Avoir accès à l’eau pourrait devenir au cours du XXIème siècle la première cause de conflit dans le monde. En effet, 40% de la population mondiale habite dans des bassins transfrontaliers. Il faudra donc réussir à se partager cette richesse. L’Egypte, par exemple, dépend presque entièrement du Nil. Or le fleuve passe aussi par le Soudan ou l’Ethiopie. Il faut donc que ces pays collaborent pour réussir à en profiter équitablement. Mais alors, pourquoi ne pas chercher de nouvelles sources d’approvisionnement en eau ? Au Pérou, certaines personnes récupèrent l’humidité du brouillard à l’aide de filet pour irriguer leurs champs. Chez eux, en France ou ailleurs, de nombreux particuliers récupèrent l’eau de pluie pour différents besoins. Ils peuvent tous témoigner de leur surprise face à la quantité d’eau récupérée lors d’une journée de pluie ou d’une nuit d’orage. Cela a donné une idée à la ville de Tokyo : et si on appliquait un système de récupération d’eau à l’échelle d’une mégalopole ?
– Reportage –
Grâce au travail d’un fonctionnaire, Tokyo développe depuis 40 ans un système de récupération d’eau de pluie adapté à l’environnement d’une ville de près de 14 millions d’habitants. Une politique dont les bénéfices sont multiples, et parfois inattendus.
Les systèmes de récupération d’eau ne sont pas nés de la dernière pluie. On ne compte plus le nombre de particuliers ayant équipé leur maison. Ou plutôt si, on les compte, et c’est ainsi que l’on sait qu’un récupérateur d’eau est installé toutes les 5,3 minutes en France. L’engouement est tel que la loi a dû encadrer l’utilisation de cette eau. En France toujours, seules les eaux « issues de toitures non accessibles » sont récupérables, selon l’arrêté du 21 août 2008. En outre, si l’eau de pluie est librement utilisable en extérieur, son emploi à l’intérieur de l’habitation n’est autorisé que pour alimenter les toilettes ou laver les sols. À titre expérimental, l’eau récupérée peut servir à la lessive, à condition d’être préalablement filtrée par un dispositif devant être déclaré auprès du ministère de la Santé.
À l’échelle du particulier, cet enjeu majeur du XXIe siècle a donc été en partie appréhendé. En revanche, peu d’initiatives à l’échelle d’une ville sont recensées. À Tokyo cependant, il y a près de 40 ans, un homme a pensé un système adapté à l’échelle d’une mégalopole. Un système qui, à l’heure où la pollution des nappes phréatiques et les problèmes d’approvisionnement des grandes métropoles pendant les saisons chaudes inquiètent, permet d’alimenter la ville en eau pour les sanitaires, les jardins publics et les pompiers, sans utiliser une seule goutte d’eau traitée. Cet homme, c’est Mukoto Murase.
Ce Japonais diplômé de l’Université de Pharmacie de Tokyo, intègre la direction sanitaire de Sumida, dans la banlieue de la capitale, en 1976. À l’époque, les constructions en béton poussent partout dans la ville, rendant difficile l’écoulement naturel de l’eau. Or, à Tokyo seulement, il tombe environ 2,5 milliards de tonnes de pluie chaque année, notamment lors du «tsuyu», la première saison des pluies qui peut durer jusqu’à six semaines, puis lors de l’«akisame», la saison des pluies d’automne. L’eau de pluie vient ainsi engorger les égouts qui finissent par déborder et provoquer d’importantes inondations. C’est dans ce contexte que le Dr Skywater (Dr Eau du ciel), comme on l’a surnommé plus tard, a développé un dispositif de collecte des eaux de pluie adapté à l’échelle urbaine.
