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Muttersholtz : Réhabiliter des logements vacants pour dynamiser le territoire et participer à la transition énergétique


Le projet de réhabilitation des logements vacants à Muttersholtz fait partie d’une politique plus générale. Cela permet de traiter les questions d’énergie renouvelable, de biodiversité, de mobilité, d’urbanisme et d’habitat en même temps. Patrick Babier, maire de la commune porte le projet. Il veut que les consommations d’énergie soient moins importantes que les productions d’énergies pour l’administration municipale. Pour atteindre cet objectif, la commune fait des travaux de rénovation énergétique sur ses bâtiments publics et a  remis en service deux centrales hydro-électriques. Toutefois, Julien Rodrigues, secrétaire Général de la Mairie, dit : « Pour passer du niveau de la municipalité au niveau de la commune, chacun doit s’y mettre. » Ainsi, se lancer dans la réhabilitation de logements vacants permet de créer des habitations plus efficaces sur le plan énergétique. Cela fait également entrer l’ensemble du territoire dans une dynamique de sobriété de l’habitat tout en ayant des énergies renouvelables afin de recouvrir les consommations
Julien Rodrigues, secrétaire Général de la Mairie de Muttersholtz, a accepté de répondre à nos questions.

Sommaire:

– Mise en place du projet –

D’où vous est venue l’idée de cette initiative ? 
Sur les logements vacants, la première réflexion que nous avons eu a émergé lors des démarches sur le nouveau plan local d’urbanisme (PLU). Nous avons eu un état des lieux du logement dans notre commune. Nous nous sommes aperçus que nous avions 8 % de logements vacants sur le territoire. Ce n’est pas forcément plus qu’ailleurs, mais nous avons quand même décidé d’étudier la question. Parallèlement, nous avons été retenus en tant que territoire à énergie positive. Nous avons été sélectionnés en deux vagues. Dès la première, nous avons proposé une activité sur les logements vacants. C’est ainsi que notre initiative a pris forme. Dans notre PLU, notre objectif est de réduire l’étalement urbain. Comme nous avons des logements vacants, nous avons pu travailler concrètement à la mobilisation de ceux-ci. Autour de notre commune, il y a encore beaucoup d’anciennes granges, anciens ateliers, tabacs, etc. 
Pourquoi avez-vous décidé d’agir dans ce domaine ? 
L’objectif principal de notre PLU est d’éviter l’étalement urbain. De ce fait, nous ne créons aucune nouvelle surface ouverte à la construction. En même temps, nous sommes contraints par notre milieu naturel, car nous sommes dans une zone inondable. De plus, pour des raisons de consommation du foncier agricole ou de quantité urbaine, le maire est convaincu qu’il faut chercher à avoir une densification de qualité plutôt que de s’étaler. Particulièrement dans le cœur de notre village. Les logements vacants déjà présents ont souvent un caractère patrimonial. Nous devons en profiter.
À quels enjeux répondez-vous ?
Nous avons une vision très transversale des choses. Nous luttons contre l’étalement urbain, pour la densification de qualité dans les cœurs de village et la transition énergétique en même temps. Lutter contre l’étalement urbain, c’est agir contre la consommation de terres agricoles. La préservation des terres agricoles sont un enjeu crucial car cela touche à nombreux domaines comme la photosynthèse, le carbone, l’imperméabilisation ou l’artificialisation des sols. Ce sont des enjeux d’énergie-biodiversité. L’étalement urbain correspond lui à de nouveaux réseaux, et de la mobilité en voiture. Ce sont déjà des aspects très transversaux sous l’angle du changement climatique, de la biodiversité, de la réduction des consommations carbonées. Néanmoins, il est vrai que nous pouvons très bien travailler sur les logements vacants sans faire aucun changement énergétique. Ce n’est pas obligatoire. De notre côté, nous avons souhaité que les logements que nous sortons de la vacance puissent bénéficier d’un accompagnement pour avoir un changement énergétique. Par rapport aux autres enjeux, il y a aussi le fait que nous sommes un territoire attractif. Nous sommes à 20 minutes en train de Strasbourg, sauf que nous avons 85 % des logements qui sont occupés par leurs propriétaires. Cela veut dire, par soustraction, qu’il y a 15% des logements ouverts à la location. Nous avons un parc locatif assez faible. L’enjeu est de créer du logement locatif. Néanmoins, nous n’avons pas voulu nous arrêter à cette idée puisque le dispositif de l’action du projet territoire à énergie positive pour lequel nous avons été retenus, porte à la fois sur un dispositif de participation citoyenne et à la fois sur de l’aide aux travaux. Nous avons eu 65 000 euros pour cette action dont 30 000 euros consacrés dès le départ à réunir des propriétaires de logement vacants, des personnes cherchant des logements, ainsi que des gens intéressés par la problématique pour réfléchir à cette question et proposer des idées. Nous sommes une commune de 2 000 habitants et nous n’avons pas de service dédié à ces questions-là. Nous sommes partis du principe que nous ne voulions pas imposer des idées, mais nous voulions que des gens réfléchissent à ces problèmes et nous disent ce qui pouvait les aider. Nous avons repris pratiquement toutes leurs propositions pour monter notre dispositif. 
