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Douzième témoignage de cette série, celui de Frédéric Vigouroux, maire de la ville Miramas, dans les Bouches-du-Rhône et de Thierry Ricard, directeur général adjoint enfance jeunesse éducation sports culture. Face à des élèves de maternelles et de primaires en décrochage scolaire, certains à cause d’une fracture numérique, la ville a distribuée des tablettes numériques aux familles en ayant besoin. Une initiative qui s’est faite en collaboration avec l’éducation nationale, les services de la mairie de Miramas et les entreprises partenaires.
À quels élèves sont destinées ces tablettes ?

Frédéric Vigouroux : Dans le département des Bouches-du-Rhône, depuis environ 12 ans, les collégiens ont toujours reçu un ordinateur personnel. Pour les maternelles et les primaires, il y a quelques années, nous avons été pilote dans le plan numérique. Nous avons investi dans des tablettes leur permettant d’acquérir des connaissances dans le domaine du numérique. Nos enseignants s’en sont beaucoup servis. Nous avons pu nous appuyer sur cette démarche.
Comment avez-vous identifié les élèves décrocheurs ?
F.V : Des professeurs nous ont fait remonter, via l’inspecteur de l’éducation nationale, qu’il y avait certain nombre d’élèves qui, manifestement, ne suivaient pas les cours et décrochaient. Ils n’avaient plus de nouvelles d’eux et les parents ne réagissaient pas sur les contacts qu’ils avaient. Il nous a paru évident que les professeurs, qui étaient très demandeurs du suivi des élèves, puissent nous alerter, pour qu’on contacte les familles et qu’on distribue une première salve de tablette.
Comment avez-vous contacté ces familles ?
F.V : Cela fait longtemps maintenant que nous travaillons collectivement avec les différents services : social, logement, éducation, santé, etc. Tous ces réseaux parallèles mutualisent leurs outils et leurs informations. Ils travaillent en partenariat. Donc une fois les élèves identifiés, les centres sociaux et les CCAS ont pu prendre contact avec les familles.
Et qu’ont-ils constaté ?
F.V : Une vraie rupture numérique, les familles manquaient d’équipements. Souvent, elles ont un téléphone, mais c’est celui des parents, donc il n’est pas toujours libre pour que l’enfant puisse y consulter ses cours.
Combien de famille avez-vous réussi à contacter ?

F.V : Nous avons eu les trois quarts je dirais. Après il y a des situations différentes pour chaque famille : des divorces qui éloignent les enfants dans la région, des familles bloquées de l’autre côté de la Méditerranée, etc. Nous avons une population qui n’est pas riche, il fallait compenser cette fracture numérique. En France, il y aurait environ 15% de la population qui n’est pas numérisée. Donc il n’y a pas de raison qu’ici ce soit différent. Nous avons identifié à peu près 250 enfants en décrochage scolaire sur 3000.
Vous aviez assez de stocks pour distribuer des tablettes à tous ces élèves ?
F.V : Comme nous utilisions déjà des tablettes à l’école, nous en avions une soixante. Mais nous nous sommes aperçus que ça ne suffirait pas. Donc nous en avons acheté 160 de plus, le plus vite possible.
Comment la distribution se déroule-t-elle ?
Thierry Ricard : Il y a eu une première phase, le 15 avril, avec 45 tablettes distribuées. La seconde aura lieu le 4 et le 5 mai, où nous distribuerons les 180 dernière. Elles sont en train d’être paramétrées par nos services informatiques. La semaine prochaine, nous allons appeler les familles, qui vont venir par session de dix minutes. À ce moment, nous leur remettons un contrat d’engagement, entre eux et le maire. Nous leur remettons également des tutos sur la tablette, comment la faire fonctionner, et quatre autre à visé pédagogique.
Comment assurez-vous le suivi informatique ? Et en cas de casse, quelle est l’assurance ?
T.R : Pour chaque élève nous avons un dossier famille dans lequel il y a de fait la responsabilité civile. Nous avons indiqué qu’en cas de perte, vol ou dégradation, la ville fera jouer son assurance. Nous mettons aussi à disposition un numéro unique, vers nos services informatiques, au cas où il y ai des difficultés techniques avec la tablette. En sachant que sur les 45 premières distribuées, nous avons eu seulement trois appels, car les enfants connaissent déjà ces tablettes.
Comment sont ces tablettes ? Et comment sont-elles paramétrées ?

T.R : Ce sont des tablettes Lenovo, qui comporte un clavier. Nous avons installé le pack Libre Office, PDF et le moteur de recherche Qwant. Ils ont la possibilité d’aller sur internet, pour récupérer justement des programmes en ligne par l’éducation nationale. Nous n’avons pas pu mettre de filtre. Nous ne surveillons pas ce qu’ils font dessus. Nous avons bien précisé dans le contrat que pour toute utilisation malveillante sur des sites autres que ceux qui devraient être consultés, la famille en prendrait la totale responsabilité. À la restitution des tablettes, il y aura un gros travail de déparamétrage par rapport à l’utilisation faite.
Quels retours avez-vous pour l’instant ?
T.R : J’ai eu un retour de monsieur l’inspecteur, et tous les enfants se connectent ! Sur les 76 gros décrocheurs identifiés, et avec la distribution de la première salve de tablettes, nous avons pu en raccrocher déjà 25. Et dans la deuxième phase, le but c’est de tous les récupérer. Nous sommes optimistes car aujourd’hui, seulement cinq n’ont pas répondu. Ça veut dire que le 4 et le 5 mai nous aurons couvert tous les enfants de tous les niveaux en décrochage numérique ainsi que les gros décrocheurs scolaires. Avec la distribution de 257 tablettes.
Quand devront-elles être rendue ?
Frédéric Vigouroux : Elles seront rendues après le 11 mai. Mais comme nous ne savons pas comment le dé confinement et le retour à l’école va se dérouler, ils auront probablement encore besoin de ces outils. Donc pour l’instant il n’y a pas de date de fin.
Quel a été le coût d’une telle opération ? Qui prend en charge ces frais ?
F.V : C’est la mairie qui prend tout en charge, les 160 nouvelles tablettes nous ont coûtées 67 000€. Au départ nous avions trouvé un industriel qui nous avait proposé des iPads. Mais les enfants n’étaient pas formés dessus. Et le logiciel de l’éducation nationale n’est pas compatible avec tous les appareils. Donc nous avons dû retrouver notre industriel initial. Nous avons reproduit la tablette de l’école, à la maison.
Les élèves de tout âge peuvent également réaliser des impressions gratuitement ?
F.V : Oui, une entreprise locale, l’imprimerie Valliere, met à disposition un service d’impression et de photocopies, pour les personnes qui n’auraient pas d’imprimante. C’est uniquement pour des impressions liées à l’éducation, dans la limite de 50 photocopies par semaine par élève. C’est ouvert aux maternelles, primaires collèges et lycées ! Les familles s’organisent, envoient leurs fichiers ou vont sur place. Tout cela est gratuit, l’imprimeur sait que nous achèterons les palettes de papier à la fin.
Propos recueillis par Lea Tramontin.