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Gironde : une opération massive d’isolation des bâtiments publics

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose de découvrir une initiative menée par le département de la Gironde (33). Baptisée Cocon 33, cette opération vise à sensibiliser les maires à l’importance de l’isolation des bâtiments publics tout en leur proposant d’agir sur ceux qui ont des combles perdus. Les communes du territoire bénéficient d’un diagnostic gratuit et de tout un kit d’accompagnement. Bilan : elles réalisent des travaux à bas coût et économisent sur leurs factures d’énergie tout en réalisant une bonne action pour la planète.

Pour en parler, Territoires-Audacieux a rencontré Laure Curvale, responsable de l’opération Cocon 33 au sein du département de la Gironde et s’est rendu à Cussac Fort Médoc pour rencontrer un maire qui bénéficie de l’initiative.

– Introduction –

Les interviews de Laure Curvale et de Dominique Fédieu sont disponibles au format vidéo ou texte pour chaque question.

– Mise en place du projet –

Comment avez-vous eu cette idée ?

De façon assez simple. Le Puy-de-Dôme avait lancé une opération similaire dont nous avions pris connaissance. Il se trouve que le département a différents partenaires. Par exemple, en tant qu’élus, nous travaillons avec la Direction de l’Environnement qui s’appuie sur un réseau d’agences locales. Il y avait déjà eu des échanges entre celles de la Gironde et du Puy-de-Dôme. C’est vrai que nous avons été séduits par cette opération qui est simple et qui permet une massification des travaux. Je pense que c’est vraiment dans les compétences d’un département que d’apporter une ingénierie auprès des territoires afin de les aider à réaliser leurs projets.

Que proposez-vous aux communes exactement ?

Nous proposons d’isoler les combles perdus. Cela représente 30% des pertes thermiques d’un bâtiment. C’est une opération simple et peu coûteuse qui est possible sur de nombreux bâtiments. De plus, cela n’empêche pas la commune de réaliser d’autres travaux par la suite. Le département, via son opération, apporte en plus un kit complet. Nous fournissons le diagnostic, nous payons le bureau d’étude et il y a des aides de l’Ademe. Nous faisons aussi l’avance et le suivi des travaux. Enfin, nous nous somme occupés de valoriser les certificats d’économie d’énergie et nous avons envoyé aux communes des délibérations « types » à présenter en conseil municipal. Au bout du compte, la commune n’a plus qu’à nous rembourser le coût des travaux.

Y-avait-il besoin de faire prendre conscience aux maires des besoins ?

Nous sommes sur des petites communes. Si on prend l’exemple de Cussac Fort Médoc, il y a 2000 habitants. Il n’y a que la mairie et l’école. C’est un exemple de village où il n’y pas forcément quelqu’un en charge qui peut suivre ce qu’il se passe sur le patrimoine. Sur certains bâtiments, le maire nous a dit qu’il ne savait même pas qu’il n’y avait aucune isolation. L’intérêt de notre opération c’est que nous aidons les communes à mieux connaître les besoins de leur patrimoine. Parfois, le bâtiment diagnostiqué ne rentrera pas dans le cadre de l’opération « Cocon » mais ce diagnostic pourra servir à la commune plus tard.

Quels types de bâtiments sont concernés ?

Ce sont des mairies, des écoles, des gymnases… mais cela peut aussi être des résidences pour personnes âgées ou des logements communaux. En terme de conditions, il fallait avoir des combles perdus dans lesquels il soit possible de souffler de la ouate de cellulose ou de la laine de verre. Pour la rénovation, nous avons essayé de leur faire privilégier des matériaux bio-sourcés même s’ils sont un peu plus chers. Après, ce sont des bâtiments généralement assez âgés car sur les récents cela ne vaut pas la peine. Normalement, ils ont un niveau de performance déjà élevé. Nous nous rendons compte qu’il y a beaucoup de bâtiments publics qui rentrent dans ces critères.

– Le projet aujourd’hui –

Concrètement comment avez-vous lancé l’opération ?

Nous avons fait une opération de communication. Cela s’est traduit par des flyers, des messages sur le site internet du département et le président a écrit à toutes les communes. C’était il y a un an. Ensuite chaque conseiller départemental a été informé afin de porter le message dans son canton. Enfin nous avons profité des assises de l’énergie à Bordeaux afin de faire témoigner des élus du Puy-de-Dôme sur le projet qui avait été mené chez eux. Bien sûr, il y a eu aussi tout un travail de déplacement avec la chargée de projet et des ingénieurs pour bien expliquer celui-ci à ceux qui souhaitaient plus d’informations. Les communes ont pu nous faire remonter par la suite un questionnaire afin que nous fassions un pré-diagnostic. Nous devions vérifier que les bâtiments inscrits correspondaient bien à l’opération.