Avec une équipe d’experts, il a imaginé un système de gouttières équipés de filtres et reliées à des réservoirs souterrains. Dans ces immenses cuves, l’eau stagne et les impuretés se déposent. Makoto Murase comprend rapidement que ce procédé peut répondre à plusieurs enjeux. Propre, mais non-potable sans traitement, cette eau peut être utilisée pour les chasses d’eau, les machines à laver, l’arrosage des plantes et les cas d’extrême urgence, comme les incendies ou les tremblements de terre. « Ce que nous avons fait à Tokyo a commencé comme un moyen d’éviter les inondations, explique Makoto Murase. Finalement, on s’est aussi rendu compte que l’on pouvait utiliser l’eau stockée comme ressource. »
Des avantages multiples
Le dispositif protège donc non seulement des inondations, mais permet par ailleurs de faire des réserves pour répondre à une éventuelle pénurie ou limiter la consommation d’eau potable pour les utilisations autres que la consommation. « C’est une alternative à notre système d’exploitation des eaux qui devrait certainement attirer davantage l’attention, d’autant qu’elle est simple à mettre en place », précise Makoto Murase. Un tel système, installé à l’échelle urbaine, répond à plusieurs enjeux : le contrôle des inondations, l’atténuation des pénuries d’eau, la sécurisation de l’eau pour des besoins en cas d’urgence, et enfin la protection de l’environnement. »
Pour autant, l’ingénieux système peine à convaincre les responsables locaux, méfiants à l’égard de la viabilité économique du projet. Il faut dire que si le système de récupération d’eau de pluie n’est pas nouveau, Makoto Murase est le premier à le concevoir à l’échelle urbaine. « J’étais très déçu, car je croyais à ces idées, mais il me fallait convaincre autrement.» Difficile mission pour un simple inspecteur sanitaire, bien seul face à toute la complexité d’une grosse machine de service public. « À l’époque, il n’y avait aucun organisme en charge de la coordination de ce type de projets, se rappelle-t-il. C’était très compliqué de promouvoir mon idée dans une administration très cloisonnée et parfaitement étanche. Heureusement, le Maire de mon arrondissement a accepté ma proposition, et a pris des mesures fortes pour l’accompagner. Il a demandé à tous les Directeurs des départements concernés par mon système de réfléchir à un moyen de mettre en place mon projet en coopérant les uns avec les autres. C’est devenu un programme transversal, qui concernait le génie civil, l’urbanisme, la protection de l’environnement, la prévention des catastrophes… »
Au bout du compte, la ville se laisse séduire par l’opportunité de disposer d’importantes ressources en eau quasiment neutre pour l’environnement, peu d’énergie étant nécessaire pour la rendre disponible, aucun combustible fossile n’étant utilisé pour l’acheminer et aucun gaz à effet de serre n’étant émis. Le système est finalement testé pour la première fois lors de la construction du Ryōgoku Kokugikan, le plus grand stade de sumo de Tokyo, au début des années 1980. Le tank alors installé – le plus grand d’Asie – peut contenir 1 000 tonnes d’eau. L’investissement de départ est rentabilisé en cinq ans grâce aux économies de factures. Depuis, le système génère plusieurs millions de yens de revenus chaque année…
Une popularité croissante
Convaincu par la réussite, les bâtiments publics s’équipent à leur tour, mais Makoto Murase voit plus grand. « Les experts de l’urbanisme me disaient : ”C’est un bon départ, mais des installations limitées à quelques bâtiments n’auront qu’un maigre impact quant aux enjeux sur lesquels nous travaillons”. Alors, j’ai réfléchi à l’extension du projet à plus grande échelle, avec des systèmes adaptés à d’autres types de bâtiments. Les études montraient que si l’on parvenait à étendre le système à 30% des constructions de la ville, on diviserait par deux les rejets des égouts dans la rivière, faisant ainsi chuter le risque d’inondation. Par ailleurs, en temps de sécheresse ou en cas de catastrophe, la ville pourrait fournir onze litres d’eau par jour et par personne à ses habitants, simplement en utilisant les réserves d’eau de pluie. »
Quelques années plus tard, Makoto Murase a réussi son pari. Constatant l’efficacité du système face aux inondations et les retours sur investissement extrêmement favorables, Sumida-ku (l’un des 23 arrondissements de Tokyo) établit en mars 1995 les « Lignes directrices pour la promotion de l’utilisation des eaux de pluie », qui impose notamment la construction de réservoirs souterrains pour chaque nouvel immeuble. En outre, tout promoteur ayant un projet de développement à grande échelle doit être conseillé par l’équipe de Murase. Enfin, en octobre de la même année, un programme de subventions est lancé pour aider les particuliers souhaitant installer un réservoir chez eux. Ces mesures s’étendent quelques mois plus tard à l’ensemble de la capitale japonaise, et ce sont désormais plus de 1000 bâtiments au Japon qui sont équipés, dont cinq stades ayant accueilli la Coupe du Monde de football en 2002. Cette réussite a valu à Makoto Murase de nombreux prix, dont il s’est servi pour promouvoir son idée à l’extérieur du Japon. Ainsi, pour les JO de 2008, l’immense Nid d’oiseau de Pékin a, à son tour, adopté l’alternative.
