Territoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires Audacieux
33650, Saint Médard d'Eyrans
(Lun - Ven)
baptiste@territoires-audacieux.fr

Marcq-en-Barœul (59) mise sur le "sport sur ordonnance" pour lutter contre les maladies liées à la sédentarité

La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine à une initiative nationale mise en place sur le territoire de Marcq-en-Barœul (59) : le Sport sur ordonnance. Après un décret (datant de décembre 2016), les médecins ont la possibilité de prescrire à leur patient du sport pour prévenir certaines maladies. Certaines collectivités locales ont décidé de s’emparer de ce programme. Elles proposent à leurs habitants touchés par des affections de longue durée ou des maladies chroniques, un bilan et des activités sportives.

Pour en savoir plus sur le développement de ce dispositif, nous avons interviewé Didier Ellart, médecin spécialiste et maire-adjoint de la ville de Marcq-en-Barœul, en charge de la santé et du partenariat avec les entreprises. Il est aussi vice-président de l’association national des élus en sport (ANDES).

Si le sujet vous intéresse, nous mettons également à votre disposition un livre blanc téléchargeable gratuitement sur ce sujet. Vous pouvez également retrouver des informations sur le Réseau National des Villes Santé sur Ordonnance.

Sommaire:

– Mise en place du projet –

D’où est venue l’idée du sport sur ordonnance ?
Nous savons que l’inactivité physique est la troisième cause de mortalité dans le monde. Nous savons que la sédentarité est responsable de 10 % des décès en Europe. La pratique d’une activité physique et sportive régulière permet d’éviter 30 % des cas de maladies cardiovasculaires. Elle permet de réduire 20 à 25 % les risques de cancer du sein et du colon, diminue de 50 % les risques de diabète de type 2 et de 30 % les risques d’accident vasculaire cérébral (AVC). L’activité régulière retarde la perte d’autonomie de 7 à 10 ans et augmente l’espérance de vie. Tout le constat de dire de pratiquer une activité physique et sportive (APS), régulière, adaptée et progressive permet une prévention primaire, pour éviter la maladie ainsi qu’une prévention secondaire pour freiner l’évolution d’une maladie et enfin une prévention tertiaire pour réduire les complications récidives de la maladie.
Il était donc intéressant que les collectivités publiques se penchent sur ces constats ?
Le législateur a reconnu les activités physiques et sportives par le biais d’un décret qui a été mis en place le 30 décembre 2016. Il autorise le médecin à prescrire au patient atteint d’une affection de longue durée (ALD) des activités sportives adaptées (APA) à sa pathologie, à sa capacité physique et au risque médicale du patient. C’est ce qui a été appelé le « Sport sur ordonnance ». Nous sommes dans une prévention secondaire et tertiaire. Le fait de prescrire le sport sur ordonnance devient une réalité concrète. Il y a 10 millions de patients atteints d’une ALD en France, et 10 millions de Français sont atteints d’une maladie chronique. Nous savons que si nous proposions des thérapies non-médicamenteuses telles que le « Sport sur ordonnance », nous pourrions faire une économie de 10 milliards d’euros. Ces ALD représentent 60 % du budget de l’assurance maladie. Il y a donc un véritable intérêt pour les médecins et l’ensemble du pays de se pencher sur la question du « Sport sur ordonnance ».
Quelles ont été les différentes étapes de mise en place ?
Nous avons mené une réflexion qui a duré entre 18 et 24 mois. En tant que médecin et convaincu par l’intérêt du dispositif, j’ai vraiment souhaité que nous le mettions en place. Il y a déjà la prévention primaire pour éviter les maladies. Nous avons des dispositifs qui existent sur la ville. Pour nos patients atteints de maladies chroniques, il fallait que nous disposions d’un dispositif qui soit cohérent. C’était l’objet de notre réflexion. Le premier modèle sur lequel il faut réfléchir, c’est le côté médical. Il fallait informer les médecins généralistes. Sur la commune, nous avons 27 médecins généralistes. Nous avons communiqué de manière progressive. Nous avons travaillé avec les professionnels de santé. Nous avons fait des réunions d’information et de sensibilisation. Elles nous ont permis de travailler tous ensemble sur le projet. Le deuxième axe de réflexion concerne le modèle sportif. Nous avions, sur notre territoire, des éducateurs formés aux activités sportives adaptées. Enfin, le dernier modèle à étudier avant de se lancer concerne l’aspect économique. Pour l’instant, il n’y a pas de remboursement par la Sécurité Sociale de la prise en charge du « Sport sur ordonnance ». Il y a tout de même quelques mutuelles qui prennent en charge par l’intermédiaire de forfait comme par exemple 500 € de prise en charge sur l’année ou au nombre de séances.
Comment avez-vous mené le travail de réflexion avec les médecins ?
Une concertation préalable a été mise en place avec l’ensemble des médecins de Marcq-en-Baroeul. Le travail en amont s’est déroulé en partenariat avec l’Association des Professionnels Libéraux de Santé de Marcq-en-Baroeul. Une présentation individuelle du dispositif Sport Santé sur Ordonnance a été réalisée auprès de chacun des professionnels de santé. L’adhésion à ce dispositif a été unanime et favorable pour la totalité des médecins.

