Territoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires Audacieux
33650, Saint Médard d'Eyrans
(Lun - Ven)
baptiste@territoires-audacieux.fr

La Plate-forme POPSU rapproche chercheurs et professionnels du territoire afin de réfléchir aux enjeux de demain

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose un focus sur la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU). Développée par le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, elle a pour objectif de permettre à des chercheurs de travailler en relation avec les professionnels des territoires.
Deux programmes sont actuellement développés par la plateforme : POPSU Métropoles et POPSU Territoires. Les équipes de Territoires-Audacieux.fr ont interviewé Jean-Baptiste Marie, le directeur de la plateforme pour les évoquer et en savoir plus sur l’ambition nationale de la plateforme.
Sommaire:

– La Plateforme POPSU –

Quelle est l’ambition de la plateforme POPSU ?
POPSU, c’est avant tout la rencontre entre des chercheurs et des acteurs. Nous favorisons une mise en symétrie afin d’instaurer un dialogue permanent et fécond entre ces deux mondes qui sont parfois très dissociés l’un de l’autre. Il y a trop souvent les chercheurs d’un côté dans leurs laboratoires, et de l’autre, le monde de l’action avec les professionnels de la ville. Dans cette dernière catégorie, je veux parler aussi bien des élus que des techniciens. La plateforme POPSU est une hybridation de ces deux mondes pour construire un dialogue autour des problématiques qui les concernent.

C’est communiquer avec les acteurs pour favoriser le dialogue et avancer ?
Ils ont des choses à se dire. Avoir des chercheurs dans une équipe permet une pratique plus réflexive. Cela crée une mise à distance par rapport aux questions liées à la métropole. Pour les acteurs qui animent les territoires, les chercheurs sont une opportunité d’avoir une vision différente des questions qu’ils peuvent aborder. Les chercheurs apportent un temps long. Parfois, ils peuvent même être un poil à gratter vis-à-vis de certaines politiques.

Les collectivités ne prennent-elles pas assez le temps de se poser ?
Je pense que les collectivités ont une connaissance fine et forte. Elles disposent d’une expertise extrêmement importante. Mais nous ne pouvons plus considérer les deux mondes de manière séparée. Les collectivités, via leurs élus et les techniciens, ont une expertise presqu’aussi fine que la connaissance scientifique. Un chercheur va apprendre des professionnels de la ville. De la même manière le dialogue réciproque va permettre d’imaginer une mobilisation de la connaissance scientifique par les acteurs des collectivités.

Comment cette collaboration se déroule-t-elle concrètement au quotidien ?
Nous souhaitons que la recherche puisse venir éclairer les politiques publiques. Dans ce contexte, nous installons une plateforme au sein des métropoles avec lesquelles nous travaillons. Elle va réunir un certain nombre de chercheurs, des techniciens et des élus. Elle met en place un regard des chercheurs sur les questions posées par les élus. Dans ce contexte, les élus vont pouvoir construire un séminaire d’orientation, définir les grands axes de la recherche puis ils vont monter des séminaires conjoints pour mettre en débat localement les problématiques à traiter. Pendant ce temps, les chercheurs produisent de la connaissance associée à leur territoire. Notamment autour de problématiques ciblées comme la transition énergétique, les enjeux de gouvernance, l’adaptation des villes face au changement climatique ou la gestion de la consommation sur leur territoire. Enfin, il y a une valorisation des résultats avec des petits livrets, des conférences et des séminaires pour permettre une appropriation plus forte des travaux de recherche.