Aujourd’hui, Makoto Murase continue de parcourir le monde pour étendre son modèle à d’autres villes. Il a notamment travaillé avec la municipalité de Seoul, mais également au Bangladesh, où son idée permet de favoriser l’accès à l’eau potable. Partout où il passe, il continue de répéter en boucle que l’eau de pluie est une formidable ressource que l’on ne peut pas se permettre de gaspiller dans un contexte de pénurie à l’échelle mondiale. « Les rivières, les bassins et les lacs sont pollués et impropres à la consommation. Les nappes phréatiques sont polluées. L’eau la plus potable est désormais l’eau de pluie, insiste-t-il. Quand l’eau de pluie s’écoule dans les égouts, elle se transforme en inondation. Si vous la collectez, elle devient une ressource. » Et ne pas la recueillir revient donc à la gaspiller.
– Analyse –
Blanca Jimenez-Cisneros est Directrice de la Division des sciences de l’eau et secrétaire du Programme hydrologique international (PHI) pour l’UNESCO. Elle a également été vice-présidente de l’ONU-Eau, mécanisme de coordination interinstitutionnel des Nations Unies pour l’eau douce et les questions liées à l’assainissement.
Que pensez-vous de l’initiative de la ville de Tokyo ?
Il y a deux éléments qui rendent le projet très intéressant. D’abord, la pluie est une excellente source d’eau, même s’il faut avoir conscience que la capture est par essence limitée aux instants de pluie. Elle ne peut donc pas être LA source, mais UNE source d’eau. Ensuite, cette initiative peut être particulièrement intéressante dans le cas des flash flood, les inondations urbaines. En effet, quand les villes font des efforts pour récupérer l’eau avant qu’elle ne touche le sol, c’est extrêmement bénéfique pour se prémunir de ces inondations.
Pourquoi est-ce particulièrement intéressant dans les villes ?
Il y a dans les villes beaucoup de choses qui s’enchainent. D’une part, on est en train de mettre du béton partout, ce qui entraîne une diminution de l’absorption d’eau par les sols. D’autre part, les villes sont devenues de véritables « îles de chaleur » à cause de la réflexion des rayons du soleil et de l’absence de verdure. Selon de nombreuses études, on se retrouve avec cinq ou dix degrés de plus en ville. Cela crée un microclimat qui entraîne des pluies plus intenses. Depuis 30 ans, il y a au moins trois fois plus de pluie extrême. Ça veut dire qu’il pleut beaucoup plus sur une période plus courte. Comme il y a moins d’absorption des sols, les risques d’inondations augmentent. Outre les dommages liés à l’inondation elle-même, ces évènements provoquent des pénuries d’eau. Là encore, l’eau de pluie devient intéressante, car l’eau du robinet a un prix. Récupérer et stocker l’eau de pluie a donc un double intérêt : elle protège des inondations et vous offre une réserve importante d’eau à moindre coût – même si l’investissement de départ est important.
Économiquement, est-ce rentable ?
Comme je le disais, l’investissement de départ est élevé. Cependant, pour certaines villes, il est nécessaire car ce phénomène des flash flood est le mal du siècle. Il faut proposer une analyse économique au cas par cas. À Tokyo, la ville est construite en hauteur et l’installation d’un système de récupération d’eau de pluie est obligatoire pour les immeubles de plus de sept étages. Prenons maintenant l’exemple de la ville de Mexico. À la différence de Tokyo, c’est une ville très plate, à cause des tremblements de terre. La plupart des gens habitent dans des maisons ou de petits bâtiments. Pour réussir à capter l’eau à grande échelle, il faudrait multiplier les installations sur tous les bâtiments : ce n’est pas rentable. L’intérêt économique de l’investissement dépend de la surface de captation de l’eau.
Pour ces contre-exemples, existe-t-il des alternatives ?
