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Beauce Val de Loire : la maison de services au public est itinérante afin d'être accessible à toute la population de l'intercommunalité

La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine à une maison de services au public itinérante. Dans le territoire rural du Loir-et-Cher, il n’est pas toujours facile de se déplacer et certaines démarches dématérialisées sont difficiles à effectuer. Depuis un an et demi, un camping-car sillonne les routes de cette intercommunalité afin d’offrir aux habitants un service régulier de proximité. Chaque semaine, il fait étape dans l’ensemble des communes du territoire. Cette maison de services au public connaît un véritable succès auprès des citoyens.

Les équipes de Territoires-Audacieux.fr ont interviewé Astrid Lonqueu, vice-présidente de la Communauté de Communes Beauce Val de Loire pour qu’elle nous parle plus précisément de cette initiative.

Sommaire:

– Mise en place du projet –

Comment l’idée vous est-elle venue ?

Notre territoire est assez vaste, un peu plus de 500 km2 avec une population peu dense, 40 habitants au km2, et peu d’offres de services. En 2016, nous avons eu le retour du diagnostic départemental d’amélioration à l’accessibilité des services au public, réalisé conjointement avec le département et la préfecture. Il a relevé les carences importantes en matière d’offres de services sur notre territoire communautaire.

Le service répond donc à une vraie problématique ?

Absolument, d’où l’idée de mettre en place une maison de services au public. Nous avons eu deux hypothèses : une fixe ou une itinérante. Nous avons choisi la seconde option pour aller à la rencontre des populations qui ne pouvaient pas se déplacer. Car sur notre territoire, nous n’avons pas de moyens de transports collectifs type bus ou autre à des horaires réguliers.

Le but était donc d’aller au plus près de chacun et aussi de ceux qui n’ont pas la maîtrise des ordinateurs ?

Exactement, c’est aussi un développement que nous avons souhaité. Nous voulons initier ces personnes et mettre à disposition du matériel informatique pour les aider à réaliser les démarches dématérialisées.

Quelles ont été les différentes étapes de mise en place ?

À partir du diagnostic, nous avons beaucoup plus détaillés les besoins par territoire et par commune. Cela nous a amené à créer un comité de pilotage composé d’élus communautaires et communaux mais aussi de collaborateurs, en particulier les secrétaires de mairie qui avaient déjà une vision par rapport aux demandes locales, et également toutes les personnes qui souhaitaient s’investir sur le projet. Ce comité a travaillé pendant 18 mois pour répondre aux critères d’une maison de services au public et pour étayer le fonctionnement de l’itinérance. 

Ensuite, nous nous sommes donnés une année d’expérimentation, à partir de juin 2018. Au bout de 6 mois, nous devions nous positionner avec la préparation budgétaire, à la fois pour continuer le service (ou l’arrêter) et donner une réponse aux personnes en CDD. Le premier bilan s’est révélé positif tant sur la satisfaction des citoyens que sur la résolution des demandes, ce qui nous a permis de pérenniser très vite.

– Le projet aujourd’hui –

Comment fonctionne ce lieu au quotidien ? 

Il y a un planning figé sur chaque site des communes. Chaque mois, il est mis à jour pour que les concitoyens identifient les permanences. Le matin, les animatrices se rendent sur le lieu de la commune choisi (place du village, près de la mairie, etc.), il y a alors deux possibilités : soit les citoyens ont pris rendez-vous, soit ils se présentent librement.

Qui sont les animateur.rices ?

Nous avons une animatrice à temps complet qui a déjà travaillé au sein d’associations avec différents publics. C’est une personne qui avait déjà cette culture de l’écoute, de l’accueil et du service à la population. Pour l’aider, nous avons également embauché un service civique qui s’est révélé très pertinent, et qui a souhaité prolonger cette expérience, donc nous l’avons prolongé en CDD.

Quel rôle joue le camping-car ? 