Qu’apporte un chercheur sur un territoire ?
Le chercheur apporte un regard différent. C’est le pas de côté ou le poil à gratter. Il vient poser la question différemment. Il observe aussi le projet de territoire sur le temps long. Pas celui de l’urgence ou de l’action qui est plutôt celui des politiques. Le chercheur va regarder un territoire avec le prisme de l’histoire et des transformations urbaines. Il y a besoin du temps long et pourtant nous savons que le projet urbain se fait aujourd’hui avec une rapidité d’action et un urbanisme de projets mis en œuvre par nos élus. Nous souhaitons vraiment permettre à ces deux mondes de se rencontrer malgré leurs temporalités différentes. Un chercheur va aussi proposer une recherche. C’est une question et une problématique qu’il construit lui-même. C’est bien différent d’une étude. Ce n’est pas « j’ai une question » et le bureau d’étude va répondre. Dans le cadre d’une recherche, le chercheur va essayer d’esquisser des réponses par rapport à une mise en problématique définie par lui-même.

Il y a besoin de montrer aux élus qu’ils peuvent travailler avec les chercheurs ?
Souvent, nous observons que les élus ont des relations étroites avec les chercheurs. Notamment via les universités. Dans une métropole comme Grenoble par exemple, il y a une véritable culture de la recherche. Certains acteurs ont des parcours universitaires et des liens sont souvent présents. Mais il reste la nécessité de poser par exemple des systèmes de traduction entre ces différents mondes. Je pense aux travaux de François Ascher. Il disait qu’il fallait trouver les espaces de traduction qui permettent d’approprier les connaissances sur le territoire. C’est l’idée de faire en sorte que les langages, les outils et les règles implacables de la recherche soient accessibles par les professionnels des villes et des métropoles.

Pour les chercheurs, vous leur proposez un terrain d’expérimentation ?
Pour les chercheurs, c’est une expérience inédite d’être embarquée au sein même des métropoles. Premièrement, c’est pour eux une magnifique occasion d’obtenir des données et de la connaissance qu’ils ne pourraient pas avoir dans leur laboratoire. Bien souvent, les métropoles bénéficient d’un coffre-fort d’études et de données. Dans le contexte de notre plateforme POPSU, les chercheurs peuvent mobiliser ces ressources. C’est un outil extrêmement intéressant.

À l’échelle nationale, quel est le but recherché par le gouvernement ?
L’objectif national, c’est d’être au service des métropoles et des territoires. L’enjeu est d’embarquer la recherche au plus près des collectivités. Les sciences doivent permettre d’éclairer l’action publique et les décideurs. L’idée est de faire évoluer les politiques publiques par l’intermédiaire de la connaissance scientifique. Le deuxième objectif, c’est de pouvoir développer un nouveau regard par rapport à la recherche. C’est une posture différente car la recherche doit être opérationnelle et appropriable par les élus au plan local. Pour ce qui concerne la gouvernance du programme POPSU, le rôle national du programme est d’avoir un pas d’avance tout en se posant les questions qui seront à l’agenda demain.

 

– POPSU Métropoles –

À quoi correspond le plan POPSU Métropoles ?
Le programme POPSU Métropoles prend sa genèse dans deux programmes POPSU 1 et POPSU 2. Ils avaient pour objectif d’observer les projets et les stratégies urbaines. Aujourd’hui, nous sommes dans une autre question qui a pris une actualité particulière suite notamment à la loi NOTRe. Nous voulons comprendre la relation entre la métropole et les « autres », c’est-à-dire les villes moyennes, les zones rurales, le département, la région ou l’  État. Nous voyons bien que des systèmes d’inter-relations et de solidarité s’établissent. La métropole n’est pas l’acteur qui peut capter toutes les ressources. Il y a l’objectif de travailler sur les coopérations du territoire. Il faut refonder ces systèmes de solidarité. La métropole ne peut pas vivre seule. Elle a besoin d’un système en réseau. Dans ce contexte, il est nécessaire de pouvoir se poser et observer ces relations qui peuvent s’opérer. Nous nous apercevons que des petites villes ou des territoires ruraux peuvent avoir des apports conséquents dans la structuration du projet métropolitain. Il est vrai qu’aujourd’hui, on s’intéresse moins aux sujets des métropoles en tant que telle. La métropole a été instaurée par la loi mais elle ne se limite pas à son périmètre. Il faut regarder un territoire à travers la géographie, les relations humaines ou sociales. Le programme POPSU, à travers ce changement d’échelle, propose une vision différente de la structuration du projet métropolitain. Nous proposons, aux élus, un autre regard sur la construction de leur territoire.