– Le projet aujourd’hui –

Comment se passe cette initiative au quotidien ?
La première étape se déroule dans le cabinet du médecin. Il doit prescrire à son patient des séances de sport sur une ordonnance. Ensuite, ce dernier doit prendre contact en mairie avec un référent qui jouera le rôle de coordinateur. C’est un enseignant diplômé en APA (Activité Physique Adaptée). Il va réaliser le premier plan d’entrée dans le dispositif avec des tests physiques et un entretien relationnel. Après, un programme de prise en charge sur une année est rédigé pour le patient. Il y a trois moments clé : le bilan initial, un bilan au bout de 6 mois et un bilan de fin. La ville prend en charge les trois bilans. C’est un coût de 100 euros par personne et par an. Par la suite, le patient va avoir deux séances de sport par semaine. Nous lui demandons un engagement de deux euros par séance afin qu’il y ait un engagement de sa part.
Vous prenez en charge le reste du financement ?
L’ensemble du dispositif sport santé sur ordonnance est supporté par la Ville de Marcq-en-Barœul. Cela comprend les installations sportives, les 3 bilans annuels, le coût induit par le salaire et les charges de l’éducateur sportif territorial spécialiste et diplômé APA. Ce sont des activités adaptées à chacun. Ça peut être de l’aquagym, du renforcement musculaire, de la gymnastique, du tir à l’arc, de la marche à pied, de la course à pied, du badminton, du golf, et du volley. Le médecin sera toujours informé de l’évolution de son patient.
Quel rôle est joué par la mairie de Marcq-en-Barœul ?
Le sport sur ordonnance n’est pas remboursé par la Sécurité Sociale pour le moment. Ce sont les collectivités territoriales qui portent donc ce dossier. La première expérience a été faite à Strasbourg en 2012. Maintenant nous avons 62 collectivités territoriales en France qui organisent la mise en place du dispositif « Sport sur ordonnance ». La ville de Marcq-en-Barœul, de 40 000 habitants, est pionnière dans ce domaine. Nous avons tenu le constat qu’il était nécessaire, pour nos 5 000 patients atteint d’une affection de longue durée (ALD), d’organiser ce dispositif pour permettre à chaque patient de pratiquer une activité physique adaptée à son profil, en toute sécurité.
Quelles affections de longue durée avez-vous ciblé ?
Nous avons voulu agir sur quatre ALD : les pathologies cardiovasculaires, les cancers en rémission de plus de 6 mois, la maladie de Parkinson et le diabète de type II. Nous avons également ciblé deux maladies chroniques : obésité et lombalgie chronique.
Pensez-vous que le sport sur ordonnance sera remboursé la sécurité sociale un jour ?
Nous essayons de changer les choses. Je vois régulièrement au niveau des Ministères que les idées pré-conçues qui sont en train d’évoluer. Nous essayons de rencontrer les acteurs concernés au ministère des Sports ainsi qu’au ministère de la Santé pour montrer l’intérêt de ce dispositif. Au niveau du réseau national du « Sport sur ordonnance », nous aurons les prochaines assises au mois d’octobre à Strasbourg. Plus il y a de ville, plus nous réussissons à faire passer le message.

– Dupliquer le projet  –

Combien vous coûte ce dispositif ?
L’ensemble du dispositif, si on inclut le personnel et les locaux coûte 50 000 euros par an à notre commune.
Quel retour avez-vous des habitants ?
Nous avons commencé le dispositif début mai. Nous avons déjà une cinquantaine de patients ayant bénéficié de leur bilan programme. Ils sont maintenant dans le dispositif. C’est bien perçu, il y a une demande. Quand je rencontre des administrés de la ville, ils s’intéressent et demandent comment faire pour en bénéficier. Ce dispositif est valable pendant un an. Ensuite, soit le patient n’est pas encore en état d’être autonome et nous le gardons un an supplémentaire. Au contraire, s’il a fait des progrès sur le plan médical, nous pouvons travailler avec les associations de la ville pour que les gens puissent continuer de découvrir le sport.
Quel conseil donneriez-vous à un territoire voulant se lancer dans ce dispositif ?
Il ne faut pas se lancer à l’aveugle. Il faut bien travailler en amont sur ce dispositif. Il faut savoir que c’est un dispositif contraignant, mais qui peut avoir un réel bénéfice sur la population. Le dispositif est récent au niveau de la ville mais il suscite beaucoup d’intérêt et de contact par d’autres collectivités territoriales souhaitant s’engager dans ce dispositif en raison de son originalité et de son implantation au cœur de la Métropole Européenne de Lille . La Ville de Marcq-en-Baroeul fait partie par ailleurs du Réseau National des Villes Santé sur Ordonnance.
L’ANDES , dont je suis le Vice-Président , est partenaire des 3èmes Assises Européennes du Sport Santé sur Ordonnance. Elles auront lieu le 14 octobre 2019 à Strasbourg.
Propos recueillis par Claire Plouy