C’est plus compliqué, mais c’est possible. En France, Issy-les-Moulineaux a mis en place un système de tank pour pouvoir se protéger des crues de la Seine. Aux États-Unis, certaines communes financent des bacs « stylisés » de 1m3 chez les particuliers. Ils ont fait le choix de multiplier les petits systèmes plutôt que de déployer un modèle qui n’aurait pas de sens sur l’ensemble de la ville. Encore une fois, on se protège des inondations tout en s’offrant une réserve d’eau pour les douches, les toilettes, l’arrosage… C’est une solution adaptée à une certaine topographie.
«Nous avons tendance à oublier que la majeure partie de l’eau consommée, ce n’est pas celle que l’on boit»
Au-delà des utilisations que vous évoquez, peut-on rendre l’eau de pluie potable ?
C’est une question très compliquée, car les normes de potabilité de l’eau sont extrêmement différentes d’un pays à l’autre. En tout état de cause, le coût du traitement, quel que soit le pays, sera très élevé, car l’eau de pluie est particulièrement polluée. Vous avez remarqué que quand il pleut, cela sent bon ? C’est parce que la pluie « nettoie » l’atmosphère en tombant. Toute la pollution de l’air passe dans l’eau.
Pour autant, même sans la rendre potable, on peut imaginer de nombreuses utilisations pour l’eau de pluie. J’évoquais la douche et les toilettes : nous avons tendance à oublier que la majeure partie de l’eau consommée, ce n’est pas celle que l’on boit. C’est une question importante, car actuellement on traite absolument toute l’eau pour qu’elle soit potable, et on s’en sert autant pour boire que pour tirer la chasse… Ça n’a pas de sens, il faut utiliser des eaux de différentes qualités.
Qu’est-ce qui freine les décideurs politiques pour investir dans ce domaine ?
L’investissement de départ est très important, mais il ne faut pas négliger non plus le coût de l’entretien. Un système de récupération d’eau, c’est comme pour le chauffage, il faut l’entretenir. Cela représente beaucoup d’argent pour quelque chose qui n’est pas directement visible par un électeur…
Cependant, celui qui se pose la question de la rentabilité d’un tel équipement doit voir plus loin que les analyses classiques coûts / bénéfices… Il faut prendre en compte les dégâts que peut provoquer l’eau lors des inondations, et les conséquences de ces catastrophes. En outre, en fonction du contexte local, la réflexion sur l’eau doit être menée conjointement avec celle sur l’énergie, car ces deux éléments peuvent influer l’un sur l’autre.
Pourtant, l’eau est souvent au centre des débats environnementaux…
Toujours ! Mais il manque les actes. J’étais à la COP et j’ai remarqué que l’eau est systématiquement citée dans les discours, avant d’être oubliée dans les programmes… Les acteurs publics préfèrent construire un théâtre ou que sais-je, parce que ça se voit et que les citoyens vont donc voter pour eux aux prochaines élections. Si vous décidez d’investir dans une station d’épuration pour traiter l’eau que vous avez récupérée, qui va le voir ? Il faut donc aussi mener des actions pour sensibiliser les citoyens, pour qu’ils prennent conscience de l’énorme enjeu que représente la gestion de l’eau dans les prochaines années.
La prise de conscience collective est souvent un enjeu majeur…
Oui, c’est extrêmement important ! Le pétrole par exemple, tout le monde a compris qu’un jour il n’y en aurait plus. Une fois qu’on aura tout consommé, il faudra savoir faire autrement. On accepte donc des expériences, des investissements… Concernant l’eau, il faut prendre conscience que l’on parle d’une ressource qui peut entrer dans un cycle et être utilisée plusieurs fois. Par conséquent, il faut organiser l’utilisation : donner l’eau potable à la ville et l’eau résiduelle, plus ou moins traitée en fonction des besoins, à l’agriculture. Le phosphore et l’azote contenus dans l’eau de pluie peuvent par exemple être utilisés comme fertilisants, donc on fait des économies sur le traitement. D’ailleurs en récupérant l’eau de pluie en centre-ville, on peut réussir à développer les fameuses « Cities of the futures » avec plus d’espaces verts et une production de denrées plus proches des villes.
D’autres utilisations de l’eau de pluie vous viennent-elles à l’esprit ?
