’hôpital sur le réseau de chaleur, il a dépensé 60 000 € par an alors qu’en moyenne il aurait dépensé 80 000 € par an avec une consommation au fuel. Soit une économie de 200 000 euros en dix ans.

– Le projet aujourd’hui –

Pouvez-vous nous parler de votre projet ? Quand l’avez-vous commencé ?
La commune de Tramayes est engagée dans le champ environnemental depuis une quinzaine d’années. Nous avons commencé en créant un réseau de chaleur par bois sur la commune. Progressivement nous y avons accordé tous les bâtiments communaux. Puis nous y avons ajouté quelques autres bâtiments tels que l’hôpital (qui ne dépend pas de la commune) ainsi que certains logements de particuliers. Une fois que tous nos bâtiments ont été raccordés, nous nous sommes rendus compte l’an dernier que leurs dépenses énergétiques étaient à 90% issues des énergies renouvelables.  Nous avons donc réalisé un appel d’offres précisant que nous recherchions un fournisseur d’électricité verte. Nous souhaitions que l’électricité soit au maximum d’origine française pendant les six années suivantes et que le tarif soit constant. Un fournisseur nous a répondus et nous avons donc contractualisé avec lui. Maintenant nous sommes la première collectivité locale (en France) de plus de 1000 habitants à pouvoir dire que tous nos bâtiments ne sont alimentés qu’en énergie renouvelable. Le bois de notre chaufferie sont les déchets d’une scierie située à  quatre kilomètres de notre commune. Ces déchets nous servent à nous chauffer via notre réseau de chaleur d’1,4k. Notre fournisseur en électricité, Enercoop gère des installations d’éoliennes, voltaïques et des barrages hydrauliques. Nous avons mené la réflexion à partir de l’année 2003 et inauguré la chaufferie au mois de novembre 2006.
Alimentez-vous les maisons des habitants de Tramayes ?
Nous avons principalement mis en place cette initiative pour nos bâtiments municipaux ainsi que pour l’hôpital, qui est notre gros client. Toutefois, comme le réseau passe dans les rues de Tramayes, nous avons proposé à des particuliers d’être raccordés. Il y a aujourd’hui une soixantaine de logements de particuliers qui sont alimentés sur ce réseau de chaleur.
Est-ce que le processus de passer de l’énergie non-renouvelable à l’énergie renouvelable est compliqué ?

Non. Au niveau des usagers, c’est relativement simple. Nous avons dû construire une grosse chaufferie et un réseau afin d’amener de l’eau chaude chez l’habitant. Chez l’habitant, nous installons un radiateur, appelé échangeur pour apporter cette eau chaude. C’est une installation à l’intérieur des ménages qui prend beaucoup moins de place qu’une chaufferie de fuel, et il n’y a plus besoin d’avoir un local dédié à la chaufferie. L’échangeur peut se mettre dans un placard. Pour l’usager c’est très simple. Il lui suffit juste de réguler la chaleur avec des vannes thermostatiques. Pour les plus grosses installations, l’échangeur est plus gros, c’est tout mais ça prend tout de même moins de place qu’une chaudière.
Avez-vous installé un échangeur dans toutes les maisons ?
Nous avons laissé libre-choix. Nous avons prévenu les particuliers quand le réseau chaleur passait dans leurs rues. Nous leur avons fait une simulation financière pour leur montrer ce que ça pourrait leur coûter annuellement puis nous leur avons laissé de choix d’accepter ou non l’installation d’échangeurs. Certains ont accepté, d’autres non. Ceux qui avaient accepté étaient contents. Deux ans après, nous avons donc fait une deuxième phase d’installation pour ceux qui n’y croyaient pas au début mais qui avaient vu que leurs voisins étaient satisfaits. En revanche, touts les habitants ne sont pas raccordés au réseau de chaleur. Il était impossible de le faire pour ceux trop éloignés du réseau.  Certaines personnes voulaient rester également avec leurs anciennes installations. Tous les bâtiments communaux, c’est-à-dire la mairie, la bibliothèque, les écoles sont raccordées au réseau de chaleur.
Vous avez également décidé d’agir au niveau de l’éclairage électrique…
Au départ c’était une initiative personnelle. J’ai regardé nos factures d’éclairage public sur la commune. Il y en avait huit car nous avons huit rues à éclairer. Je me suis rendu compte qu’il y avait des disparités. Certaines rues nous coûtaient plus chères que d’autres. J’ai donc discuté avec le syndicat d’énergie du département en disant que nous voulions consommer au minimum. Celui-ci nous a mis en relation avec l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturne. Cette association nous a expliqué que l’éclairage nocturne était aussi de la pollution et qu’il avait des effets négatifs sur la biodiversité et sur l’environnement.
Comment avez-vous agi à ce niveau ?
Nous avons réussi en l’espace d’environ cinq ans à diviser par quatre notre consommation d’énergie en mettant en place deux actions. La première, qui a eu le meilleur rendement, a été de pratiquer l’extinction de l’éclairage public. Nous sommes dans une commune de 1000 habitants et à deux heures du matin, il n’y a plus personne dans les rues. Les seuls qui circulaient étaient en voiture et avaient de l’éclairage indépendant. Maintenant, nous éteignons les lumières à partir de 23h et nous rallumons à partir de 5h45. Notre consommation a nettement diminué. Pour arriver à une division par quatre, nous avons aussi changé nos lampes de 125 Watts à 70 Watts. Si bien que maintenant nous avons une faible consommation en matière d’éclairage public. Nous n’avons pas eu de plainte des habitants. Nous avons mis deux ans entre la première annonce auprès des habitants et l’extinction elle-même. Entre temps, nous avons fait des réunions publiques. Nous avons donné de nombreuses explications. Il y a aussi eu des élections municipales, et nous avions dit que si nous étions élus, c’était une mesure qui serait mise en place. Les habitants étaient au courant de notre souhait. 
Est-ce que vous avez rencontré des problématiques particulières ?
Nous avons eu des personnes qui nous ont dit de faire attention aux cambrioleurs mais en fait ce sont des faux débats. Nous démontrons facilement que l’éclairage public facilite les actions du cambrioleur. Il peut ainsi se promener dans la rue en toute tranquillité, avoir les deux mains libres pour manœuvrer la porte. Quand il est dans une rue non éclairée, il est plus facilement repérable par d’autres personnes qui verraient une lampe torche se promener. De plus, depuis la mise en place de cette initiative, nous n’avons pas eu plus d’incivilités qu’avant l’extinction qu’avec l’éclairage. Nous avions un point lumineux où des jeunes se retrouvaient tard la nuit pour discuter et refaire le monde. Maintenant que les lumières s’éteignent à 23h, ils et elles rentrent chez eux et nous avons moins de problèmes de voisinage, moins de plaintes sur le bruit que faisaient les jeunes jusqu’à deux heures du matin. Sur ce qui est des problèmes techniques, nous n’en avons pas tellement eu. Nous avons été précurseurs, donc la prochaine fois, nous pourrons faire certaines choses différemment. Il y a des solutions beaucoup plus simples afin de tout gérer depuis la mairie. Nous avons des solutions avec des commandes à distance pour contrôler l’éclairage qui deviennent pas chères du tout. Pour le moment, nous devons aller sur le poste de commande lumineux pour gérer les lumières alors que nous aurions pu faire ça différemment. 
Est-ce adaptable ?
Nous avons des bars et nous avons des activités de nuit. Par exemple, la semaine dernière, il y avait une activité à la salle des fêtes. L’association qui a géré cette activité nous a demandé de laisser l’éclairage public sur la rue à proximité pour que les gens puissent sortir en toute tranquillité. À ce moment-là, nous laissons l’éclairage public. 

