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"La rue sans mégots", une opération de sensibilisation à grande échelle pour lutter contre la pollution de la cigarette

 
Cette semaine la lettre de l’impact positif s’intéresse à une initiative qui va progressivement se mettre en place à Paris : la rue sans mégots. La mairie, qui sait que le combat sera long et difficile dans ce domaine, tente de multiplier les opérations de sensibilisation afin de combattre la pollution engendrée par les cigarettes jetées. En effet, un mégot peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau. Paris va donc demander à chacun de ses arrondissements de trouver une rue pionnière dans la suppression de ce déchet. Son objectif ? Travailler avec les habitants, les commerçants, les entreprises et l’ensemble des acteurs pour réussir une opération de sensibilisation à grande échelle.
Paul Simondon, Adjoint à la Maire de Paris, chargé de la Propreté et de la Gestion des déchets a accepté de répondre à nos questions pour évoquer les différentes étapes de cette initiative.
Sommaire:

– Mise en place du projet –

Comment l’idée vous est-elle venue ?
La question du mégot a attiré notre attention collective. C’est un petit déchet de rien du tout. Toutefois, il est important de faire comprendre que c’est une source de pollution et de grande difficulté pour les collectivités, car il engendre des coûts importants de collecte. Chez nous à Paris, c’est notamment le cas entre les pavés dans certaines rues ou dans d’autres endroits où peuvent se coincer les mégots.
Surtout que derrière les mégots non ramassés sont une grande source de pollution…
Oui. Quand les mégots tombent dans les caniveaux, ils polluent l’eau dans des proportions très importantes (jusqu’à 500L). Ils finissent bien souvent dans la mer, plus particulièrement si ils sont jetés dans la Seine ou le canal St Martin. Évidemment c’est très mauvais pour tout l’éco-système.
Nous avons minimiser pendant longtemps la pollution crée par les mégots et d’ailleurs ça se voit et se ressent aujourd’hui. Il y a beaucoup de travail à faire sur ce sujet.
C’est un sujet ou l’on part de très loin en terme de pédagogie ?
Oui parce que c’est un sujet qui n’a été identifié que récemment comme un élément de saleté et un déchet. Avant, c’était normal de jeter ses mégots dans la rue, dans la nature ou dans le caniveau… C’est même un geste cinématographique très fréquent. Se détacher de cette habitude pour se dire que non nous ne devons pas le jeter par terre mais à la poubelle, ce n’est pas facile ! Il faut changer les habitudes. En même temps, les générations changent. Certains arrêtent de fumer et il faut avoir pour objectif que tous les nouveaux fumeurs puissent avoir des habitudes qui soient différentes. Il ne faut pas désespérer et il faut convaincre.
Qu’avez-vous déjà mis en place à Paris ?
Les premières campagnes « anti-mégots »parisiennes datent de 2012. Nous avons équipé toutes les poubelles de Paris d’un éteignoir pour pouvoir écraser son mégot et le jeter à la poubelle. Ensuite, nous avons commencé à faire une campagne de verbalisation. Plus de 38,000 verbalisations ont été donné depuis 2018. Toutefois, l’impression que nous avons, c’est qu’il faut livrer une bataille culturelle sur ce sujet. La verbalisation est importante mais il n’y a pas que ça. Il faut continuer à convaincre. Nous avons donc voulu tester nos capacités de mobilisations sur des secteurs très précis, d’où l’idée des « rues sans mégot”. Notre but est d’essayer de mobiliser les habitants, les commerçants, les immeubles de bureau etc.
Comment allez-vous mettre en place cette nouvelle initiative ?
Nous essayons de repérer des rues adaptées, et où il y a effectivement des difficultés. Ensuite nous voulons que tout le monde se pose la question de comment faire pour arrêter de lancer des mégots par terre. Par exemple, c’est possible de mettre plus de cendriers. C’est une action que la ville peut faire. Mais les bars ou les bureaux peuvent également agir. Certains ont des idées sympas, ludiques, comme nous pouvons voir dans la rue Saint Denis où l’on retrouve un cendrier sondage. Il fait voter entre deux rappeurs en mettant le mégot d’un coté ou de l’autre. Il y a plusieurs autres idées, et en fonction de celles qui seront les plus efficaces, nous pourrons les généraliser.
D’autant plus qu’en agissant dans les villes, on peut avoir un impact au niveau d’autres écosystèmes ?
Parfaitement. C’est d’ailleurs interessant de voir qu’une association comme Surfrider, qui à l’origine était une association mobilisée contre la pollution dans les océans, s’est rendu compte qu’elle devait agir au niveau des cours d’eau. De ce fait, ils travaillent maintenant sur le nettoiement des cours d’eau et viennent chez nous, en ville, par exemple près du canal Saint Martin, pour montrer cette pollution aux habitants. Avec eux, nous avons organisé des opérations de ramassage de mégots. En quelques heures nous ramassons des milliers et des milliers de mégots. Avec ce genre de démarcher et l’ensemble de notre projet, nous voulons responsabiliser les fumeurs.
Anne Hidalgo a également évoqué le fait de faire payer l’industrie du tabac…
C’est un sujet qui lui tient à coeur et sur lequel elle peut être très sévère. L’idée, et la demande de la maire de Paris, c’est que l’industrie du tabac soit responsabilisée. Nous avons l’habitude de le faire avec le grand public. Il ne faut pas oublier que l’industrie du tabac est une industrie polluante. Alors pourquoi ne participerait-elle pas, au moins financièrement au nettoyage ? Le paquet de cigarette est composé d’au moins quatre ou cinq matériaux différents et nous avons beaucoup de difficulté à le recycler. Les responsables devraient faire un effort et produire des choses moins polluantes. Il faut un peu les forcer. C’est pour cela que nous souhaitons créer un éco-organisme afin de les obliger à prendre part aux frais de collecte qui sont une conséquence des ventes de cigarette.

