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Gironde : Six communes font disparaître les barquettes plastiques de leurs cantines scolaires

Cette semaine, la lettre de l’impact positif s’intéresse à une première en France. Sept communes du Sud-Ouest, regroupées au sein du SIVOM du Haut Médoc ont décidé de supprimer les barquettes plastiques pour les remplacer par des barquettes 100% végétales. Un pari réussi grâce à une jeune entreprise de Castelsarrasin (82) qui leur fournit désormais des contenants plus sains pour les enfants et entièrement compostables. Une initiative qui devrait rapidement être dupliquée.
La Part du Colibri a rencontré Béatrice de François, maire de Parempuyre et présidente du SIVOM du Haut Médoc ainsi que Wilfried Ravis, directeur des cuisines centrales du SIVOM pour le groupe Ansamble.
Sommaire:

– Introduction –


Les interviews de Béatrice de François et Wilfried Ravis sont disponibles au format vidéo ou texte pour chaque question.

– Mise en place du projet –

Comment cette idée vous est-elle venue ?
Béatrice de François : C’est une démarche que nous avons depuis un moment à propos de la sécurité alimentaire. Au départ du Sivom du Haut Médoc, nous avons travaillé à la qualité des aliments et à leur provenance. Nous avons aussi souhaité travailler sur les contenants. Historiquement, comme partout, nous avons des bacs inox gastronomiques et des barquettes plastiques. Il nous paraissait opportun de remplacer ces dernières par quelque chose de plus sain pour la santé.

Pourquoi avoir entamé cette démarche ?
Nous savons tous aujourd’hui, et les études l’ont démontré, que le plastique est dangereux pour la santé. Il y a notamment des nano-particules qui, quand une barquette est abîmée, peuvent entrer dans l’alimentation. Les effets à plus ou moins long terme pour les enfants ne sont pas très bons. L’idée est d’améliorer notre sécurité alimentaire. Nous avons voulu travailler sur un contenant qui soit totalement neutre notamment pour ceux qui servent à réchauffer les plats. C’était des plastiques à usage unique, cela veut dire qu’ils n’étaient recyclables qu’à 70%. Il y avait, en plus, de la manipulation car il fallait le laver avant de le recycler. Cela veut dire du travail et de l’eau consommée. Nous avons voulu avoir une démarche liée au développement durable de A à Z pour cette restauration scolaire.

L’utilisation du plastique est en fait une mauvaise habitude…
Ces mauvaises habitudes sont prises dans la restauration collective et notamment auprès des enfants. Elles sont également très présentes chez nous. Nous nous devions de commencer ce changement par la restauration collective et d’informer les enfants pour les sensibiliser. Ils pourront ensuite amener ce changement chez eux. C’est ce que nous faisons déjà autour des produits locaux et de l’alimentation en général. C’est une démarche complète qui va de comment on produit à comment on se nourrit en passant par comment faire pour avoir zéro déchet.

Comment avez-vous mis en place cette innovation dans vos cantines ?
Cette mise en place a été inscrite dans le cahier des charges de 2016 pour trouver notre nouveau fermier. Nous avions mis l’obligation de travailler à un nouveau contenant. Ensuite, le fournisseur et la société que nous avions choisie, le groupe Ansamble, ont travaillé sur ces barquettes. L’idée était aussi d’avoir une démarche liée à l’économie sociale et solidaire. Nos nouvelles barquettes sont entièrement bio-compostables mais il faut avant les déchiqueter. Nous donnons le compost à des maraîchers locaux. Si on revient sur les étapes de la mise en place, il a d’abord fallu tester. C’était un nouveau produit et le fabriquant devait réaliser des tests. En tant que maire de Parempuyre et présidente du SIVOM, les barquettes ont été testées progressivement dans les restaurants de ma commune. D’ici à la fin de l’année scolaire, toutes les cantines auront ces barquettes.

Comment avez-vous été en contact avec la start-up qui réalise cette barquette ?
Il a fallu que nous les trouvions. C’est une petite start-up, issue de la Haute-Garonne (31) qui a travaillé et investi sur cette idée. J’espère que ce sera un investissement rentable pour les utilisateurs et aussi pour eux. Je voudrais que ce produit soit mis à disposition un peu partout. Aujourd’hui, il y a un surcoût qui a été pris en charge par le SIVOM. Nous n’avons pas fait payer plus cher les communes et cette démarche était importante pour nous. À l’avenir, nous espérons que le produit va se développer et qu’il pourra coûter moins cher.

Aujourd’hui à quelles caractéristiques correspondent ces barquettes ?
Elles sont en fibres de papier. C’est du chêne. C’est pour ça qu’elle sont totalement recyclable. Il y a un film à l’intérieur qui est aussi de la fibre végétale. Il est également totalement bio-compostable à la différence des anciennes barquettes en plastique. La difficulté au départ est arrivée pour les plats en sauce. Il fallait que cela ne fonde pas lorsque nous les réchauffions. Nous avons fini par la résoudre et aujourd’hui cela ne pose aucun problème.

– Le projet aujourd’hui –

Où en êtes-vous aujourd’hui dans le projet ?
Le test est terminé. Sur ma commune de Parempuyre, tous les restaurants scolaires sont équipés avec les nouvelles barquettes. Nous avons commencé également à équiper d’autres communes comme Blanquefort ou Bruges. D’ici le mois de juin, tous les membres du SIVOM seront équipés. Mais ce n’est pas si facile. Le procédé technique a été trouvé et les difficultés résolues. Mais il y a aussi les nouvelles façons de travailler pour le personnel. Cela demande de nouvelles manières de réchauffer etc. Nous devons avancer petit à petit pour avoir le temps de réaliser aussi de la formation professionnelle.