C’est un sacré défi que l’utilisation de l’eau de pluie. On pourrait déjà en la stockant, la réinjecter directement dans les nappes phréatiques, car avec le béton des villes, certaines nappes ne se remplissent plus. Pour certaines villes, il y a urgence. Certaines nappes sont presque vides… En outre, l’eau serait naturellement filtrée : une fois de plus il s’agit d’un système gagnant-gagnant.
Un autre exemple tout simple : on peut utiliser l’eau de pluie à la place du sel pour dégeler les trottoirs. Il n’y a pas pire que l’utilisation du sel, car une eau salée est beaucoup plus difficile à traiter qu’une eau polluée. Mais toutes ces initiatives très positives ne doivent pas faire oublier que le problème principal, aujourd’hui, reste la taille des villes.
C’est-à-dire ?
Quand on en arrive à des mégalopoles, des villes de plus de dix millions d’habitants, on multiplie les problèmes en nombre, on augmente leur importance, certes, mais on en génère aussi de nouveaux, qui semblent parfois insolubles et qui sont spécifiques à ce mode de vie résolument urbanisé. Et des régions comme celle de Paris continuent de voir leur population augmenter. Il faut se poser les bonnes questions. Ce qui m’inquiète, c’est que je ne vois aucune réflexion menée sur notre mode de vie, sur ce que l’on est en train de faire vivre aux citoyens dans les villes. Au-delà de proposer des solutions aux problèmes que l’on rencontre, on peut aussi réfléchir collectivement à un moyen d’éviter que ces problèmes ne surgissent.
– Tribune –
Makoto Murase, fondateur de Skywater a accepté pour Territoires Audacieux d’écrire une tribune dans laquelle il s’adresse aux élus français.
« J’ai commencé ce projet pour que les eaux de pluie soient mieux utilisées. J’ai réalisé que notre existence dépendait de la pluie. Au cours du XXIème siècle, nous aurons de moins en moins d’eau « saine ». Les rivières, les étangs et les lacs sont pollués et non-potables, tout comme les eaux souterraines. L’eau de pluie est ainsi en passe de devenir l’eau la plus saine à utiliser. Or, partout dans le monde, beaucoup de citadins pensent que la pluie est une nuisance, qu’elle est désagréable. C’est particulièrement vrai au Japon, mais c’est le cas presque partout ailleurs. C’est, à mon sens, le principal obstacle auquel on est confrontés. Il s’agit de changer cette façon de penser. La pluie c’est quelque chose de formidable. Le plus important est de se rendre compte que c’est la pluie qui nous fait vivre.
Pour que le système se généralise, il faut beaucoup d’actions locales, d’initiatives citoyennes, de pédagogie. Il faut multiplier les groupes citoyens locaux et il faut que ces groupes soient associés à la politique de gestion des eaux par les responsables publics. Ce travail de prise de conscience passe par l’implication.
Par ailleurs, pour que ces pratiques se diffusent, il manque aussi un courage politique pour lancer des investissements forts. En effet, ce type de système nécessite un développement à grande échelle pour être réellement efficace.
Les promoteurs de ces systèmes sont également confrontés à un autre obstacle : le cloisonnement de l’administration publique. Il faut bien comprendre qu’un tel projet ne concerne pas un service unique, qui peut travailler dans son coin, mais un ensemble de services, qui doivent coopérer : l’urbanisme, l’environnement, le génie civil, la gestion des eaux, etc. À cet égard, les responsables politiques ont un rôle clé à jouer. Dans mon cas, c’est lorsque le Maire de mon arrondissement a lancé un programme de coopération entre tous les directeurs des départements concernés que la situation s’est débloquée.
Il est indispensable d’avoir une action publique forte pour que chacun d’entre nous se rende compte que l’eau est une ressource rare qu’il faut économiser, et que ce type de solution simple, sans contrainte pour l’utilisateur, et économe, permettra d’améliorer considérablement notre vie et celle de nos enfants.
Mon rêve, c’est que les habitants du monde entier utilisent localement cette « eau du ciel ». Parce que les bénéfices à petite échelle sont une bonne chose, mais pour avoir un réel impact sur la planète, il faudra généraliser ce fonctionnement. »
Propos recueillis par Baptiste Gapenne et William Buzy