Concrètement quels sont les projets en cours ?
Les actions concrètes du programme POPSU passent par 15 plateformes installées au sein d’autant de collectivités. À chaque fois, il y a un responsable scientifique qui assure une coordination au plan local. Dans ce contexte, nous examinons des sujets extrêmement différents les uns des autres. Par exemple, à Lyon les chercheurs travaillent sur les trajectoires résidentielles. À Bordeaux, c’est la place du populaire dans la ville qui est étudiée. Il y a dans certaines métropoles des réflexions autour de la transition écologique et solidaire comme à Rouen. Aussi, nous étudions comment les métropoles travaillent avec leur paysage environnant. Dans ce contexte, il est aussi intéressant d’examiner comment la métropole de Marseille s’établit avec son littoral d’une part et l’ensemble des massifs qui l’entourent. À Grenoble, nous regardons aussi les relations avec les stations de ski. À Nantes, nous observons la consommation alimentaire proposée à l’échelle du territoire pour voir quels sont les circuits courts qui peuvent être mis en place. Enfin, à Clermont-Ferrant, la métropole peut être pensée à travers la nature. Mais une métropole rurale, cela signifie quoi ? Après avoir perdu le label « capitale de région », la ville doit se construire avec sa ruralité et les espaces verts qui sont autour.

Comment l’équipe est-elle constituée ?
C’est d’abord un responsable scientifique qui pilote une équipe pluri-disciplinaire qui va comprendre des acteurs issus de la science-politique, de l’économie, de l’architecture, de l’urbanisme, de l’aménagement ou de la géographie. Il crée un consortium autour de lui d’une quinzaine à une vingtaine de chercheurs pour répondre aux questions posées. Ce sont donc plusieurs laboratoires qui s’associent. Ils vont travailler en regards croisés autour des sujets clé.

Combien cela coûte à une métropole de s’engager dans ce projet ?
La recherche a de l’intérêt pour un territoire car ce n’est pas très cher. Nous sommes, dans le cadre de POPSU, dans un financement État / Collectivités. Il y a 50 000 euros qui proviennent de l’État et autant par la collectivité publique. Cela peut paraître important mais ce n’est pas grand chose si on voit la somme qui est réalisée par les enseignants-chercheurs. Ce financement vise à travailler autour de l’environnement associé à la recherche. C’est-à-dire favoriser la mise en place des séminaires, des colloques… Mais aussi pouvoir développer des enquêtes précises associées au territoire. Dans la sphère privée c’est des choses qui peuvent demander des sommes bien plus importantes. Le deuxième élément important, c’est que les chercheurs sont mis à la disposition de la métropole. À ce titre, il y a un véritable investissement qui doit être valorisé car nos enseignants-chercheurs s’impliquent localement. Ils apportent leurs compétences quasi-bénévolement puisqu’ils ne sont pas rémunérés pour cela. Ils restent rémunérés par leurs universités.

– POPSU Territoires –

À quoi correspond votre deuxième programme POPSU Territoires ?
POPSU Territoires, c’est avant tout l’idée de pouvoir redonner des lettres de noblesse à l’étude de cas. C’est très connu dans les écoles de commerce ou de marketing. C’est aussi un véritable outil de recherche sur lequel nous devons travailler. Il a souvent été décrié par le monde de la recherche. Mais en réalité c’est aussi apporter un examen clinique et précis à un territoire. Nous devons mieux comprendre les transitions auxquelles les petites villes et les territoires ruraux sont confrontés aujourd’hui. Les transitions sont d’ordre sociales, économiques ou environnementales. Nous devons essayer de répondre à des questions très concrètes. Par exemple : pourquoi la boulangerie a-t-elle fermé ? Pourquoi l’arrivée d’un industriel transforme-t-elle le territoire ? Il faut se dire que bien souvent les petites villes peinent à avoir une ingénierie forte sur leur territoire. Dans ce contexte, le programme POPSU Territoires vient leur apporter une expertise et des outils de recherche. Nous voulons aussi co-construire au plan local un séminaire avec les chercheurs, les élus et les acteurs d’un territoire.

