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Lamballe Terre & Mer (22) : « l’opportunité du coronavirus, c’est de remettre en avant le service public territorial »

Territoires Audacieux se mobilise, notamment en s’associant à l’AdCF, pour vous permettre de bénéficier de retours d’expérience réussies pendant la crise sanitaire. Notre objectif ? Vous proposer des témoignages de terrain afin de faire remonter les bonnes pratiques du territoire face au défi du confinement et de ses conséquences.

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Premier témoignage de cette série, celui de Loïc Cauret, président de La Communauté de communes de Lamballe-Armor. Il revient sur les deux premières semaines de confinement et l’ensemble des mesures prises pour assurer le maintien des compétences de sa collectivité. Sa priorité : ne pas fragiliser les habitants et les salariés de la collectivité. Il évoque également le rôle du CIAS dans la coordination de l’élan de générosité et comment les élus de son territoire s’implique directement pour appeler ou visiter les personnes les plus vulnérables.

Comment s’est déroulé le début du confinement ?

Loïc Cauret : Il se déroule bien. Les Côtes-d’Armor ne font pas partie des départements les plus touchés par le coronavirus. Les mesures prises sont respectées avec beaucoup de discipline. La réglementation a été mise en œuvre très vite. Du point de vue de la collectivité, car nous sommes mutualisés au niveau des moyens humains entre la ville Lamballe-Armor et la communauté de communes, nous avons également pu mettre en place des mesures très rapidement. Elles sont classiques mais c’est important de les rappeler. Le télé-travail est choisi dès que c’est possible. Pour ceux qui ne le peuvent pas, nous avons mis en place des autorisations d’absence particulières (ASA). C’est le cas par exemple pour celles qui sont fragiles ou les personnes qui ne pouvaient pas faire garder leurs enfants. Le mardi midi, après les annonces du gouvernement, tout le monde était rentré chez soit. Depuis, nous essayons de suivre le même rythme.

Quels ont été les choix effectués par la communauté de commune Lamballe Terre et Mer ?

Il faut réfléchir en fonction des compétences. Nous avons décidé que certaines devaient continuer à fonctionner à plein régime. La première de toutes, c’est celle liée aux ordures ménagères. Elles sont ramassées exactement comme d’habitude, avec les mêmes tournées. Nous avons considéré qu’il y avait une nécessité absolue. La seconde correspond au CIAS et aux interventions auprès des personnes âgées. Les EHPAD, les foyers et les soins à domicile continuent comme avant. Il y a juste une baisse d’activités liées à des demandes de la part des familles de limiter les visites aux personnes âgées. La troisième priorité est celle de l’eau et de l’assainissement. Il ne doit pas y avoir de rupture car chez nous l’agroalimentaire continue de travailler. Enfin, toutes les personnes qui tournent autour des finances et des ressources humaines continuent de travailler. Dans ce domaine, il y a beaucoup de télétravail.

Au niveau du CCAS de la ville, comment cela se déroule-t-il ?

Il y a un suivi des personnes vulnérables. Il est géré par les élus et les bénévoles des associations. Nous gérons les demandes à partir d’un numéro de téléphone. Nous avons décidé de la mise en route d’un système avec quasiment une équipe par quartier ou ville associée. Il y a un suivi personnalisé de plusieurs centaines de personnes. Les collectivités doivent jouer un rôle dans la coordination. Il ne faut pas une utilisation intempestive de la charité. Il y a des besoins autour des courses et des médicaments mais les gens ont surtout besoin de parler et d’avoir un contact.

Ce qui est intéressant, c’est que chez vous ce sont les élus qui jouent ce rôle ?

Oui. Nous avons décidé que c’était aux élus de gérer ce travail. C’était une volonté de notre part de les impliquer. Dans certaines communes, nous en avons qui gèrent une cinquantaine de personnes. Ils appellent ou vont directement les personnes ayant besoin d’aide. Nous avons pensé que ce n’était pas le travail du personnel de la collectivité. Les agents de la mairie jouent le rôle de tour de contrôle et les élus vont sur le terrain. C’est très bien faire cela comme ça. Nous impliquons les élus par rapport à leur tâche première : la population.

Comment gérez-vous les demandes ?

Le confinement permet d’objectiver des demandes. Nous devons anticiper les besoins. Nous nous apercevons que les habitants savent très bien s’organiser par quartier. Le CIAS est juste là pour faire de la coordination et partager les bonnes initiatives. Il y a un échange perpétuel, via des remontées de terrain, c’est très intéressant car ce n’est pas de la charité, c’est de la solidarité.

Quelles ont été les autres décisions prises sur le territoire ?

Nous avons décidé de repousser l’ensemble des factures d’eaux et d’assainissement. Le message n’est pas bon pour des personnes fragilisées par la situation actuelle. Nous avons considéré que nous pouvons attendre un peu. Il y a des facilités financières pour les collectivités, il faut en profiter pour gérer le bien-être de la population la plus fragile. Ce report sera à organiser par la suite pour étaler la dette de ces personnes dans les mois qui viennent. Nous faisons pareil pour les associations. Nous avons décidé le maintien des subventions comme si elles avaient menées toutes les opérations prévues durant la période. Il n’y a pas de raison de les dévaloriser. Nous ne devons pas affaiblir le territoire pour la suite. Il faut au contraire anticiper.

Dans le domaine des ressources humaines, quelle organisation avez-vous mis en place ?

C’est extrêmement important. En RH, nous avons considéré que toutes les personnes qui devaient travailler auront le même salaire que si cela avait été le cas. Nous ne devons pas mettre les personnes en difficulté. Si quelqu’un était en CDD, nous l’avons continué de la même manière. Il faut garantir aux gens une sécurité et un confort intellectuel pour les prochains mois. Mais nous avons également beaucoup travaillé sur la sécurité. Nous mettons à disposition des masques, du gel et des gants. Les agents doivent respecter de nouvelles procédures.

Quel est le coût pour la collectivité ?

Nous sommes en train de regarder quelles vont être les conséquences sur notre trésorerie. Les factures que nous devons régler aux entreprises ou celles liées à nos compétences doivent impérativement être honorées. Nous payons nos factures de manière intensive mais au niveau des rentrées c’est beaucoup plus compliqué. Nous avons moins de loyers par les entreprises exemple. Les budgets à tarif vont être impactés. Nous avons donc décidé d’une solidarité au niveau du budget général. Il faut une mise en place de lignes de trésorerie afin qu’il n’y ait pas de ruptures dans le paiement de nos charges et des salaires. Nous allons voir ce que cela donnera fin avril. Il y a des facilités données par l’Etat sur l’organisation. Mais je pense que quand on est dans une crise comme le coronavirus, on ne doit pas agir en épicier du point de vue de nos dépenses.

Quelles sont ces facilités ?

Nous pouvons avoir des prêts sur la mise en place de lignes de trésorerie. Il ne faut pas hésiter. Ce n’est pas véritablement de l’emprunt. C’est du court terme, pour le fonctionnement. Il y a des taux très faibles voir taux zéro. Nous pouvons travailler comme cela. Cela permet d’activer les dépenses dans de bonnes conditions. Il faut mettre les agents et la population en sécurité et ne pas reculer pour des raisons financières. Cela n’aurait aucun sens.

L’importance des services publics est exacerbé par la crise…

L’opportunité du coronavirus, c’est de remettre en avant le service public territorial. C’est l’ossature de ce qu’il se passe en France. Sans lui, la France ne tiendrait pas debout aujourd’hui. Il est organisée dans toutes les collectivités locales. Sans cela, le Gouvernement ne pourrait pas avoir son attitude actuelle. Aujourd’hui, il ne fait que nous déléguer. Nous recevons des directives et à nous de nous débrouiller. D’ailleurs, je me rends compte que souvent elles arrivent sur des points que nous avons appliqué trois ou quatre jours avant. Les agents de la fonction publique territoriale sont là pour faire le boulot. Il faut le souligner. Le gouvernement a peut-être mis un peu de temps à comprendre cela. Je sais que si l’économie ne tourne pas, on ne peut pas faire grand chose. Mais en temps de crise, pour tenir la maison il faut du monde. Et c’est la fonction publique territoriale qui fait le travail aujourd’hui. Il faut également réfléchir au lien entre les collectivités et l’État. Les préfets pourraient être plus à l’écoute des associations d’élus. Il pourrait y avoir des rencontres audios pour avoir notre avis. Pour l’instant, nous ne faisons que recevoir des lettres et des directives. Il faut trouver un moyen de discuter autrement que de façon verticale.

Propos recueilli par Baptiste Gapenne