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Élancourt : les bons résultats du management bienveillant dans le domaine de la petite enfance

Cette semaine, la lettre de l’impact positif fait étape à Élancourt dans les Yvelines (78). Depuis 2015, la ville a décidé, pour améliorer l’accueil des jeunes enfants et leur bien-être, de former ses agents au management bienveillant. Après un diagnostic interne, elle a aussi créé un poste qualitatif de Chargée de mission « Accompagnement transversal Petite Enfance – Enfance » afin de mieux accompagner les 175 agents municipaux (Animateurs, ATSEM, agents des écoles, éducateurs de jeunes enfants, puéricultrices) et 70 enseignants. Et les résultats sont déjà visibles ! Des mesures très concrètes venues directement de celles et ceux qui travaillent au quotidien sur le terrain ont été mises en place. Le nombre de jours d’arrêt maladie est lui passé de 2500 (en 2016) à 1880 (en 2018).
Pour en savoir plus, les équipes de Territoires-Audacieux.fr ont interviewé Ghislaine Macé-Baudoui, adjointe à la Petite Enfance, la Famille et au Logement à Élancourt.
Sommaire:

– Mise en place du projet –

D’où vous est venue l’idée de cette initiative ?
Nous avons constaté que certaines choses étaient compliquées pour nos professionnels. Dans le domaine de la petite enfance, certains métiers peuvent être difficiles. Beaucoup de personnes ne s’en rendent pas compte et pensent que s’occuper de petits enfants, c’est que du bonheur. Toutefois, c’est un métier fatiguant avec des enfants qui, aujourd’hui, sont complètement différents de ceux d’il y a 15 ans. Les familles sont de plus en plus exigeantes avec les services municipaux. Une évolution était donc nécessaire dans ce domaine. Nous avons donc eu le souhait de rendre le métier plus agréable et supportable, en mettant en avant tout ce que nous connaissons en terme de motivation, de respect de nos collaboratrices, et du respect des enfants ou des familles
Qu’est-ce que le management bienveillant pour vous ?
C’est à la fois un management qui prend en compte les besoins civiques et psychologiques de chacune de nos professionnelles mais aussi les besoins des enfants, notamment ceux avec des difficultés. Nous voulions arriver à faire un maillage sur la commune pour que les pratiques soient les mêmes sur le secteur de la petite enfance en terme de management et d’écoute de nos collaboratrices. Les projets pédagogiques de chaque crèche sont définis sur chaque structure par la directrice et par moi-même. L’importance est de prendre en compte le bien-être au travail.
Votre initiative a commencé par un diagnostic, qu’avez-vous pu remarquer ?
Deux grandes orientations sont ressorties de ce diagnostic. La première concerne les arrêts maladie. Il y en avait de nombreux pour des douleurs musculo-squelettiques. La seconde orientation concernait les agents. Nous avons eu la transmission par les professionnelles de terrain des difficultés rencontrées au quotidien.
Après l’étape de diagnostic, comment s’est déroulée la formation des agents ?
Pour nous la communication bienveillante est autant dans l’écoute des professionnelles sur leurs besoins et difficultés, que dans la façon de s’exprimer et de transmettre des informations sensibles aux familles ou au sein même de l’équipe.104 agents de service ont donc reçu une formation spécialisée sur la communication bienveillante. Celle-ci avait un premier objectif : permettre aux professionnels une réflexion distanciée sur les différentes situations professionnelles qu’elles rencontraient et de les accompagner dans leur pratique. Pour assurer un suivi, nous avons eu la chance d’avoir sur notre service petite-enfance deux psychologues, une psychomotricienne, une infirmière, un pédiatre et un professeur de musique. Toutes ces personnes et leurs compétences associées ont permis de mettre en place les solutions qui existent aujourd’hui.