Avec quelles collectivités publiques travaillez-vous ?
Sur Popsu Territoires, nous sommes sur de toutes petites villes, c’est-à-dire moins de 20 000 habitants. Par exemple, il y a Château-Thierry, Briancon, Isle sur la Sorgue ou Vitré. Dans ce contexte, l’objectif est de pouvoir être sur un positionnement qui met en regard les deux programmes (POPSU Métropoles et POPSU Territoires). Nous devons comprendre les logiques de métropolisations auxquelles nous sommes confrontés. Les petites villes ne sont pas exemptées de sujets. Elles sont confrontées à des logiques d’attractivités des métropoles. Il ne s’agissait donc pas d’observer que ces dernières. Ces territoires ont des problématiques qui leur sont propres. Nous voulions porter une attention particulière tout en conservant une logique de mise en réseau. Tout fonctionne en système et nous avons besoin de mettre en place des solidarités.

Sur quels sujets travaillent ces territoires ?
Ces petites villes ont d’innombrables questions car elles sont confrontées aux bouleversements majeurs que l’on connaît bien comme l’exode rural, l’absence d’ingénierie ou la dévitalisation des centre-bourgs. Mais certains territoires fonctionnent à merveille et il y a des success stories ! C’est le cas de Vitré par exemple dont le modèle économique est extrêmement fort ! Le tourisme peut également être un atout. Dans ce contexte, le programme Action Coeur de Ville qui est une action portée par le gouvernement vise à apporter un nouveau regard sur les villes. C’est du concret. Notre programme POPSU apporte dans ce cadre un examen très précis de ces lieux. Nous aidons à mieux comprendre les enjeux sur des sujets comme la place des commerces en centre-ville ou l’augmentation de population liée aux tourismes sur quelques mois d’une année.

Si on prend l’exemple de Vitré, comment cela fonctionne ?
Sur l’exemple de Vitré, notre objectif est de comprendre comment cette success story développe son territoire sur le plan économique. Nous voulons comprendre la façon dont les élus travaillent avec les autres communes du territoire. C’est un territoire qui va bien alors qu’il est coincé entre deux métropoles ! Les acteurs ont donc trouvé des moyens, au plan local, pour un développement fort. Dans ce contexte, nous avons proposé aux chercheurs de s’installer en résidence dans la ville afin d’arpenter ce territoire et d’aller à la rencontre des habitants. Ils vont proposer un séminaire réunissant les élus, les chercheurs et les habitants pour mettre en débat les travaux de recherche. Il va y avoir un forum afin de valoriser les actions et de permettre à tout le monde de mieux s’approprier les recherches. Nous allons également publier une note de décideurs pour montrer des pistes concrètes issues du territoire et les mutations auxquelles ils sont confrontés. Le dernier levier, c’est un film de l’agence CAPA pour pouvoir promouvoir au plan national le cas observé. Il y a peu de cas observé dans le cadre de POPSU Territoire pour pouvoir permettre de mieux les travailler et de les faire monter en généralité.

Combien cela coûte à un territoire ?
Nous sommes sur un financement à hauteur de 30 000 euros par territoire. Cette somme est apportée exclusivement par le Ministère de la Cohésion des Territoires. Dans ce contexte, l’équipe de recherche dispose d’un an pour observer la ville qu’ils ont la charge d’examiner.

Propos recueilli par Baptiste Gapenne