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Rueil-Malmaison (92) : Une application, un Drive, des boutiques éphémères et des exonérations de loyers pour les commerçants


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Neuvième témoignage de cette série, celui de Nadia Adjmi, directrice générale adjointe de la mairie de Rueil-Malmaison. Elle revient sur la mise en place de l’application « Rueil Marchés Solidaires », qui permet aux habitants de s’approvisionner en produits locaux, puis de se les faire livrer ou de les retirer au Drive. La ville accompagne ses marchands forains en mettant à disposition des locaux, qui font offices de boutiques éphémères. Elle aide aussi les commerçants sédentaires, en les exonérant de certaines charges.

Quelle est la spécificité de votre ville en termes d’alimentation ? 

Rueil Malmaison est particulière dans sa composition alimentaire, nous sommes dans une grande ville de 80 000 habitants mais nous n’avons pas de grandes surfaces. Cette stratégie est mise en place depuis plusieurs années. Nous avons un seul hyper marché, un Leclerc, qui dessert quatre villes donc celle de Rueil. Le reste c’est que du commerce de proximité, des supérettes. Après l’arrêté ministériel de la fermeture des marchés le 25 mars, nous avons sollicité deux dérogations, refusées par le préfet. Nos commerçants se sont retrouvés avec des commandes et des besoins, et la population aussi.

D’où l’idée de l’application ? 

Oui, très vite, il y a eu un encombrement dans les supérettes. Donc dans un premier temps, nous avons mis en place une application qui référence tous les commerçants non sédentaires, les marchands forains, sous forme de liste avec leurs coordonnées. Pour que tous puissent continuer à prendre des commandes. Ça a très bien fonctionné, mais ils se sont retrouvés avec plusieurs appels, une gestion de commandes qu’ils n’avaient pas jusqu’à présent et une explosion des livraisons, qu’ils pratiquent gratuitement.  

Donc nous sommes passé à l’étape deux. L’application a évoluée, avec la possibilité de commander et de payer en ligne. Parallèlement, nous avons mis en place des points retraits, comme un système Drive, pour soulager les commerçants sur la partie livraison. 

Les clients peuvent donc payer leurs achats en ligne ?

Non, c’est possible dans le développement de l’application, les consommateurs peuvent entrer leurs coordonnées bancaires et payer en ligne, mais techniquement nous n’avons pas encore ouvert cette option. Comme c’est nouveau, nous voulons pouvoir gérer en cas de litige client pour qu’il n’y ai pas de problématique de remboursement. Pour l’instant, les clients paient à la livraison ou en retrait. Ils peuvent avoir des commandes chez différents producteurs à différents prix, l’argent sera ensuite redistribué à chacun. 

Comment ça marche ? 

Nos deux marchés sous Halles sont devenus les points de retrait des Drive. Le point de retrait est en extérieur. Les personnes commandent via l’application, elles ont un rendez-vous, elles viennent retirer leurs produits, elles paient et partent. La personne peut aussi être livrée mais nous sensibilisons pour que la population vienne en point retrait. Pour qu’il n’y ai pas d’abus, nous avons fait un seuil de commande par commerçant de 20€ pour avoir l’accès à la livraison à domicile gratuite. 

Qui a réalisé l’application ? 

Nous avons été contactés par des personnes qui font partie d’une association Rueilloise qui promeut la végétalisation. Elles ont souhaité participer bénévolement au développement de l’application. 

Combien a-t-elle coûté ? 

Nous avons fait un investissement de base de 6 000€. Puis, ce sont de bénévoles qui font développer le site à titre gratuit. Ils référencent tous les prix, les modifient, mettent les photos sur les produits, etc. C’est le principe de solidarité. 

Combien y a-t-il de commerçants sur l’application ? 

Il y en a 22. Au départ, nous avons eu du mal car les commerçants non sédentaires n’étaient pas à l’aise avec l’informatique, certains ont du créé des adresses mails. Et puis dévoiler leur prix, pour certains c’était bizarre. Depuis, ça s’étoffe de jour en jour grâce au bouche à oreille. Plus de 1200 articles sont référencés avec des prix. Nous comptabilisons depuis lundi 6 avril le nombre de personnes qui se sont connectées pour réaliser une commande. En une semaine il y a eu 700 commandes. 

En plus de l’application, que faites-vous pour les marchands forains ? 