– Dupliquer le projet –

Quels impacts avez-vous mesuré ?
Nous avons fait des mesures de l’air juste après la première année de mise en place en 2003. Le Conseil départemental voulait profiter de cette installation pour voir ce que donnerait cette chaufferie en terme de pollution de l’air. Une étude a été faite avant que la chaufferie soit en fonction puis une deuxième quand la chaufferie était en fonction. Cette étude, disponible sur notre site internet, montre que nous sommes moins pollués au niveau de l’air ambiant avec la chaufferie bois qu’avec la solution précédente avec le chauffage au fuel. De point de vue environnemental, nous sommes donc dans de meilleures conditions aujourd’hui.  Quant à la population, tous les ménages ne sont pas à l’énergie verte mais nous voyons que progressivement, les ménages se posent des questions et décident de changer de fournisseurs d’énergie ou de vouloir se raccorder sur notre réseau. Tout dépend aussi si c’est pour des critères purement financiers ou pour des critères environnementaux.
Avez-vous eu des communes voisines qui ont pris exemple sur vous ?
Nous avons été la première commune de Saône-et-Loire à pratiquer l’extinction de l’éclairage public. Les communes voisines nous regardaient pour savoir comment les habitants allaient réagir… Certains élus pensaient que nous allions avoir des réactions violentes des habitants. Hors cela n’a pas été le cas. Nous avons montré l’exemple et désormais pratiquement toutes les communes rurales de Saône-et-Loire pratiquent l’extinction de l’éclairage public.
Combien cela vous a coûté ? Comment avez-vous financé ? 
Pour la chaufferie, cela nous a coûté 1 500 000 €. Là-dessus, nous avons la moitié en aides de la part de l’ADEME, de la région et du Conseil Départemental. Nous avons emprunté le reste. Nous n’avons pas du tout augmenté les impôts. Nous avons un budget annexe, complètement indépendant de la commune pour gérer la chaufferie. Il y a un morceau pour rembourser annuellement l’emprunt. Il y a aussi d’autres dépenses tels que l’achat du bois, de l’électricité et de la maintenance. Nous avons aussi des recettes venant de l’hôpital, des bâtiments communaux, des particuliers… Ce budget est totalement autonome et fonctionne en dépense-recette.  
Avez-vous des conseils pour une ville qui voudrait faire la même chose ?
Il est nécessaire d’avoir une réflexion sur son patrimoine et sur l’ensemble des bâtiments. Ce n’est pas parce que nous sommes raccordés sur le réseau de chaleur que nous dépensons de l’électricité sans compter. Nous venons de terminer une nouvelle école, qui est en partie à énergie positive, c’est-à-dire qu’elle produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Nous avons investi plus de deux  millions d’euros dans ce groupe scolaire pour réduire sa consommation d’énergie. Nous avons fait de gros travaux d’isolation en travaillant avec des matériaux bio-sourcé. 
Si vous souhaitez plus d’informations, vous pouvez retrouver ce dossier mis à disposition par la mairie de Tramayes : www.tramayes.com/RDP/18-06-01-Bioenergie-international-mai-juin-2018-Tramayes.pdf
Propos recueillis par Claire Plouy