Adhérent du réseau Territoires-Audacieux.fr, l’association Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée organise le 26 octobre sa 3ème grève du chômage. Son président, Laurent Grandguillaume nous explique pourquoi il est à l’origine de cet évènement. Dans son interview, il revient également sur l’expérimentation Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée dont Emmanuel Macron a annoncé l’extension.
– Pourquoi organiser une journée de grève contre le chômage ?
La Grève du chômage est rendez-vous annuel porté par l’association « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Cet événement symbolique, organisé pour la 3ème fois, vise à alerter les pouvoirs publics et les citoyens contre la privation d’emploi et revendiquer le droit d’obtenir un emploi inscrit dans la Constitution française. Cette journée permet de mettre en avant deux choses :
– la capacité des personnes privées durablement d’emploi à réaliser des travaux utiles et leurs savoir-faire ;
– l’existence de travaux utiles non-réalisés sur le territoire, qui sont pourtant essentiels au développement du territoire car ils permettent d’améliorer la vie économique, écologique, sociale, culturelle, civique…
Plusieurs territoires se mobilisent pour faire de l’emploi un droit ! Lors de cette 3e édition de la Grève du chômage, 22 territoires se mobilisent pour effectuer des travaux utiles pour la société mais non réalisés. Sortie au marché pour les habitants de l’Ehpad et du foyer APF à Vannes (56), atelier de réparation de vélos à Asnières-sur Seine (92), ramassage des déchets et disco-soupe à Soissons (02) ou encore initiation à la permaculture au Teil (07) : ce n’est ni le travail ni la motivation des chômeurs de longue durée qui manquent !
Aux côtés des 10 territoires expérimentaux, ces territoires volontaires pour entrer dans la 2e étape de l’expérimentation en 2019, se mobilisent pour en faveur d’une 2e loi élargissant le projet.
– On a souvent tendance à penser que le chômage est une fatalité, qu’il faut composer avec dans notre société…
Le chômage n’est pas une fatalité, car nous n’avons pas tout essayé contre le chômage. C’est la preuve avec Territoires zéro chômeur de longue durée, que nous portons avec ATD Quart Monde, Emmaüs France, le Secours Catholique, la Fédération des Acteurs de la Solidarité, le Pacte Civique, AFP France Handicap, Solidarités Nouvelles Face au Chômage, la Fondation AMIPI, … Je me rappelle que quand j’ai porté la première loi en tant que député, beaucoup d’acteurs m’avaient dressé la liste de pourquoi ça ne pourrait pas fonctionner. J’ai plutôt écouté ceux qui me dressaient les conditions de réussite, ils étaient moins nombreux mais plus efficaces ! L’essentiel est de continuer à convaincre, même les esprits les plus pessimistes.
On ne manque pas de travail mais d’emploi. Dans tous les territoires, il y a des besoins non satisfaits. L’Etat et les collectivités territoriales dépensent chaque année plus de 43 milliards d’euros face au défi du chômage de longue durée. Il y a donc de l’argent pour faire autre chose pour les personnes privées d’emploi. Personne n’est inemployable. On doit donc réussir collectivement pour notre pays.
– L’expérimentation du programme Territoires zéro chômeur de longue durée vient d’être prolongée, est-ce une satisfaction pour vous ?
L’expérimentation n’est pas encore prolongée. Pour le moment, le Président de la République, Emmanuel Macron, a reconnu que c’est une expérimentation « formidable », qu’il est nécessaire de « passer à l’échelle ». Il l’a rappelé le 13 septembre lors de la conférence sur la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et a annoncé à cette occasion une extension de l’expérimentation. Il faut maintenant attendre une nouvelle loi qui confirme la mise en œuvre. Cela permettra à de nombreux nouveaux territoires de se lancer dans cette utopie réaliste. 140 territoires nous ont contactés dans cette perspective. Nous travaillons dans cette perspective avec Madame Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, et Monsieur Noblecourt, Délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes.
– A quoi va ressembler cette deuxième phase ?
Il s’agit de permettre aux intéressés mobilisés, qui créent un comité local pour établir un consensus local autour du projet, de se lancer quand ils seront prêts, sans date butoir. Nous militons pour que la deuxième loi le permettant puisse être votée dès 2019. Il ne faut surtout pas créer une usine à gaz pour passer à l’échelle mais laisser les territoires faire, c’est la meilleure façon de réussir.
– De nombreux territoires souhaitent vous accueillir, est-ce que cela permet de dire que votre initiative est un succès ?
C’est effectivement un succès au-delà même des espérances. Nous avons même parfois du mal à répondre à toutes les sollicitations. C’est pourquoi d’ailleurs nous avons sollicité des fonds européens pour créer un centre de ressources et de développement permettant de transférer toutes les compétences d’ingénierie aux territoires de manière à ce que les acteurs soient les plus autonomes possibles dans la réalisation du projet. Moins l’association nationale intervient, mieux c’est. L’idée étant que ce sont les territoires qui ont les solutions.
– Pendant cette deuxième phase, il va falloir, j’imagine, continuer un travail de lobbying au niveau national pour commencer à imaginer la suite ?
Oui, nous avons créé un comité de soutien parlementaire qui rassemble dès près de 130 parlementaires de tous les groupes politiques représentés au Parlement. Nous continuons notre travail pour les convaincre en nous rendant dans les permanences parlementaires pour des rendez-vous. Nous avons pour ambition de construire à nouveau le consensus national autour de cette idée.
Les préjugés sur les personnes qui sont privées d’emploi se développent dans la société. Or, personne n’est inemployable et ce n’est pas le travail qui manque, mais l’emploi, car de nombreux besoins ne sont pas satisfaits dans les territoires. Avec la Grève du chômage, nous voulons montrer que dans tous les territoires des personnes se mobilisent pour inventer de nouvelles solutions, il suffit de leur faire confiance. Nous nous préparons à passer à l’échelle et à étendre l’action partout où cela sera possible dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.