Pour compléter l’offre, nous avons mis en place des boutiques alimentaires éphémères avec les essentiels : primeurs, fromagers, poissons, charcuteries, viandes, volailles. C’est comme une boutique. Les clients doivent respecter toutes les règles sanitaires. C’est ouvert du mardi au vendredi, de 9h à 13h. Nous avons eu 250 clients sur une des boutiques au bout de deux jours d’ouverture. 

Où sont situées ces boutiques ? Et dans quels locaux ? 

L’une d’elle est en centre-ville, dans une boutique Mango, qui s’est transformée en vente de fruit et légumes. Un vrai système de solidarité s’est mis en place. Certains commerçants sédentaires veulent aussi accueillir des non sédentaires. Pour les trois prochaines boutiques prévues pour l’instant, elles seront dans nos locaux : un centre de loisir, une mairie annexe et une salle de spectacle. Elles sont dans des zones de la ville où il y a peu de commerces. Dans chaque lieu, il y a six commerçants, qui sont d’habitudes sur nos marchés. 

Est-ce gratuit ? Comment les commerçants peuvent-ils profiter cette initiative ?

Évidemment, la ville met à disposition ses locaux gratuitement. Nous assurons aussi la communication via les réseaux sociaux. Nous avons même fait le tour des rues avec mégaphone pour informer de l’ouverture. C’est de notre initiative, donc j’ai lancé un appel à candidature. Au début il n’y avait pas trop de demandes, puis ça a augmenté. C’est intéressant pour eux car de 9h à 13h ils travaillent, ils vendent et préparent leurs commandes et l’après-midi, ils livrent. 

Qu’avez-vous mis en place pour les commerces sédentaires ?

Certains continuent à fonctionner mais leur chiffre d’affaires a énormément baissé, certains parlent de -50%. Depuis deux ans, ils subissent des crises à répétition : les gilets jaunes, les grèves liées aux retraites, et maintenant la fermeture à cause de la crise sanitaire. Nous avons donc aidé en référençant tous les commerces sédentaires dit essentiels avec jours et horaires d’ouverture. Nous avons mis en place une carte interactive, pour que ce soit simple de les trouver, et nous les accompagnons, nous essayons de voir comment promouvoir leur activité et faire en sorte que les habitants se dirige vers eux. En plus, ça soulage le Leclerc qui est pris d’assaut.

Pour les sédentaires non essentiels, la ville a contacté leur propriétaire pour mettre en place non pas une suspension, mais une exonération de loyer pour un mois. Nous avons pratiqué des exonérations de droits de terrasses pour ceux qui en avait. Lorsque nous étions propriétaire de mur, nous avons aussi pratiqué des exonérations. Avec la CCI, nous les accompagnons pour qu’ils constituent leurs dossiers d’aide, de chômage partiel, etc. Nous travaillons aussi sur des modalités de reprise d’activité dégradées. Par exemple, j’ai le propriétaire d’un salon de coiffure qui me dit qu’il serait prêt à reprendre son activité, rouvrir son salon, avec des mesures de sécurité. Nous regardons sur le plan juridique ce qui est possible, comment nous pourrions faire pour qu’il y ai doucement une reprise.

D’ici la semaine prochaine nous devrions avoir un site de vente en ligne pour les commerçants sédentaires. Ceux qui n’ont pas de site pourront avoir leurs produits en ligne et avec un système de paiement en ligne, comme un magasin virtuel. De nombreux commerçants sont intéressés. 

Quelle sont les prochaines étapes ? 

Nous venons de mettre en place l’opération « Rueil panier solidaire », qui s’adresse aux familles fragilisées, en résidence sociale. Ce sont de paniers de 10, 20 ou 30€ de fruits et légumes. Un panier de 10 vaut en réalité 20, etc. La ville ne finance rien, c’est la solidarité des commerçants. Nous allons aussi développer une application pour faire connaitre les produits des artisans et voir comment nous pouvons les accompagner. Il faut qu’ils puissent poursuivre une activité pendant le confinement. Nous référencerons tous leurs produits sur cette appli. 

Toutes ces nouveaux dispositifs vont-ils perdurer après la crise et le confinement ?

Que ce soit les applications ou la carte interactive, nous prenons tout en charge, et oui nous comptons les perdurer. Nous avons une population de cadre de 30-40 ans, on constate que ça leur plait beaucoup. Ils travaillent et manquent de temps pour faire le tour du marché, ils préfèrent commander, retirer leur commande et partir. 

Propos recueillis par Lea Tramontin.