Pour l’agent c’est une facilité puisqu’elle n’a pas à adapter son travail à différentes salles qui seraient prêtées par la commune. C’est aussi une identification, car le véhicule est logotisé. C’est plus concret pour les habitants d’avoir régulièrement ce véhicule et ce bouquet de services, plutôt que de se rendre dans une maison fixe. C’est aussi une communication de la politique communautaire qui va vers les habitants. Ils comprennent mieux l’intérêt de l’intercommunalité.

Votre projet correspond aux Maisons France services proposées par le gouvernement ? 

Effectivement, nous avons candidaté pour être labélisés Maison France services début 2020. Nous répondons à un certains nombre de critères comme l’accueil, la charte Marianne, les compétences, la communication et la fréquence. 

Quel public accueillez-vous ?

Nous accueillons des personnes actives et inactives, notamment dans la tranche 30-65 ans.

Que viennent-elles chercher ?

Une aide pour élaborer un dossier de demande de retraite, une mutuelle, des démarches pour renouveler des cartes d’identité, des passeports, des cartes grises, etc. L’animatrice pré-remplie ou remplie des dossiers qui vont aller directement dans les services adéquats. Cet accompagnement permet d’alléger des personnes qui, même si elles sont initiées à l’informatique, peuvent être un peu perdue devant certaines démarches.  

– Dupliquer le projet –

Quels changements de comportements ce service induit sur le territoire ? 

Une certaine proportion de citoyens qui venaient à la mairie se dirige plutôt vers la Maison de Services. Nous avons également apporté une information par rapport aux droits que certains citoyens ne connaissaient pas. Ils viennent désormais les faire valoir. C’est aussi un lieu d’échange, de rencontre. Les compétences des animatrices sont valorisées par rapport à cet éventail.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? 

Sur certaines communes nous avions peu de fréquentation. Nous nous sommes alors posé la question de l’origine. Nous avons redensifié la sensibilisation des conseils municipaux de ces communes puisqu’ils sont le maillon de proximité par rapport à la population. Nous avons aussi renforcé la communication par une nouvelle diffusion dans les boites aux lettres, car c’est un moyen de communication qui reste abordable pour toute tranche d’âge. Enfin, nous avons animé les sites internet des mairies, des communes et des communauté, et à l’occasion des bulletins municipaux, des flash infos on des annonces de permanences. Nous essayons d’être au plus près de la population et d’apporter le maximum d’informations. 

Comment financez-vous ce projet ?

La première année nous avons acheté le véhicule aménagé, c’est une enveloppe hors taxe d’environ 60 000€. Il a été financé à 80% par l’État, le département et les fonds européens LEADER. Le reste a été à la charge de la communauté. Maintenant que vous avons investi nous n’avons plus besoin d’acheter un véhicule tous les ans donc ce sont essentiellement des coûts de fonctionnement : des frais salariaux, des frais d’entretien, l’assurance et le carburant. Sur cette enveloppe nous recevons 30 000€ du FNADT, de l’État. Sur l’année c’est une enveloppe de 60 à 70 000€.

Quel impact avez-vous mesuré pour cette initiative ?

En moyenne, nous recevons 150 personnes par mois sur l’ensemble de la communauté. Nous traitons environ 200 demandes, 97% sont réalisées sur place les 3% restant sont orientées sur d’autres opérateurs, car ce n’est plus de la compétence de la Maison des Services.

Quel conseil(s) donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait mettre en place ce projet sur son territoire ? 

Pour moi, les clés de la réussite du service c’est de bien recruter les animateurs, de choisir de bons profils. Il faut également s’engager sur des rythmes réguliers de permanences pour qu’il y ait une réelle identification sur le territoire. Il est aussi important de travailler en collaboration avec les mairies. En fonction des questions des citoyens, les compétences de la mairie ou de la Maison des Services seront plus ou moins adéquats, il y a des domaines qui relèvent plutôt de l’un ou de l’autre. 

Propos recueilli par Baptiste Gapenne