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Seine-Eure Agglo (27) : face à la crise, le contrat local de santé a permis d’être « plus réactif »

Territoires Audacieux se mobilise, notamment en s’associant à l’AdCF, pour vous permettre de bénéficier de retours d’expérience réussies pendant la crise sanitaire. Notre objectif ? Vous proposer des témoignages de terrain afin de faire remonter les bonnes pratiques du territoire face au défi du confinement et de ses conséquences.

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Dixième témoignage de cette série, celui d’Anne Terlez, vice-présidente de Seine-Eure Agglo en charge de la Politique de la Ville et de la Transition énergétique. Elle nous raconte comment la mise en place d’un contrat local de santé a pu permettre à la collectivité d’être plus réactive en temps de crise. Elle évoque également la nécessité de communiquer avec les habitants par différents canaux pour s’assurer une bonne transmission des informations.

Quelle est la situation sur votre territoire ?

Nous sommes en Normandie. Nous sommes plutôt une région un peu plus épargnée par le virus. Nous sommes modérément touchés mais nous avons pris toutes les précautions pour que cela se passe le mieux possible. Nous avons une remontée d’information chaque semaine par les médecins généralistes. Ils sont à cinq ou six détections de covid par jour chacun. C’est gérable à ce stade. Le nombre d’hospitalisation est raisonnable et la région a pu accueillir des patients franciliens car des lits de réanimation été disponibles.

Parmi les actions mises en place par la collectivité, quelles sont celles qui ont pu vous marquer ?

Plus qu’une action particulière, j’ai remarqué lors de cette crise que la mise en place durant ces dernières années d’un contrat local de santé sur notre territoire nous permis de gagner beaucoup de temps. Nous avons pu faire face efficacement aux différentes problématiques qui sont apparues avec la crise sanitaire.

Comment avez-vous gagné du temps ?

Nous avons pu très vite identifier grâce à notre contrat local de santé les besoins sur le territoire. Là où il n’y en a pas il n’y a pas d’ingénierie dédiée et le lien avec les différents acteurs du territoire n’est pas fait. Nous avons pu très rapidement mobiliser l’ensemble de nos partenaires. Les professionnels ont pu nous faire remonter leurs différents besoins et nous avons pu les palier très rapidement. Nous surveillons la montée de l’épidémie de manière très vigilante. Semaine après semaine, nous essayons d’anticiper.

Vous avez également pu proposer une cellule d’écoute…

Grâce au contrat local de santé, nous avons des appels à projets et des crédits pour mener des actions. Cela nous a permis de tout de suite mettre en place une cellule d’écoute psychologique. Très rapidement, nous avons un psychologue clinicien ayant l’habitude de travailler avec nous qui s’est proposé de mettre en place une écoute. Avec les crédits et la structure, nous avons pu le faire. Nous avons diffusé l’information en premier aux professionnels de santé car nous avions déjà un dispositif autour de la santé mentale sur notre territoire. Nous savions qu’il y allait avoir une montée en charge due au confinement. Les médecins et infirmières pouvaient donc donner le numéro de ce psychologue pour une téléconsultation. Nous avons ouvert plus largement ce numéro aujourd’hui. Notre président a indiqué que des crédits supplémentaires issus de nos fonds propres pourraient être attribués si nécessaires.

La crise fait ressortir le rôle de coordinateur de la collectivité ?

Complètement. C’est particulièrement vrai pour les intercommunalités. Nous avons un rôle de chef d’orchestre. Nous centralisons les besoins et nous dispatchons les moyens. Le contrat local de santé permet un véritable diagnostic de territoire. Nous savons où sont les difficultés et les points sensibles. Par exemple, nous sommes un territoire sur lequel il y a beaucoup de maladies chroniques. Les médecins doivent donc faire attention aux plus fragiles. Nous avons aussi joué un rôle de centralisation sur la question des masques et du gel. Nous avons une usine Hermes Parfum. Elle a pu produire du gel hydroalcoolique en grande quantité. Nous avons pu l’envoyer ensuite dans les différentes communes et chez les professionnels de santé. Les collectivités peuvent éviter les doublons ou les luttes de pouvoir. Nous travaillons au service du territoire et du bien commun de façon efficace.

À quoi pensez vous en évoquant le terme ingénierie ?

Je pense clairement aux postes dédiés à la promotion de la santé et aux solidarités au sein de la collectivité. J’ai une direction « solidarité » qui gère à la fois la Politique de la Ville, le renouvellement urbain et les questions d’insertion professionnelle pour les plus démunis. Nous avons dans ce cadre deux emplois à temps plein dédié au contrat local de santé. Les deux personnes mènent en temps normal de nombreuses actions de promotion de la santé. Nous avions une friche industrielle située sur un axe structurant de notre territoire. Nous l’avons transformé en cité numérique et nous avions décidé d’y ajouter un angle sur l’adaptation du territoire au vieillissement de la population. Nous avons donc mis en place des maisons de santé mais aussi le développement de la télémédecine. Quand vous menez ce genre de réflexion, vous prenez un peu d’avance. Les deux contrats ont permis, depuis le début de la crise, de gérer le réseau d’acteurs pour recenser les besoins. Mais aussi de sensibiliser les acteurs périphériques comme les bailleurs sociaux. Ou de réaliser de la prévention auprès de nos services dans la continuité d’activité pour nos agents de terrain. Nous étions tout de suite en ordre de bataille.

La crise met en avant les actions de prévention ?

Absolument. Il est vrai que dans mes deux délégations, les budgets que je peux grapiller ne sont pas les plus importants par rapport à des pôles comme la voirie. Or aujourd’hui la crise sanitaire démontre que ce que l’on a pu mettre en place est vraiment crucial et indispensable. Le président de l’interco m’a d’ailleurs fait la remarque en ce sens il y a quelques jours.

Sur un deuxième volet, vous avez également mené des actions au niveau de la communication ?

Oui, nous nous sommes dits que dans une crise de cette ampleur, il était compliqué de maintenir le lien avec les concitoyens. Nous essayons déjà en temps normal de faire vivre les actions intercommunales. En fusionnant récemment avec notre interco voisine, nous sommes passés de 70 000 à 105 000 habitants. De 37 à plus de 60 communes. Il y a un enjeu important. Il faut bien montrer qu’il n’y a pas que les maires en première ligne. L’intercommunalité assure des services publics qui concerne directement les habitants. Nous travaillons à la visibilité de l’action. Pendant la crise, il faut continuer et travailler en collaboration avec les maires. Nous avons donc mis en place une newsletter dédiée à la crise du coronavirus.

Que retrouve-t-on dans cette newsletter ?

Elle permet de valoriser la continuité d’activité de nos services publics en passant par le biais des « Héros » de la deuxième et troisième ligne. Nos aides à domicile par exemple presque en première ligne. De nombreux agents sont sur le terrain. Nous voulons mettre en valeur ces personnes. Il ne s’agit pas de profiter de la crise. Mais l’idée c’est le maintien du lien direct avec les habitants. Nous trouvons courageux nos agents et nous voulons le montrer. Cela peut créer un élan de solidarité. Nous avons suggéré par exemple des gestes aux habitants comme mettre des messages sur le couvercle des poubelles. Il faut être solidaire les uns des autres.

Nb: Retrouvez un exemple de newsletter en cliquant ici

Comment toucher ceux qui n’utilisent pas ou peu le numérique ?

C’est un vrai sujet. Nous avons eu plusieurs initiatives. Là où nous avons des personnes âgées ou liées à la fracture numérique, nous avons incité les municipalités à informer en leur donnant des outils. Il y a eu des équipes de terrain qui sont allées dans les cages d’escalier apporter les informations. Dans la ville de Louviers, pour ceux qui n’avaient pas d’imprimante ou qui ont des difficultés d’écriture nous avons également dû agir pour les attestations aussi. Nous avons imprimé des attestations et nous les avons distribuées dans les commerces les plus fréquentés comme les tabacs, les boulangeries ou les pharmacies.

Le confinement a-t-il bien été respecté sur votre territoire ?

Sur le plan social, le confinement est plutôt respecté. Nous avons misé des actions de prévention pour expliquer au public à quel point c’était important. Il y a eu des maraudes dans les quartiers et toute une solidarité collective et individuelle qui s’est mise en place. Les bailleurs ont tout de suite fait le travail d’appeler les locataires pour repérer les plus fragiles. Pour certains, ils appellent tous les deux jours voir passent pour vérifier que tout va bien. Ils nous ont transmis une liste (les personnes ayant donné leur accord) des habitants les plus à risque. Il était important par exemple de connaître les personnes âgées en rupture de soins. Enfin, nous avons vu toute une solidarité de voisinage se mettre en place. Globalement par rapport à la perte de liberté induite par le confinement, je trouve que cela aurait pu être beaucoup plus difficile.

Au niveau du tissu économique, avez-vous commencé à prendre des mesures pour l’après ?

Nous sommes en cours d’élaboration d’un plan économique de relance, d’aide et de soutien. Je pense que c’est assez commun aux intercommunalités. Il va falloir qu’on regarde exactement les règles. L’AdCF fait un gros boulot là dessus pour voir ce que nous allons pouvoir faire. Nous devons voir comment nous pouvons être complémentaire. Il faut espérer de la part de l’État une certaine agilité. Nous espérons qu’ils nous permettront de mobiliser des fonds habituellement dédiés à autre chose sur ces questions. L’urgence va être de faire redémarrer nos commerces, nos restaurants, nos hôtels. Ils souffrent beaucoup.

La crise est l’occasion de voir la capacité de réaction des collectivités publiques ?

Le bloc communal est très sollicité. C’est logique car c’est un échelon de proximité. Il s’est mis en marche rapidement et sans attendre que l’État clarifie sa position sur un certain nombre de sujets. C’est normal car la situation est très dure à juger. Mais les communes et l’intercommunalité ont pu très vite se mettre en ordre de bataille. Un exemple simple: la régie de restauration commune à différentes collectivités a permis de répondre très rapidement à la demande. Notamment pour proposer aux enfants de soignants et aux personnes âgées des repas.

Propos recueilli par Baptiste Gapenne