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Rhône Lez Provence (84) : un centre de soins dédié covid19 pour limiter les contaminations

Territoires Audacieux se mobilise, notamment en s’associant à l’AdCF, pour vous permettre de bénéficier de retours d’expérience réussies pendant la crise sanitaire. Notre objectif ? Vous proposer des témoignages de terrain afin de faire remonter les bonnes pratiques du territoire face au défi du confinement et de ses conséquences.

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Onzième témoignage de cette série, celui d’Anthony Zilio, président de la communauté Rhone Lez Provence (84). Il nous explique le fonctionnement du Centre ambulatoire dédié (CAD) covid19 mis en place sur son territoire. Une initiative prise avec l’Agence Régionale de santé, la préfecture et l’éducation nationale afin d’accueillir les habitants ayant des symptômes du covid19, tandis que le pôle de santé habituel gère les maladies plus classiques. Ainsi, les risques de contaminations sont limitées. Il évoque également les mesures prises pour aider les entreprises de son territoire ainsi que la création d’un dispositif appelé « solidarités citoyennes ».

Pourquoi avoir mis en place un Centre ambulatoire dédié (CAD) covid-19 ?

Il faut revenir sur les dernières années de notre territoire. Nous avions un manque de médecins généralistes. Nous avons pris l’initiative dans le cadre de notre développement économique et des professions libérales de créer un pôle médical intercommunal via un privé. Il avait monté un bâtiment qui avait coûté très cher. Nous avons monté un partenariat public/privé et cela a pu créer un fort engouement. C’était une très forte attente sur notre territoire. Le centre ambulatoire dédié covid19 est né dans la continué de cet engagement. Je ne souhaitais pas que les malades du covid19 soient mêlés aux autres patients. Il ne fallait pas faire fuir ceux qui viennent pour une autre raison. Nous avons donc fait une concertation avec nos médecins du territoire. L’un d’entre eux à jouer le rôle de coordinateur afin de mettre ce projet en place.

Avec quels acteurs avez-vous pu monter ce centre ?

Dans ce projet, nous collaborons avec la préfecture, l’Agence Régionale de Santé et l’éducation nationale. Ce dernier acteur est présent car nous avons installé ce centre dans une école qui était fermée. Ce n’était pour des raisons politiques mais bien car c’était pratique. Il fallait des accès d’eau, une circulation fluide sans demi-tour et d’avoir des salles assez grandes, spacieuses et ventilées. Neuf médecins généralistes et douze infirmières se sont portés volontaires pour participer à ce centre. Nous avons ainsi pu installer la première partie des diagnostics. Cela permet aussi d’éviter d’encombrer les urgences d’un hôpital. Nous évitons les flux. Nous ne savons toujours pas si les hôpitaux vont être engorgés. Cela évite également de contaminer des patients qui viendrait voir leur médecins pour d’autres raisons.

La médecine classique doit pouvoir continuer en temps de crise…

Exactement. Notre pôle médical est là pour cela. Nous ne l’avons pas associé au projet covid19 pour gérer le quotidien. Nous avons voulu dédié un centre ambulatoire au covid19 pour faire en sorte que ceux qui présentent des symptômes soient pris en charge de la meilleure des façons et ne viennent pas à la rencontre de publics fragilisés. Nous avons aussi mis en place un secrétariat et un agent de sécurité pour éviter d’avoir un surplus de population qui viendrait au moindre petit symptôme. Cela se passe de manière très fluide. Aujourd’hui, nous avons 56 personnes par jour qui viennent dans le centre covid19.

Quelles ont été les contraintes pour monter ce projet dans une école ?

Nous sommes suivis par l’ARS. Elle a pu émettre un cahier des charges très strict sur les consignes à respecter. Il faut des salles distinctes, un certain type de matériel et des équipements disponibles. Le sens de circulation des patients est étudié mais il faut aussi plusieurs arrivées d’eau et un accès parking. Enfin, il faut un lit médicalisé pour assurer une urgence si nécessaire. Seule une école répondait à ces critères. Alors même que nous avions sur notre territoire un ancien hôpital. L’ARS a validé le projet sur proposition des médecins du territoire. Je n’ai joué qu’un rôle de mise à disposition du bâtiment. Nous avons informé les familles de l’école par mail pour rassurer. Il fallait expliquer notre projet. Nous avons déplacé tout le matériel des salles utilisées et nous avons un nettoyage quotidien. Dès que nous devrons rouvrir cette école, nous ferons un nettoyage et une désinfection totale. Nous avons essayé d’être le plus pragmatique possible.

Il y a certaine forme d’innovation par rapport au rôle de l’intercommunalité…

Nous sommes le seul centre ambulatoire dédié du département. J’ai souhaité mettre en place cette initiative pour rassurer la population. Il fallait montrer que si la crise devait s’accélérer nous pouvions répondre. Il y avait deux choix. Attendre les consignes de l’ARS ou anticiper. Nous avons voulu prendre ce deuxième choix même si ce n’est pas forcément dans les compétences habituelles des communautés de communes.

Quel est le coût de ce centre ?

Aujourd’hui le fonctionnement du centre est très simple. L’Agence Régionale de Santé fourni les équipements. Par exemple, les blouses ou les masques. Les médecins et infirmières qui participent le font au titre de leur activité et ont été réquisitionné, je pense, par l’ARS. Nous avons donc besoin que de très peu de moyens pour mettre en place un centre comme celui là. Il a fallu en revanche du travail humain pour préparer l’ouverture. Nous avons protégé les photocopieurs ou déménagé des affaires superflue. Cela a demandé du travail de la part de nos agents. S’il devait y avoir des frais sur le long terme, cela serait plutôt autour de la réception des équipements qui servent aux personnes qui entrent dans ce centre. Il y a une procédure rigide et c’est normal.

