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Pau : un plan anti-solitude co-construit avec les associations du territoire

Cette semaine, la lettre de l’impact positif s’intéresse à une initiative de la ville de Pau. Sous l’impulsion de son maire, elle a décidé de mettre en place un plan anti-solitude sur son territoire. Elle espère trouver une réponse  aux évolutions sociétales, au vieillissement de la population, à la sédentarité, et à la nécessité de créer des nouvelles solidarités. Ce plan se décline en plusieurs actions très concrètes.
Les équipes de Territoires-Audacieux ont interviewé Stéphane Porte-dit-Loustau, de la mission ingénierie sociale et de la direction Autonomie, Santé, Solidarités, Petite Enfance de la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées. Il était accompagné par Corinne Letuppe, coordinatrice du plan « anti solitude », au sein de la mission ingénierie sociale (allias le LABO) de la direction ASSPE.
Sommaire:

– Mise en place du projet –

Qu’est-ce que le Plan Solitude ?
C’est une démarche qui a été impulsée par notre maire. C’était une de ses axes prioritaires de son mandat puis que son propos, c’est qu’une ville ce n’est pas que des bâtiments, mais aussi retisser des liens dans la ville. Ça se joue à l’échelle de la ville en impliquant tout le tissu associatif, services municipaux et l’ensemble des citoyens.
Pourquoi avoir agi dans ce domaine ?
Nous considérons que c’est une des difficultés majeures rencontrées par nos publics. La solitude est l’affaire de tous. Elle est la source de bien d’autres maux, tel que le vieillissement accéléré, les troubles psychiques, la précarité, etc c’est une porte d’entrée pour s’attaquer à bien d’autres difficultés.
Quand est-ce que ce plan a été mis en place ?
Le travail a été mis en place, il y a bien deux ans en amont pour mettre en place la démarche. Il s’est accéléré à partir de l’automne 2018 avec un lancement. Nous avons enchaîné avec des ateliers citoyens sur les thématiques autour de l’habitat, des repas, de la mobilité, etc. Nous avons déroulé une série d’actions qui sont posées maintenant. Nous sommes sur le déploiement d’une douzaine d’actions aujourd’hui. Ce plan anti-solitude est le fruit du travail de plusieurs acteurs et actrices : Béatrice Jouhandeaux, adjointe au Maire de Pau et Vice-Présidente du CCAS, Philippe Maennel directeur du CCAS et Pauline Dubois, directrice de la direction ASSPE en charge du projet depuis son commencement.
Qu’est-ce que sont les ateliers citoyens ?
C’était sous forme de word-café. Nous avons visité le monde associatif, les diverses institutions et services municipaux, et d’autres partenaires institutionnelles à venir s’exprimer autour des thèmes que nous proposions. C’était un brassage d’idée pour pouvoir enrichir notre réflexion et pouvoir proposer des actions qui répondent aux besoins qui remonté du terrain.
 

