Les 25 et 26 novembre 2019 s’est déroulé l’événement « Agir sans Subir », organisé par l’Unadel (Union Nationale des Acteurs du Développement Local). Des élus, des associations, des experts et des citoyens se sont réunis pour échanger, débattre et construire, au total 220 personnes se sont mobilisées. Réunies sous la thématique générale « Les territoires relèvent le défi écologique et social », les personnes présentes ont pu assister à des conférences, des tables rondes et des ateliers. Objectif : faciliter la rencontre et la réflexion entre les participants.
Première journée : “Se mettre en mouvement”
Introduction :
Claude Grivel, président de l’Unadel, est intervenu en introduction de l’événement. Les principaux objectifs ont été énoncés, notamment la construction de projets collectifs, avec plus de coopération face à une gouvernance sous l’influence de la pensée unique, qui créé un recul de la démocratie, et une émergence du communautarisme. Alors comment agir sans subir ? La parole est donnée aux projets alternatifs qui rassemblent les territoires et les citoyens face aux enjeux majeurs de notre société : l’écologie et les inégalités. « Il ne faut pas désespérer mais nous y atteler nous-même ».
Conférence : « Défi écologique et social, de quoi parle-t-on ? »
Avec Benoît Simon, président de l’association 4D, Dossiers et débats pour le Développement durable et Caroline Lejeune, docteur en sciences politiques à l’Université de Lausanne.
« On ne réussira pas les défis écologiques sans réussir les défis sociaux » selon Benoît Simon. Pour y arriver, il croit aux ODD (Objectifs de Développement Durable) comme une grille de lecture pour guider les politiques territoriales. Ces objectifs font naître de multiples possibilités mais ne pourront réussir que si les territoires les font vivre. Caroline Lejeune, a ensuite mis en lumière le lien entre justice et environnement. Les nombreux conflits sociaux qui ont eu lieu par rapport à l’environnement ces dernières années sont révélateurs des inégalités à l’échelle des territoires, qui se cumulent pour certains habitants. Les politiques publiques ne s’y attaquent pas en profondeur, « l’effondrement de nos modes de vie arrive mais il est encore temps de penser positivement le changement », conclut-telle.
L’après-midi a été rythmé par des ateliers sur différentes thématiques, avec des acteur.rices aux “expériences inspirantes”. Nous les avons rencontrés, ils vous expliquent leur projet :
- Production d’énergie : Alain Ridard et les énergies citoyennes en pays de Vilaine. Il présente des unités de productions d’énergies renouvelables portées par, pour et avec les habitants d’un territoire : le cas des parcs éoliens.
- Habitat : Franck Mathieu de la coopérative Archi Possible, un accompagnement à l’auto-rénovation et l’auto-construction dans l’habitat (Essonne).
- Alimentation et agriculture : Claire Engrand de la régie de quartier Pierrefittoise d’insertion et de développement (93) présente le BOCAL, un restaurant solidaire d’insertion anti-gaspi.
- Transport : Hervé Tillard de la communauté de communes Moselle et Madon présente la gratuité du réseau de transports, actif depuis 2007.
- Santé : Laurence Bourgoise, directrice des cohésions territoriales en Seine et Eure, présente la transformation d’un quartier d’habitat social pour les personnes âgées.
Table ronde : “Transition et lutte contre les inégalités : comment fait-on ?”
Intervenants : Jean-Christophe Sarrot (membre d’ATD quart monde Agir pour tous dans la dignité), Serge Bonnefoy (secrétaire de Terres en villes, réseau national des projets alimentaires territoriaux), Jean-Baptiste Lebrun (directeur du CLER, réseau pour la transition énergétique) et Jean-David Abel (vice-président de France Nature Environnement).
Les intervenants ont échangé avec le public autour de cette thématique. Il en est ressorti que les inégalités sociales et écologiques convergent. Mais il y a une absence de considération de l’écologie des politiques mais aussi de la part des habitants qui se préoccupent plus des questions sociales. C’est pourquoi il faudrait que les projets de territoires soient pensés avec les plus précaires par rapport à leurs besoins. Il s’agit de revaloriser la personne humaine. La table ronde s’est conclue avec des questions en suspens : Comment les projets de territoires doivent se construire à partir des envies de chacun ? Comment mobiliser tout le monde ? À quelle échelle créer des communautés d’actions investies ?