– Le projet aujourd’hui –

Avez-vous une idée de combien cela coûte à l’échelle de Paris ?
Pas vraiment car ce n’est pas une action spécifique. Elle se mène en même temps que le nettoyage des autres déchets et même le temps en plus que va passer un balayeur sur les mégots coincés est très compliqué a évaluer.
Savez-vous le nombre de mégots qui sont jeté tous les jours dans Paris ?
Nous ramassons 350 tonnes de mégots par an à Paris. Cela correspond à 10 Millions de mégots ramassés chaque jour dans Paris. Mais combien sont réellement jetés dans nos rues ? Difficile de le savoir. Il y a pourtant près de 30 000 corbeilles équipées d’un éteignoir sur notre territoire.
Concrètement comment se passe la mise en place de cette action pédagogique de communication ?
Nous allons entrer dans une action d’expérimentation pour voir ce qui marche et ce qui peut moins bien fonctionner. Par exemple il y a certaines personnes qui souhaitent mettre des cendriers sur des « potelets de rue ». Nous allons essayer. Il y a déjà des arrondissements où cela existe mais parfois les habitants ne les voient pas. Il y a aussi des corbeilles de rue avec des cendriers séparés. Pour l’instant, nous pouvons éteindre les mégots sur les corbeilles pour ensuite les jeter mais certaines personnes ont toujours peur de mettre le feu à la poubelle en faisant ce geste. Dans ce cas là, nous pouvons mettre des cendriers séparés des corbeilles et ce sera plus rassurant. Nous allons tester tous les dispositifs que nous avons. Puis nous avons lancé une démarche afin de demander des idées aux acteurs du monde associatif, aux entreprises, aux start-ups…. Nous souhaitons qu’ils nous proposent des idées sur le sujet de la rue sans mégots. Notre objectif est simple : créer un mouvement collectif. Nous discutons aussi avec les commerçants pour se rendre compte de ce qui fonctionne ou pas pour eux. Il faut les motiver les uns après les autres. Nous allons aussi permettre aux filières de recyclages de voir ce qu’elles peuvent faire.
Comment vont être lancées ces actions au quotidien ?
Nous avons demandé à tous les maires d’arrondissements de proposer des rues et de voir avec les acteurs présents s’ils sont partants. Ensuite, nous proposerons des actions précises pour ces rues. Ce se fera d’ici au printemps avec un appel à projets sur des dispositifs participatifs. L’idée est que ce soit relayé auprès des habitants. Sur ce sujet, j’ai besoin d’avoir le soutien des mairies. En plus, le débat à Paris sur ce sujet a été assez facile car la délibération a été votée à l’unanimité lors de sa présentation.
Comment créer cette dynamique collective avec les habitants ?
Il faut repérer les zones précises, et aller parler à chaque acteur présent. Il faut expliquer, faire de la pédagogie. Je ne suis pas inquiet et je pense que nous allons réussir à mobiliser car il y a beaucoup de gens intéressés par ce changement. Il faut aller voir le café du coin pour lui dire qu’il faut mettre des cendriers par exemple. C’est pas compliqué à faire mais c’est long. Nous nous devons de commencer. Nous allons discuter avec les arrondissements mais il va également falloir qu’il y ait quelque chose de visuel pour identifier et faire des rappels. Ainsi nous arriverons à bien mobiliser les habitants des secteurs sur le sujet.
Est-ce que c’est le rôle de la collectivité de sensibiliser sur le sujet et de prendre des initiatives pour favoriser le passage à l’acte ?
Tout le monde doit s’y mettre. Il y a dix ou quinze ans, nous n’avions pas forcément conscience des problèmes que posaient les mégots. Maintenant que c’est verbalisé, il est important de montrer la mobilisation sur ce sujet. D’ailleurs quand nous parlons de la pollution qu’engendre la cigarette, il y a encore beaucoup de fumeurs qui en sont surpris. Ils sont marqués de savoir à quel point cela a une conséquence pour l’environnement. Il est donc nécessaire de continuer de sensibiliser les gens.
Est-ce qu’il y aura un suivi ou une formation ?
L’idée est qu’il y est une forme d’animation en lien avec la mairie de l’arrondissement, qu’il y ait des réunions de sensibilisation avec les commerçants.
Propos recueilli par Baptiste Gapenne