– Le projet aujourd’hui –

Qu’avez-vous mis en place ?
Suite aux réflexions, nous avons acheté du matériel particulier. Au début, certains n’avaient pas remarqué l’utilité. Vu de l’extérieur, ce sont des petits changements mais ils se sont avérés indispensables. Par exemple, nous avons investi dans des tabourets à roulette pour les professionnels au moment du repas du midi. De cette manière, les agents peuvent rester à la hauteur des enfants sans pour autant être assis par terre. Ils peuvent également se déplacer facilement. Aujourd’hui, le mal de dos est quelque chose de récurrent dans les métiers de la petite enfance et peut amener à une reconversion professionnelle. Nous avons mis en place des petites échelles pour les plus grands enfants sur les tables de change. Cela permet d’éviter que les professionnels portent les enfants les plus lourds et donc se fassent mal au dos. En plus, cela développe l’autonomie et la mobilité de l’enfant. Nous avons également mis en place des chariots pour transporter les paniers à linge, la vaisselle, etc. Enfin, nous avons mis en place un système de nettoyage à la vapeur avec des produits non-agressifs pour les mains et l’environnement total.
Comment cette communication bienveillante se matérialise-t-elle avec les enfants ?
C’est autant l’attention portée aux enfants, l’écoute de leurs besoins, la sécurité affective nécessaire à leur bien-être, que la communication ; pour ce dernier point nous pratiquons, comme de nombreuses crèches, la communication gestuelle associée à la parole qui permet au tout-petit n’ayant pas encore acquis le langage, de s’exprimer par des gestes simples.
Que faites-vous pour améliorer l’accueil des enfants ?
Les pratiques éducatives envers les petit-enfants évoluent. Nous avons des groupes de paroles mis en place pour échanger sur le sujet. Toute cette réflexion continue nous amène à individualiser de plus en plus notre accueil et à augmenter la qualité de celui-ci pour les enfants et les familles. Nous mettons en place des ateliers pour les parents, des portes ouvertes, etc. Les professionnelles ont pu avoir accès à une formation à la relaxation. Aujourd’hui, elles sont capables de reproduire cette méthode aux enfants. C’est la même chose pour la musique. Cela apporte beaucoup, à la fois aux professionnelles et aux enfants. Être en capacité de reproduire quelque chose avec les enfants amène un climat plus apaisé et plus de partage sur les choses essentielles.
Quel est le rôle de la personne chargée d’accompagner votre initiative ?
La chargée de mission a pour rôle d’accompagner les acteurs du périscolaire et extra-scolaire dans leurs missions auprès de l’enfant (formation). Mais aussi d’organiser des réunions de réflexion auprès de ces agents et des ATSEM dans l’accueil d’enfant rencontrant des problèmes de développement ou porteur de handicap, dans l’objectif d’accompagnement bienveillant des agents. Elle met également en lien les professionnelles de la petite enfance et de l’enfance sur des projets à destination des enfants. L’objectif étant d’offrir une meilleure continuité éducative aux enfants entre la petite enfance et l’enfance.
Quel retour avez-vous des parents ?
Les parents semblent satisfaits. Nous n’avons pas de plainte.

– Dupliquer le projet –

Quels impacts mesurez-vous ?

Nous constatons une diminution importante des arrêts maladie. En 2016, nous étions à 2 500 jours d’arrêt. Nous sommes passés à 2 300 en 2017 et en 1 880 en 2018. Nous arrivons à mesurer les impacts sur nos professionnelles. Nous avons des réunions d’échanges. C’est aussi là que nous voyons qu’elles sont beaucoup plus épanouie.
Combien vous à coûté cette initiative ?
Nous nous sommes appuyés sur notre personnel en interne. C’est plutôt en terme de temps qu’il faudrait évaluer le coût. Les collaboratrices sont présentes dans les crèches et leurs salaires sont pris en charge par la commune. Les achats de matériaux se sont fait tout au long des trois dernières années. Il n’y a pas eu de modification dans le budget annuel dédié à la petite enfance, nous avons juste mis la priorité sur certains aspects relevés lors des ateliers. S’il y a eu une dépense particulière, elle concerne les deux formations. La première sur la relaxation : 71 agents formés sur deux jours, par la psychomotricienne et l’infirmière du service. Réalisée en interne, elle n’a eu qu’un coût en masse salariale : 4500 € sur 2014 & 2015. La deuxième sur la communication bienveillante : 104 agents formés sur trois jours par un intervenant extérieur. Cela nous a coûté 18 900 € pour les trois années 2016-2017-2018
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Il y a toujours des freins. Comme nous sommes sur des choses plus spécifiques, et sur des actions nouvelles, il peut y avoir de la réticence. Par exemple, les cours de relaxation n’ont pas tout de suite été perçus comme évidents. Ils peuvent même paraître inutiles. Toutefois, une fois que les collaboratrices ont commencé les séances et ont compris les bienfaits que cela apportait, les freins se sont levés. Souvent les premières qui en bénéficient sont ensuite de bonnes « porte-parole » pour le reste du projet et pour accompagner les autres.
Quels conseils pouvez-vous donner à un territoire qui souhaiterait mettre en place une initiative similaire ?
Il faut faire un véritable état des lieux. Il faut savoir ce qui se passe dans les structures et ce qui est éventuellement à améliorer. Il faut savoir quelles sont les attentes des professionnelles. Sans une écoute des agents, il va être difficile de leur dire les décisions prises. De plus, les choses ne peuvent pas être mises en place tout de suite, ça se fait progressivement.
Propos recueillis par Claire Plouy