Quelles mesures avez-vous pu prendre pour les entreprises ?

Nous avons souhaité palier les manques du système mis en place par l’État. Pour cela, nous avons mis en place un fonds intercommunal de solidarité. Il y a une aide d’urgence pour les personnes n’ayant pas bénéficié des différentes aides ou du chômage partiel. Cela concerne essentiellement des travailleurs non salariés. Nous avons aussi un plan d’accompagnement et de reprise. Il permet des avances de trésoreries. Cela peut aller jusqu’à 3000 euros avec un remboursement étalé dans le temps et qui sera modulé en fonction de l’impact de la crise sur le chiffre d’affaires de chacune des entreprises.

L’idée est de compléter le dispositif national ?

Nous sommes sur un territoire où nous avons mis beaucoup de temps à arrêter les phénomènes de désertification de nos centres-villes. Il est donc important de rester sur une bonne dynamique auprès des petits commerçants. Nous devons être complémentaires des aides de l’État. Nous devons aussi abonder au fond régional. Dans le sud, il s’appelle Covid Résistance. Nous le faisons à hauteur de deux euros par habitant. Cela permet de faire des prêts à taux zéro entre 3 et 10 000 euros pour les entreprises. Nous devons rassurer les chefs d’entreprise car certains pourraient être tentés de tout arrêter.

Quels retours avez-vous du terrain ?

Une fois par semaine, j’essaye de faire le tour du territoire. En discutant, avec mon boulanger, il m’a dit que sa banque ne souhaitait que lui proposer un échéancier pour reporter les créances de mars-avril en juillet. Mais il est vrai qu’il n’y aucune visibilité pour les ventes d’ici là. Quand vous vendez quatre baguettes en une matinée, il est compliqué de continuer à payer des charges. Le temps de l’entreprise, c’est celui du quotidien. Pas toujours celui de l’administration. Nous avons donc dû agir rapidement. Quand l’entreprise était en difficulté lundi, nous avons voulu l’aider le mardi et pas trois mois après. D’où l’idée d’un fond d’urgence et d’un fond qui traite du temps long.

C’est un rôle nouveau pour les collectivités locales ?

La question du développement économique a été, à la création de l’échelle de l’intercommunalité, la première compétence qui a été donnée. Je pense qu’aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous payer le luxe de ne pas voir ce qu’il se passe sur nos territoires. Il y a déjà un contexte très compliqué de compétition avec les services en ligne. La situation a mis en évidence la fragilité de certains tissus économiques. Les élus doivent donc jouer d’autres rôles comme nous l’avons fait dans le secteur médical. Nous nous adaptons aux besoins.

La crise a-t-elle fait avancer l’innovation dans certains domaines ?

La crise permet d’apporter des solutions avant même qu’il y ait des problèmes. Il y a une ingéniosité qui ressort de ce temps de crise. Par exemple, comment réussir à occuper les familles et les enfants ? Il faut trouver comment prolonger tout ce qui a pu être fait dans les clubs de jeunes ou les centres- aérés. Il y aussi la question de l’innovation économique. Je pense que certains commerçants qui avaient du mal à se mettre au e-commerce comme des buralistes vont accélérer le développement de certaines pratiques. Et puis, il y a les innovations dans le domaine de la solidarité. Partout, des gens se croisaient sans même savoir qu’ils existaient. Ils ne se disaient pas bonjour. Aujourd’hui, ils prennent en compte leur voisinage et se renseignement sur les besoins de chacun. La crise a remis de l’humain dans nos façons de vivre…

Vous avez d’ailleurs mis en place un dispositif pour coordonner la solidarité ?

Oui. Nous avons mis en place un dispositif appelé « solidarités citoyennes ». L’objectif est simple : mettre en place des bénévoles avec des personnes fragiles. Nous avons voulu faire en sorte qu’il y ait une solidarité qui se manifeste. Nous avons mis en place une plateforme liée à la réserve civique. Les bénévoles sont recrutées par celle-ci. Nous avons fait la promotion du dispositif. Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans cette crise. Quand vous êtes confinés, vous avez l’information qui arrive plus facilement. Ils vous suffit de suivre la collectivité ou l’organisme dont vous avez besoin pour avoir une information plus accessible. L’accès a l’information est un point que nous avons voulu lever très rapidement. Quand on est isolé, c’est primordial. Nous avons donc aussi agi dans ce domaine. Il n’y a rien de pire que de ne pas savoir.

Quelles sont les actions de solidarités possibles dans le cadre de votre dispositif ?

Elles sont multiples. Cela peut être des courses alimentaires ou diverses. Mais aussi par exemple l’installation d’un ordinateur pour une visio afin de bien réussir une téléconsultation. Cela peut aussi une aide à la mobilité pour aller chez le médecin. Nous devons faire en sorte d’avoir une bienveillance entre les habitants. Nos agents aident aussi énormément à faire le relai ou simplement à appeler les personnes isolées. J’ai été très frappé par l’engagement de l’ensemble de notre personnel. Il y a eu un très fort élan de solidarité.

Propos recueilli par Baptiste Gapenne