À quel moment avez-vous envisagé de travailler avec ces barquettes pour le SIVOM ?
Wilfrier Rafis : La question nous avait été posée par le SIVOM du Haut Médoc via le cahier des charges afin de trouver une alternative à ce produit plastique. Au début, nous n’avions pas forcément d’idée. Nous connaissions tout ce qui se fait autour des couverts en bambous par exemple. Nous avons donc réalisé des recherches autour de nous au niveau national et international. Le produit idéal n’existait pas. Dans notre démarche de développement durable, le groupe Ansamble (en charge de la délégation pour le SIVOM du Haut Médoc) travaille avec Véolia pour le recyclage des barquettes plastiques et de compost. À force d’échanges, c’est cette société qui nous a présenté le dirigeant du groupe Cellulopack. Il travaillait sur des barquettes 100% végétales issues de forêts françaises. Comme ils ne sont pas très loin de chez nous, ils sont considérés comme des fournisseurs locaux. Nous étions donc très intéressés par leur produit. Nous avons préparé un appel d’offres en intégrant leur barquette. À ce moment-là, c’était encore une phase expérimentale pour eux. Nous avons donc pu travailler ensemble pour adapter leur produit à nos outils. Dans ce cadre, nous avons mis un an et demi à developper cette nouvelle barquette.

Qu’avez-vous rencontré comme difficultés techniques ?
Les premiers soucis que nous avons rencontrés se situent dans l’étanchéité. C’est un produit en papier. Lorsque vous le mettez en contact avec de l’eau, cela se termine en boule de papier. Cela se déchire et s’écrase. Nous avons donc rencontré pas mal de soucis techniques et nous avons mis plus d’un an à stabiliser le process. Depuis juin 2017, nous le testons grandeur nature sur l’école Jean Jaurès de Parempuyre et le concept fonctionne. Nous avons été jusqu’au bout. Nous avons testé avec une entreprise bordelaise appelée Les détritivores tout ce qui était lié au compost de notre barquette. Aujourd’hui, cela fonctionne. Nous allons pouvoir mettre en place ce type de contenant sur les 35 restaurants du SIVOM du Haut Médoc.

Pour vous, est-ce que c’est un produit qui peut intéresser d’autres communes ?
Aujourd’hui, je suis en contact avec des collègues qui ont des outils de production dans le privé et le public. C’est une demande qui émane depuis plusieurs années. De nombreuses communes ont cette préoccupation. Notre voisin de la cuisine de Bordeaux-Mérignac a observé nos tests et j’ai appris qu’il a lancé un appel d’offre pour ce type de contenants d’ici le mois de juin. Aussi, bien dans le privé que dans le public, cette nouvelle barquette est l’avenir.

 

– Dupliquer le projet  –

À quel type d’élu le projet peut-il correspondre ?
Béatrice de François : Je crois qu’aujourd’hui il faudrait que cela corresponde à tous les élus. Nous sommes tous concernés par le développement durable ou la sécurité alimentaire. Nous ne pouvons pas ne pas prendre ces sujets à bras-le-corps. C’est notre responsabilité d’élus de voir comment on protège notre planète. Les barquettes plastiques devaient être nettoyées et là nous économisons en plus de l’eau. Je crois que la première des choses quand on est élu, c’est d’être engagé au niveau de la jeunesse et de l’enfance. Cela veut dire qu’il y a une notion d’éducation, et même plus précisément d’éducation alimentaire. Notre démarche est d’apprendre aussi à la nouvelle génération à préserver les richesses.

Pour quel type de territoire cela peut facilement s’adapter ?
C’est également pour tout le monde. L’idée est de développer ces barquettes à grande échelle. Il faut juste le temps que les process et les machines soient adaptées. Ce n’est pas tout à fait la même taille de barquette donc il faudra quelques adaptations. C’est de l’économie et c’est aussi de l’économie sociale et solidaire. Nous travaillons avec une entreprise locale, les détritivores. Il va y avoir de l’emploi créé pour compacter et déchiqueter les barrières. C’est une philosophie globale.

Combien cela vous coûte ?
Cela nous a couté entre 6 et 8 centimes de plus sur notre marché par repas. Le SIVOM, c’est 6000 repas par jour en temps scolaire, soit 1 millions de repas par an. C’est le SIVOM qui a pris le coût du repas en plus. Pour les parents, cela ne coûte rien. Pour les communes, cela ne coûte pas plus cher non plus. Il fallait se donner les moyens de tenter autre chose. Ce que je souhaite maintenant, c’est que ce produit soit fabriqué à plus grande échelle afin que son coût diminue.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
La difficulté a surtout été technique car les élus du SIVOM étaient majoritairement en faveur de ce changement. En revanche, la difficulté se trouve dans la mise en place, dans l’éducation des personnels qui travaillent dans nos cuisines satellites. Nous travaillons aussi sur les troubles musculo-squelettiques, c’est un ensemble de choses sur lesquelles nous avançons.

C’est un projet compliqué à mener politiquement ?
Non, c’est très facile. Je crois qu’au niveau des élus du SIVOM il y avait une véritable envie. C’est pour cela que nous l’avions inscrit au cahier des charges. Au niveau des parents, c’est une conscience qui va se prendre petit à petit. Ils vont s’informer progressivement grâce à tous les reportages qui parlent de notre innovation.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne