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Neuville-sur-Oise (95) : Le Cocott’arium, un poulailler urbain pour aider les villes à diminuer les déchets

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose de découvrir une expérimentation unique en France. Elle se déroule actuellement à Neuville-sur-Oise (95). Le maire, en collaboration avec une start-up, a mis en place un poulailler urbain. Les habitants peuvent venir y déposer leurs déchets organiques afin de nourrir les poules de la collectivité. Ainsi, le projet propose de mêler la diminution du poids des poubelles et la création d’un lieu de vie et de rencontres pour les citoyens.

Pour en parler, Territoires-Audacieux a rencontré Aurélie Deroo, fondatrice du projet Cocott’arium.

Introduction –

L’interview d’Aurélie Deroo est disponible au format vidéo ou texte pour chaque question.

– Mise en place du projet –

Comment l’idée vous est-elle venue ?

Je suis architecte d’intérieur de formation. J’ai voulu faire ce métier pour pouvoir changer les modes de vie de demain. J’ai exercé ce métier où je me suis beaucoup amusée. J’ai eu cette idée en déménageant en grande banlieue. J’ai fait ce choix car je manquais de nature. Je me suis demandé ce que l’on pourrait faire pour répondre à cette problématique. C’est-à-dire, comment amener un peu de campagne en ville ? La concrétisation est passée par de nombreuses étapes. Il y a eu beaucoup de remises en question. Il y a eu la phase de l’idée. Il fallu lui donner du sens et faire en sorte qu’elle soit cohérente. Puis le modèle économique pour étudier la viabilité. Enfin il y a eu les phases de conception, de design du produit et de fabrication. Il a fallu beaucoup s’entourer et dépenser un peu d’argent.

Qu’est-ce que le cocott’arium ?

C’est un poulailler urbain qui recycle. Il est issu de l’éco-construction car tous les bois utilisés sont issus de forêts françaises. C’est un habitat que nous proposons à nos poules. Nous avons optimisé l’espace en l’élevant dans la hauteur. Il y a un accès à la terre au rez-de-chaussée puis nous avons décliné en différent paliers ce qui permet aux poules d’être confortablement installées.

D’où viennent les poules ?

Ce sont des poules dîtes « réformées ». Que ce soit dans le bio ou le circuit classique, la poule arrive à l’âge de trois mois chez l’éleveur et repart à dix-huit mois pour l’abattoir. Nous, à partir de cet âge-là, nous récupérons ces poules et nous leur proposons de vivre une vie un peu plus sereine sans obligation de taux de ponte à la journée. Nous leur demandons juste de bien manger les déchets.

Comment s’est déroulée la mise en place de l’expérimentation ?

Une fois que nous avions imaginé le cocott’arium, il fallait rencontrer des organismes pour réaliser un test. Nous ne savions pas trop vers qui nous tourner. Nous étions suivis par un réseau d’entrepreneurs de la région et faisions partis d’un incubateur. Cela nous a permis de rencontrer des élus pour mieux comprendre leurs besoins et d’adapter notre idée à leur fonctionnement. Nous avons eu la chance de rencontrer un élu qui a été un peu plus loin en nous disant : je suis partant pour lancer le projet. C’est le maire de Neuville-sur-Oise, Gilles Le Cam. Ce cocott’arium est donc le premier de France et il est dans une phase expérimentale qui devrait nous permettre de valider le projet. Nous allons pouvoir mesurer la quantité de déchets récoltés ou l’engouement des habitants… Notre but est de proposer par la suite le projet à d’autres collectivités et des entreprises en France.

– Le projet aujourd’hui –

Que va-t-il se passer pendant les semaines de l’expérimentation ?

Le cocott’arium est un poulailler adapté à la ville par une architecture qui répond aux normes de l’urbanisme. Nous y insérons des poules dîtes « réformées » et nous proposons aux citoyens de leur déposer leurs déchets. C’est un geste citoyen. C’est également un lieu de partage car nous proposons d’intervenir auprès des groupes scolaires et du grand public. Nous voulons en profiter pour que les habitants rencontrent les agriculteurs locaux et découvrent leurs produits.

Aujourd’hui, quels sont les avantages que vous avez pu remarquer ?