– Le projet aujourd’hui –

Quelles différentes actions sont mises en place ?
Il y a 12 actions qui ont été proposées dans différents domaines. La première a été nommée Le resto du soir. Son objectif est de prolonger une action qui existait déjà dans le monde associatif mais qui s’arrêtait au mois d’avril (pour ne couvrir que la période hivernale). Nous avons souhaité prolonger cette action tout au long de l’année. Des repas sont servis aux personnes en situation de vulnérabilité chaque soir. Il y a entre 70 et 90 repas distribués par jour. Ce qui fait la particularité de l’action, c’est qu’elle est menée par des bénévoles. Nous avons fait appel à un bénévolat. Aujourd’hui, la structure fonctionne grâce à 160 bénévoles.
La seconde initiative est la coloc solidaire qui devrait débuter au mois d’octobre 2020. Dans un premier temps, cela va s’adresser à trois femmes. Nous leur proposons de partager un logement. Notre idée est de tisser de nouvelles solidarités, en partageant les frais liés au logement. Nous pensons que cela peut favoriser le vivre et le faire ensemble (courses, repas, entretien du logement, etc.). Chacune bénéficie d’un espace d’intimité tout en partageant des pièces communes.
La troisième action est tournée vers le transport solidaire. Nous l’avons appelée « Le macaron de l’auto-stop solidaire ». Nous souhaitons que toute personne prête à transporter quelqu’un gratuitement dans la ville puisse mettre un autocollant sur son véhicule. Cela crée un système de covoiturage solidaire permettant de faciliter les petits trajets du quotidien et de favoriser la mobilité de chacun.
Dans les idées que nous allons mettre en place, il y a également une idée autour des « dîners de l’été ». Nous souhaitons que les gens se réapproprient nos espaces publics. Nous voulons instaurer officiellement ces rendez-vous dans différents quartiers de la ville tout au long de l’été. Il faut inviter chacun à s’asseoir dans l’herbe ou à une grande tablée pour partager mets et conversations. Nous allons aussi mettre en place une école du soir pour les gens qui aient des choses à partager, tel que des passions ou des connaissances puissent entrer en contact.
Nous travaillons aussi sur une initiative appelée Tous au chantier pour permettre aux habitants de participer collectivement et bénévolement à l’entretien ou à l’aménagement de l’espace public. Il y a également un bus de la curiosité, un projet autour de la culture, qui propose des visites surprises d’un lieu culturel. Le bus vient chercher les inscrit devant chez eux pour les conduire sur le lieu de l’événement.
Il y aura une plateforme numérique qui permettra aux gens de rentrer en contact entre eux. Il y a une série d’autres actions qui peut être vu en cliquant ici.
Nous pensons que toutes ces actions peuvent encourager les gens à aller vers les autres. L’idée est de mettre en place une série de micro-projets pour que les habitant s’en emparent et qu’ils arrivent à se passer de nous.
Aujourd’hui, quel rôle joue la mairie dans tout cela ?
La mairie a un rôle important puisque c’est à elle d’impulser le mouvement. Elle fédère le monde associatif et les citoyens qui veulent s’impliquer. Elle communique sur les événements. Lutter contre la solitude prend beaucoup de formes donc la mairie a le rôle de rassembler toutes les actions faites sur le territoire. Nous ne venons pas nous supplanter à ce qui existe déjà, nous venons compléter, faciliter et mettre en valeur ce qui existe.

– Dupliquer le projet  –

Quel est votre budget ?
Nous n’avons pas de budget spécifique alloué sur ces actions. L’idée n’est pas de dépenser de l’argent. Par exemple, le resto du soir va fonctionner par des dons de denrées de différents commerçants de la ville. Les locaux nous appartiennent et ce sont des bénévoles qui s’occupent de la distribution. La plus grosse dépense est humaine, car cela nous mobilise au quotidien. Ça permet aussi de travailler la transversalité entre les services.
Quels retours avez-vous de la population ?
La participation des gens aux ateliers a été très importante. Nous avons eu 70 à 80 participants à chaque fois. De plus, à chaque manifestation, nous remplissons des salles. Les retours sont positifs. Quand nous avons ouvert le resto du soir ou les soirs dansants, le public était toujours présents.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Nous n’avons pas encore réussi à toucher les populations les plus vulnérables. Le public le plus difficile à faire venir, c’est celui qui ne se montre pas. C’est le public qui est isolé chez lui. En 2003, il y eu 10 000 morts à cause de la canicule, dont des personnes qui n’ont été retrouvées que beaucoup plus tard. C’est ce public que nous devons toucher. Ça va passer aussi par nos services internes, tel que l’aide à domicile. Il faut savoir s’appuyer sur ces services-là. Déployer un plan anti-solitude et le faire savoir ce n’est pas compliqué, ce qui est compliqué, c’est de faire adhérer les gens. On ne veut pas forcer la participation, nous souhaitons lutter contre l’isolement.
Quel conseil donneriez-vous à un territoire voulant lancer une initiative similaire ?
Il faut être modeste. Il faut prendre le temps de structurer les choses, car cela peut facilement partir dans tous les sens. Il faut que le projet soit incarné aussi. Nous avons des élu·es qui y croient et qui nous aident. Il faut savoir s’entourer d’experts pour impulser la démarche. Nous avons eu une démarche participative, car c’est indispensable de faire un panorama des actions existantes et de s’appuyer sur une expertise.
Propos recueillis par Claire Plouy.