Territoires Audacieux se mobilise, notamment en s’associant à l’AdCF, pour vous permettre de bénéficier de retours d’expérience réussies pendant la crise sanitaire. Notre objectif ? Vous proposer des témoignages de terrain afin de faire remonter les bonnes pratiques du territoire face au défi du confinement et de ses conséquences.
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Quatrième témoignage de cette série, celui d’Emmanuel AUBER, Directeur Général des Services de la Communauté d’agglomération du pays de Saint Omer. Il fait le point sur les mesures mises en place en cette période de crise sanitaire : cellule d’accompagnement pour les entreprises du territoire, ainsi que pour les agents de la Communauté, gratuité des transports, communication sur les réseaux sociaux, nouvelle gestion des déchets et initiatives citoyennes.
Comment aidez-vous les entreprises sur votre territoire ?
Nous comptions augmenter le versement mobilité des entreprises de plus de 10 salariés au 1erjuillet, nous l’avons reporté au 1erjanvier 2021. Nous ne voulions pas les pressuriser avec une augmentation fiscale. Nous avons également reporté les loyers pour les entreprises installées dans les pépinières commerciales, les hôtels d’entreprises et la pépinière d’entreprises au 1erjuillet. Pour éviter les tensions dans les trésoreries des entreprises locales et régionales qui sont titulaires de marchés publics, nous avons accélérer leur paiement.
Vous avez également créé une cellule de suivi…
Oui avec une cellule de suivi, nous souhaitons accompagner les entreprises. Dix collaborateurs de l’agglomération appellent toutes les entreprises du territoire pour s’assurer qu’elles disposent bien de toutes les aides possibles. Cela nous permet d’avoir des informations, comme savoir que telle entreprise n’a pas pu ouvrir car elle manquait de protections sanitaires. Nous développons cette cellule avec la Communauté de communes de l’Indre, qui est à côté de chez nous. Elle est complémentaire de l’action des CCI, de la chambre des métiers, de la boutique de gestion d’entreprise. Avec ces partenaires, nous avons créé un fond d’urgence de soutien économique aux TPE et aux indépendants qui n’ont pas accès aux fonds de l’État (plafonné à 1500€ d’aide) ni au fond de la région. Toujours en lien avec la CC du pays de l’Indre, nous avons créé un fond global de 300 000€ pour accorder des prêts d’honneur, jusqu’à 3 000€ par entreprise, que nous débloquons rapidement, entre 24 et 72h, sur 12 à 24 mois. Il a certaines conditions comme avoir payé l’Urssaf, avoir démontré une baisse d’activité, etc. Il y a également la possibilité que ce prêt soit une subvention s’il y a vraiment une urgence pour l’entrepreneur. Par exemple, l’obligation de payer des pensions alimentaires. C’est un travail de partenariat que nous développons car nous avons un tableau de suivi commun avec la sous-préfecture, la CCI et la chambre des métiers. Nous regroupons toutes les demandes faites auprès de ces différents guichets et nous faisons remonter à une cellule départementale de la préfecture du Pas-de-Calais pour identifier les entreprises qui sont le plus en difficulté, et voir comment nous pouvons les aider.
Il y a un an et demi, nous avons aussi mis en place une plateforme de e-commerce, « Acheter en pays de St Omer », sur laquelle sont une centaine de commerçants et artisans locaux. Le but était d’augmenter le trafic local, les habitants peuvent acheter et se faire livrer. En ce moment, excepté le prêt à porter, ça fonctionne très bien.
Vous avez par ailleurs rendu les transports publics gratuits, est-ce pour aider les salariés ?
En partie, c’est une mesure économique qui facilite leur transport. Mais l’idée à l’origine est de protéger les conducteurs et les usagers. Nous voulions éviter les contacts potentiellement dangereux lors de l’achat des billets. Et si cette mesure n’avait pas été appliquée, les chauffeurs auraient pu utiliser leur droit de retrait. Et les transports publics sont essentiels. La gratuité ne s’applique pas sur les abonnements, juste sur les billets individuels. Et sur l’ensemble du réseau de bus urbain. L’agglomération compensera la perte de recette de la part du délégataire. Nous avons la compétence mobilité en matière de transports urbains, de transport à la demande et de lignes interurbaines entre les communes de notre territoire. Donc nous avons également adapté le transport à la demande avec nos délégataires et la CAPSO en lien avec un transporteur privé. Nous l’avons ouvert aux personnels soignants qui le demande, y compris sur des tranches horaires non habituelles. Nous avons des minibus de deux personnes à la demande.
Tout cela fonctionne bien aujourd’hui ?
Vendredi dernier, pour la première fois, nous avons eu un problème. Il y avait trop de personnes dans les transports, qui allaient faire les courses. Notre territoire est composé de personnes fragiles qui, dès qu’elles reçoivent leur salaire ou leur bon alimentaire, vont de suite faire leurs courses. Donc il y a eu un engorgement dans les transports du, non pas à la gratuité, mais à la crise et au paiement. Il était donc difficile d’appliquer les mesures sanitaires dans ces conditions. Nous avons donc pris la décision d’inscrire des mesures de préventions supplémentaires au sol et de supprimer un siège sur deux, pour faire face à ces afflux de personnes. Nous adaptons le système.
Au niveau des masques, des initiatives citoyennes se sont mises en place ?
Nous avons un tiers lieu, la Station, avec un important espace de coworking, et un espace de fablab. L’espace est géré par une association avec laquelle nous travaillions pour confectionner des masques en tissu dans le fablab à destination des besoins locaux, comme le boulanger. Le cahier des charges a été validé par le CHU de Lille.
Quelle communication faites-vous sur les réseaux sociaux auprès de vos habitants ?
Étant donné que les crèches sont fermées, nous avons relayé sur Facebook les places encore disponibles chez nos 800 assistantes maternelles, pour les personnels soignants ou les gendarmes. C’était un bilan que nous avions fait et que nous avons partagé avec les personnes demandeuses. Sur le développement économique, nous faisons des Facebook live tous les deux ou trois jours, sur différentes thématiques. Par exemple, une des dernières accueillait un représentant de la BPI (Banque Publique d’Investissement) sur la trésorerie des entreprises et les prêts garantis par l’État. Notre président d’agglomération fait également des vidéos pour répondre aux questions des citoyens sur les actions que nous menons. Nous partageons également des liens pour avoir un accès gratuit à des œuvres cinématographiques et audiovisuelles grâce à notre service qui s’occupe de notre espace culturel d’agglomération, qui intègre un cinéma. Évidemment, nous avons communiquer sur les numéros d’urgences. Et enfin, nous avons réalisé des infographies sur les déchets et leur gestion, ce que nous ramassons encore ou non.
Comment avez-vous géré les appels aux dons ?
Nous avons aussi fait un appel aux dons de matériel de protection sanitaire non utilisés chez les petites entreprises comme les coiffeurs ou les esthéticiennes. Nous les avons redistribués aux professionnels de santé qui en avaient besoin, ils nous ont fait remonter leur demande via un formulaire et numéro de téléphone unique relayé sur Facebook. Nous travaillons sur une carte interactive qui indiquera tous les points de ventes des producteurs locaux. Nous avons beaucoup de maraichers, nous allons les identifier et partager ça sur notre site et sur Facebook.
Qu’est ce qui a changé dans la gestion des déchets ?
Le ramassage des poubelles jaunes a été arrêté car notre centre de tri a fermé pour raison sanitaire. Le syndicat mixte qui le gère a estimé qu’il y avait des problèmes de proximité entre les salariés. Donc nous avons assouplie la règle, et nous permettons aux habitants de mettre des déchets qui relèvent du tri sélectif dans les poubelles d’ordures ménagères. Alors que d’habitude, ces bacs mal triés ne sont pas ramassés par les ripeurs. Les habitants peuvent également mettre ces déchets dans des bornes d’apports volontaires, dont nous revendons le carton à des industriels. Nous les incitons à respecter l’économie circulaire donc le mot d’ordre, s’ils ne peuvent pas, c’est de garder chez eux le papier et le carton dont la collecte reprendra dans quelques semaines. Pour cela, nous avons distribué quelques milliers de sacs pour garder ces ordures dans un coin. Nous essayons de valoriser le travail de nos 80 agents de collecte, en lien avec les artistes du Cléa, un contrat local d’éducation artistique. Nous avons lancer une action sur Facebook pour que la population puisse coller des dessins sur les poubelles pour remercier ceux qui sont sur le terrain.
Mettez-vous en place d’autres initiatives pour vos agents ?
Nous allons envoyer un courrier individuel de remerciement du président avec la paie de ce mois-ci. Nous allons leur annoncer qu’il y aura une prime exceptionnelle pour ceux qui sont sur le terrain. Pour l’instant nous n’avons pas de montant précis, ni le détail du mode de calcul, mais c’est pour acter le principe. Nous avons aussi mis à disposition des agents une FAQ, que nous mettons régulièrement à jour, une charte de bonnes pratiques de télétravail et le guide des parents confinés. Nous avons créé un système de visioconférence avec une structure qui propose des formations aux agents en libre accès, pour qu’ils puissent continuer de se former en fonction de leurs besoins.
Comment gérez-vous le suivi de ces actions ?
Ces petites actions vont être accompagnées par une cellule de suivi psychologique et sociale. Les études scientifiques montrent qu’au bout d’une dizaine de jours, le confinement peut provoquer de la frustration, de l’anxiété, de la colère, une détresse psychologique chez certains et des problèmes de vie en famille. Nous avons 600 agents dans l’agglomération, à qui nous allons communiquer un numéro vert « suivi psychologique » qui est un numéro régional ou des psychologues sont disponibles en continu. Nous mettons aussi en place un accompagnement local avec deux interlocuteurs CEFS (conseiller en économie sociale et familiale), de nos CIAS. Ces personnes aident les plus fragiles en temps normal à organiser leur planning journalier, à équilibrer leurs repas, à gérer leur budget, etc. Des agents pourraient en avoir besoin. Ce service sera ouvert deux heures par jour avec un numéro unique. Les CEFS renverront vers des ressources locales comme la maison des familles, une association avec des addictologues, le centre hospitalier et des psychologues. Le service à débuter cette semaine, nous ferons un bilan en début de semaine prochaine pour voir si nous maintenons ce dispositif et s’il faut l’adapter.
Propos recueillis par Lea Tramontin.