Que ce soit pour une collectivité ou une entreprise, c’est d’abord un moyen de rapprocher les gens entre eux. Cela permet de rapprocher les gens de la nature. C’est valable avec des collègues de travail ou des habitants d’un même quartier. Finalement, le cocott’arium donne une raison de se croiser et de se parler. Mais c’est aussi une façon d’agir sur son empreinte écologique. Quand on voit les déchets des cantines, je pense que nous apportons une véritable solution. C’est enfin un acte de citoyenneté et un pas vers le recyclage. Notre ambition est d’apporter une nouvelle poubelle de recyclage au sein de tous les quartiers, particuliers ou entreprises. Nous voulons optimiser le traitement des déchets. Aujourd’hui, ils sont incinérés et ça produit encore plus de déchets…

C’est cette démarche qui a intéressé le maire de Neuville-sur-Oise ?

Oui. Il a souhaité avoir un mobilier urbain accessible au grand public. C’est-à-dire que tout le monde puisse venir voir les poules. Il voulait également marquer une emprunte écologique au sein de sa collectivité et montrer son engagement environnemental. Enfin, il voulait aider une entreprise de sa commune.

Quels aliments sont mangés par les poules ?

Nous essayons de prévenir en amont les habitants pour les informer sur cette question. Nous avons une communication sur le poulailler qui indique les aliments acceptés. En général, les poules mangent la même chose que nous. Elles apprécient tout ce qui est fruits et légumes mais elle ne vont pas aimer la peau des oranges, les oignons ou tout ce qui est pimenté… Nous proposons aux habitants de nous laisser les déchets dans des collecteurs et nous nous occupons du reste.

– Comment dupliquer le projet  –

Une fois le test validé, quel sera le fonctionnement avec les autres collectivités publiques ?

Nous proposons les infrastructures aux collectivités. Le but serait qu’ils nous financent le fonctionnement du projet en excluant la partie investissement. Celle-ci viendrait d’autres partenaires. L’achat du cocott’arium ne serait ainsi pas à la charge de la commune qui souhaiterait l’installer.

Quels sont les différents impacts que peut avoir un poulailler urbain sur un territoire ?

Pour nous, l’intérêt de cette expérimentation est de mesurer les impacts sur le territoire. Le premier, c’est le bien-être des poules. Savoir si réellement, elle peuvent s’adapter à notre architecture. C’est la première fois qu’un poulailler est créé dans la hauteur. Nous devons également voir quelle est la capacité des poules à ingurgiter les aliments qu’on leur donne. L’environnement urbain est-il favorable pour qu’elles mangent un maximum ? Nous allons aussi voir combien d’oeufs elles vont pouvoir pondre. C’est également un bon test pour tout ce qui touche les habitants. Quelle sera leur réaction ? Se sentiront-ils investis par le projet ? Et si oui, est-on capable d’assimiler tous les déchets qu’ils vont apporter ? Il y a beaucoup de questions et de données chiffrées dont nous avons encore besoin. Pour pouvoir proposer nos services à prochains clients, nous avons besoin de mesurer l’impact. Il faut savoir qu’en un mois, c’est tant de déchets récoltés, tant de poules sauvées et tant d’habitants qui ont réduit le poids de leurs poubelles.

Sur ce dernier point, c’est un enjeu d’actualité pour de nombreuses communes…

Oui, nous savons très bien que la réglementation au niveau des ordures ménagères est en train de changer. Les citadins sont en train d’être de plus en plus facturés par rapport au poids de leur poubelle. C’est important d’avoir cette conscience-là. Diminuer les kilos à l’intérieur des poubelles, c’est limiter le nombre de passages des camions-poubelles et donc le CO2 rejeté dans l’atmosphère. Sans compter celui rejeter lors de l’incinération. C’est tout une chaîne. Il y a un impact du début à la fin.

Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

Les coûts. Clairement, cela reste un investissement. C’est aussi pour nous la réglementation. Les poulaillers urbains n’entrent dans aucune case, c’est quelque chose qui n’existait pas. Nous surfons donc sur deux réglementations différentes. Nous avons choisi de prendre le statut d’éleveur, mais nous ne savons pas jusqu’où nous pouvons aller. Il y a aussi une question d’autorisation pour la commune et de savoir qui peut prendre la décision d’installer un tel projet. Enfin, il va falloir former ceux qui vont s’occuper du cocott’arium. Il y a beaucoup de choses à prendre en compte, mais nous allons garder notre ligne directrice

Propos recueillis par Baptiste Gapenne