Deuxième journée : “Ouvrir de nouvelles perspectives”
Des ateliers “Vers de nouveaux modèles et de nouvelles pratiques” ont été organisés le matin. Nous les avons suivis pour vous !
Villes et territoires en transition ?
Dans cet atelier intervenait Max Rousseau (CIRAD), David Lebras (ADGCF), Laurent Fussien (DGS) et David Delsart (Mouvement Villes en transition).
Pour nous, Laurent Fussien, DGS de la ville de Malaunay, résume l’atelier.
Exercice collectif de description des territoires, proposé et animé par Bruno Latour.
L’avis d’un participant : Julian Perdrigeat, directeur de cabinet de Jean-François Caron, Mairie de Loos-en-Gohelle
“L’atelier conduit par Bruno Latour et un jeune assistant visait à redéfinir les territoires « par la racine ». Dans le contexte de désorientation généralisée, l’enjeu consiste à atterrir et pour cela se situer. Sauf que nos repères sont bouleversés par trois siècles de révolution industrielle. Dans cette optique, comment refaire « territoire » ? Bruno Latour considère qu’un territoire est d’abord un « évènement ». Ce qu’il appelle l’effet Lubrisol. Et pour savoir de quel territoire on dépend il invite à répondre à trois séries de questions :
- Qu’est-ce qui vous menace ? Et pourquoi vous y êtes attaché ?
- D’où vient cette menace ? Et comment le savez-vous ?
- Ce que vous êtes prêt à faire pour contrer cette menace ?
Des duos se sont formés et ont placé sur une boussole d’un genre nouveau leurs réponses. Un pas de côté intéressant pour se replacer.”
Quartiers populaires et écologie ?
Dans cet atelier intervenait Anne Frey (CPEN Coquelicot Metz), Léa Billen (Doctorante), David Guillerm (Labo’Cités) et Sabrina Drljevic-Pierre (Coordination Pas sans nous).
Pour nous, Léa Billen, doctorante en géographie, aménagement et urbanisme à l’Université de Paris Nanterre, résume l’atelier.
Et voici l’avis d’une participante, Marie-Noëlle Pinson, directrice adjointe de Villes au Carré :
« Première impression collective : le défi écologique est encore peu réfléchi pour et encore moins avec les habitants des quartiers populaires, alors même que ces quartiers ont un poids démographique important à l’échelle de certains territoires. À bien y regarder pourtant, on note que de multiples pratiques individuelles et initiatives collectives s’y rattachent (cuisine sans gaspillage, partage de biens, troc, covoiturage, garage solidaire, ressourceries…) mais ne sont reconnues par personne comme des contributions à la transition écologique. C’est l »écologie de la débrouille », celle qui permet de boucler les fins de mois, dans les quartiers populaires urbains comme dans les espaces ruraux. Ainsi, les habitants de ces territoires inventent eux aussi de nouvelles façons de consommer et de vivre ensemble qu’il faut prendre en compte et soutenir à leur juste valeur en accompagnant la remise à niveau de la qualité des espaces communs, du logement, de l’offre de transport et de services. »
Bruno Latour, (sociologue, anthropologue et philosophe des sciences) est ensuite intervenu pour une mise en perspective intitulée “Où atterrir ?”
Dans une désorientation générale du monde, il propose de transformer la notion de territoire non pas comme espace mais comme événement. Il faut, selon lui, trouver une nouvelle façon de définir le territoire qui ne se situe plus où l’on vit mais de quoi on dépend. La situation géopolitique actuelle perturbe toutes les définitions, nous pouvons parler à des personnes qui ne sont pas du tout sur la même planète que nous. “Nous avons l’impression d’être hors-sol, alors où atterrir ?”
Une dernière table ronde a eu lieu en fin d’après-midi “Vers de nouvelles voies de développement des territoires”.
Le ton était donné au pas de côté. La culture du “sachant” qui sait mieux que les autres et qui viendrait résoudre les problèmes dans les territoires, sans y vivre, est révolue. Il faut faire bouger les structures et utiliser l’intelligence collective pour affronter les obstacles. La transition est tendance, un immense élan qui va peut-être permettre de faire bouger les lignes. Alors comment inventer un nouveau modèle de démocratie ? Et quelles méthodes pour inclure les citoyens ?
Retrouvez plus d’informations sur le site internet de l’UNADEL.
Léa Tramontin