Comment s’est déroulée votre inscription à l’opération ?

Suite à l’opération de communication du département et à la présentation de l’expérience du Puy-de-Dôme, nous avons décidé de candidater. Nous avons ensuite reçu une personne qui a visité les locaux que nous avions désignés. Cela a permis un tri entre ceux qui pouvaient être éligibles et les autres.

Quels sont les bâtiments concernés dans votre commune ?

Il y la mairie, la cantine et certaines salles de classe. Nous avons un groupe scolaire du XIXème siècle qui a été agrandi à plusieurs reprise au XXème. Nous avons des bâtiments d’âges différents. Nous avions réalisé une présélection puis des techniciens sont venus pour vérifier qu’il y avait bien une problématique de combles perdus. Après ce diagnostic, nous avons dû choisir entre les possibilités d’isolation et définir une maquette financière. Sur cette base, nous allons délibérer le 18 décembre.

Quelles économies ce programme vous a-t-il permis de réaliser ?

Je ne saurais pas dire précisément. Mais de façon générale, nous allons économiser sur la facture énergétique dans les années à venir. C’est une certitude. Nous avons découvert que certains bâtiments n’étaient pas isolés du tout. Ils étaient de véritables passoires énergétiques et cela va permettre de gagner en confort. Globalement, c’est un investissement d’environ 15 000 euros et les certificats d’économie d’énergie représentent un tiers de cette somme.

– Comment dupliquer le projet  –

Est-ce que ce projet peut intéresser d’autres départements ?

Je pense que oui. C’est une opération assez simple. En amont, il faut bien vérifier le montage administratif et juridique. Du côté du département, il faut s’assurer qu’il y aura suffisamment de moyens en interne pour accompagner les communes. C’est de l’ingénierie de projet qui est à la charge du département ou de ses partenaires. Cela peut être une limite pour des départements avec moins de moyens financiers ou humains. En revanche, c’est vraiment intéressant d’être sur des marchés groupés pour la commande des matériaux. Il y a aussi des moyens en communication qu’il faut avoir.

Quel est le coût de cette opération ?

Au delà des moyens humains pour gérer le projet et s’occuper de valoriser les certificats d’énergie, le département a dépensé 130 000 euros pour financer le diagnostic de 400 bâtiments. Finalement, 210 d’entre-eux ont été jugés éligibles à l’opération Cocon 33. Cela veut dire que c’est un programme qui engage 62 collectivités différentes. 35.000 m² vont faire l’objet de travaux dont près de 70% en matériau isolant biosourcé type ouate de cellulose. Au total, ce sont 750 000 euros de travaux qui vont être engagés entre 2018 et 2019.

Avez-vous mesuré l’impact ?

C’est un impact très intéressant. Il y a d’abord les aspects lié à l’environnement. On économise de l’énergie et rejette moins de gaz à effet de serre. Puis, il y a plus de confort pour ceux qui utilisent les bâtiments. Mais c’est aussi un impact économique car la commune va dépenser moins dans son budget énergie. Enfin il y a un impact sur l’emploi car nous privilégions des artisans locaux pour réaliser les travaux. Cette opération est donc aussi une manière de créer une dynamique économique. Pour le Puy-de-Dôme, cela avait représenté 1 million d’euros de travaux.

C’est un impact rendu possible par l’échelle du département ?

Si l’opération était uniquement réalisée sur quelques bâtiments, il n’y aurait effectivement pas d’effet de levier. C’est vrai sur le plan environnemental ou économique. Pour des artisans, une entreprise ou même le bureau d’études que nous avons fait travailler, nous avons apporté un nombre important de bâtiments. Sur les deux plans, nous sommes dans un contexte où il y a urgence à agir. Quand vous avez une opération massive et sur un délai court, vous avez cet effet levier.

Y a t il eu une opposition politique ou citoyenne ?

Non. Le président du département a validé tout de suite l’opération. Le seul obstacle qu’il peut y avoir c’est quand une mairie se rend compte qu’elle a d’autres priorités d’investissement que de réaliser les travaux. Il peut aussi y avoir un changement de projet pour un bâtiment. Je pense que ce n’est pas un projet qui peut avoir un obstacle politique.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne