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Deux communes rurales se partagent des véhicules électriques en libre-service

Le principe de la voiture partagée était déjà bien connu des grandes villes. Il arrive désormais pour les territoires ruraux. Dans le Pas-de-Calais, les communes d’Escœuilles et de Seninghem se partagent deux voitures électriques de sept places. Elles sont à la disposition des habitants depuis septembre 2018. Christian Leroy, maire Escoeuilles et président de la CC du Pays de Lumbres, a accepté de répondre à nos questions.


D’où vous est venue l’idée ?

Cette initiative a été menée dans le cadre de notre projet « Territoires à énergie positive pour la croissance verte ». C’est un appel à projet qui avait été lancé par l’État il y a quelques années. Pour remettre les éléments dans le contexte, nous sommes deux communes sur le territoire à avoir porté cette innovation : la commune d’Escoeuilles et la commune de Seninghem (dont le maire est Christian Tellier). Les deux communes ont porté ce projet en parallèle et chacun a pu apporter sa pierre à l’édifice. Nous sommes sur une Communauté de Communes qui représente 36 communes, 24 000 habitants. Notre plus grosse commune ayant un peu moins de 4 000 habitants, et le reste étant des villages entre 200 et 1000 habitants. Nous sommes sur une surface plutôt importante, de 30 kilomètres m sur 20 kilomètres  de surface de l’inter-communalité. Nous sommes dépendants de nos voitures, et c’est inutile de parler de transports collectifs car cela n’existe pas. Les villes les plus proches de chez nous sont Boulogne-sur-mer et Saint-Omer. Nous avons un bus le matin qui peut nous y emmener et un bus de retour le soir. C’est pour cela que nous sommes dépendants de nos voitures. Nous constatons que l’usage de la voiture coûte cher et que c’est polluant. Globalement, dans nos villages, si nous voulons pouvoir nous déplacer, il faut une voiture par famille, voir deux. Pour pallier à ce problème nous avons donc réfléchi aux solutions que nous pouvions mettre en œuvre. L’autolib rurale, comme je la qualifie, était une idée qui existait en milieu urbain et que nous avons voulu essayé d’appliquer dans le milieu rural. Après l’avoir mise en place, nous nous sommes rendu compte, qu’en fait, nous n’étions pas les premiers à avoir eu cette idée. Je suis convaincu que pour maintenir l’attractivité de nos communes, l’enjeu aujourd’hui, c’est la mobilité. Il faut offrir la capacité de se déplacer au moindre coût.

Quelles ont été les différentes étapes de mise en place ?

Tout d’abord, nous avons déposé un dossier TEP-CV (Territoire à énergie positive pour la croissance verte) et dès lors que nous avons eu le feu vert, nous avons mis en oeuvre le dispositif. Nous nous sommes mis en relation avec un organisme qui s’appelle CLEM’, qui dépend de la Caisse des Dépôts et qui a pour vocation de fournir des outils pour répondre aux problèmes de mobilité. Pour nous, CLEM’ est notre plate-forme de réservation qui gère toute la phase réservation des automobiles. La commune ne gère pas du tout cela, nous sommes seulement sur la dimension numérique avec la gestion des horaires.
Les gens réservent à distance leur temps d’usage du véhicule. Ils bénéficient d’un code qui leur permet d’ouvrir la boite à clés et d’utiliser le véhicule. Celle-ci peut également servir à nos associations. Chez nous, le moindre club de foot ou comité des fêtes a des besoins de déplacements. Du coup, nous mettons à leur disposition, gratuitement, le véhicule aux associations. Cela leur donne les moyens de fonctionner de façon moins coûteuse. Dans le véhicule, il y a sept places, ce qui permet souvent d’utiliser un seul véhicule pour les déplacements. Il a aussi une vocation utilitaire, car les sièges peuvent s’abaisser et transformer la voiture en camionnette. Le véhicule électrique est ce qui nous coûte le moins cher en terme d’énergie et de consommation d’énergie. Nous avons d’ailleurs une borne de recharge. Elle est mise à disposition dans le village.

Quand avez-vous mis en accès la voiture électrique ?

Tout fonctionne pleinement depuis septembre 2018. Nous avions commencé à penser au projet début 2017. Les Territoires à énergie positive pour la croissance verte était un projet porté par Ségolène Royal au gouvernement.

Comment cela fonctionne entre les deux villages ?

Jusqu’à maintenant, le dispositif était gratuit. Maintenant (depuis le 1er mars), nous entrons dans une phase payante. Le projet a très bien fonctionné dans sa première partie. Je sais qu’entre septembre et la fin d’année nous étions à 170 réservations au total. C’est très bien pour un village de 410 habitants. Au niveau national, nous étions dans les premiers taux d’usage du véhicule. CLEM’ ne peut pas nous donner le nom des personnes qui réservent pour des raisons de confidentialité. Je ne peux pas vous dire qui s’en sert le plus entre les associations et les particuliers. Ce que nous avons remarqué, c’est que la semaine nous avons pas mal de particuliers qui s’en servent pour aller travailler. Le weekend ce sont plutôt les associations. Des deux villages, toutes les personnes ayant le droit de conduire peuvent s’en servir. Toutefois, il y a un préalable pour s’inscrire car il faut prouver que les personnes qui veulent l’utiliser ont le permis. Pour le coup, c’est la mairie qui s’en occupe.

Quel rôle joue la mairie ?

La mairie finance. La Communauté de Communes était fédératrice. Sur ce projet, ce sont les communes volontaires qui ont porté ce projet. La CCP joue un rôle de coordinatrice entre tout le monde pour avoir des tarifs équivalents car nous avons les même véhicules dans les deux communes. Cela nous a coûté 35 000 € par commune.

Avez-vous eu des retours des habitants ?

Les retours sont plutôt positifs. Même si tout le monde ne s’en sert pas, cela donne une bonne image au village et une bonne dynamique. Les gens sont contents d’avoir cette possibilité. Les associations communiquent beaucoup sur ce sujet car ces véhicules facilitent leurs vies. Sur les utilisateurs, je n’ai pas tellement eu de retours mais je connais quelques personnes qui s’en servent et qui sont satisfaits. Nous avons également décidé d’un prix de 50 centimes de l’heure pour faire en sorte que ce soit intéressant par rapport à un véhicule thermique.

Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

Nous avons rencontré des petites difficultés. Par exemple sur la propreté. Quelques fois, le véhicule est retrouvé sale et cela pose quelques problèmes. Quand cela arrive, nous prévenons la plateforme CLEM’. Ce sont eux qui ont accès aux données personnelles des utilisateurs. Le CLEM‘ fait donc une remarque à la personne concernée pour lui demander d’être plus vigilant.

Avez-vous des conseils pour un.e élu.e qui décide de se lancer dans ce genre de projet ?

Il faut y aller. Je pense que cette initiative répond en partie aux problèmes de mobilité dans les zones rurales. Cela aura d’autant plus de sens quand il y aura plus de véhicules en auto-partage disponibles sur les territoires ruraux. L’idée, c’est d’élargir ce projet. Plus il y aura de véhicules, moins il y aura de problème de mobilité.

Allez-vous acheter des autres voitures et étendre le projet ?

Nous sommes encore en phase expérimentale. Nous n’allons pas en racheter, mais cela peut intéresser d’autres communes. Cela serait bien car cela permettrait de créer un réseau complet entre les communes.

Propos recueillis par Claire Plouy