Quelles ont été les différentes étapes de mise en place ?
Nous avons commencé en 2016-2017. La première chose que nous avons faite est un tour du village avec des élus pour repérer ce que nous pouvions considérer comme logement ou bâti vacant. Ensuite nous les avons identifiés pour obtenir les adresses des propriétaires et nous leur avons envoyé un courrier pour les inviter au lancement du dispositif. Nous avons recensé à peu près 80 bâtis vacants. Le dispositif de concertation a commencé entre 6 et 8 mois avec deux groupes de travail qui ont réfléchi de manière très ouverte. Un groupe a souhaité cherché comment sortir un logement de la vacance et l’autre sur quelle densification de qualité pour le village. Ce deuxième point était même plus large et basé sur les aspects de déplacement, de services, d’urbanisme, etc. Ensuite, c’est passé en Conseil municipal, nous avons monté un dispositif. Il y a eu une période de préparation administrative, car le dispositif en tant que tel comporte plusieurs étapes. Les gens qui nous ont accompagnés viennent majoritairement de la maison de la nature. C’est un centre permanent d’initiative pour l’environnement (CPIE), qui a développé une compétence de développement de dispositif de concertation. Le centre a animé tout ce dispositif et a fait réfléchir les gens ensemble. Ils ont ensuite gardé un rôle dans le projet. Quand une personne vient avec une problématique de logement vacant, elle contacte la Maison de la Nature, qui les écoute, fait un tour du logement, et un diagnostic. Sur cette base-là, ils viennent proposer leur projet en comité d’expert. Ce dernier est le cœur de notre dispositif. Il rassemble l’architecte du village, un urbaniste, le Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE), un opérateur de l’Agence national de l’amélioration de l’habitat (ANAH), le département, et une notaire. Ce comité était une des principales demandes qui est sortie des conseils. L’objectif de ce comité d’expert est de faire un brainstorming, d’accompagner les gens et de voir ce qu’il est possible de faire. Si quelqu’un veut ouvrir un gîte, mais qu’il n’y a aucun espace vert, il n’y a pas de possibilité d’avoir des subventions. D’autres n’ont pas les moyens de faire quoi que ce soit avec le logement, donc ils décident de le vendre. C’est une somme de cas individuels. L’objectif de cette discussion collective est d’amener des gens à préciser leurs besoins, leurs envies, leurs possibilités, pour arriver à un scénario idéal. Ça, c’est la première étape. Ensuite, soit les gens ne donnent pas suite, et ça s’arrête là. Soit ils souhaitent poursuivre et nous les accompagnons. Aujourd’hui nous avons accompagné une quinzaine de cas avec le comité d’experts, dont 10 logements ont été créés. Pour la partie aide aux travaux, nous n’avons pas souhaité non plus réinventer un dispositif. Nous nous appuyons sur le dispositif existant, celui de l’ANAH entre autres, et nous venons compléter. S’il y a une sortie de vacance avec une rénovation énergétique, nous venons mettre de l’argent en plus sur les bases de l’ANAH. 

– Le projet aujourd’hui –

Quel rôle joue la mairie ? 
Si la personne décide de vendre, la mairie ne peut rien faire. Nous avons un cas où un gîte a été créé, mais nous n’avons pas d’aide particulière sur ce sujet-là. Toutefois, nous avons une prime pour la sortie de vacance, qui a été donné au propriétaire. Ce qui est concomitant, c’est que nous avons installé une taxe sur le logement vacant. Nous l’avons installé quand nous avons lancé le projet. Il y a donc quelques personnes qui sont venues nous voir car elles avaient découvert la taxe. Cela permet d’avoir un retour. Quelqu’un qui n’est pas du tout aidé peut quand même avoir une prime de sortie de vacance de 1 000 euros s’il sort son logement de la vacance. Par contre nous pouvons agir que sur deux cas, d’après les conditions de l’ANAH : si ce sont des propriétaires occupants ou si ce sont des propriétaires bailleurs. Ce sont 80 % des cas que nous suivons. Ce sont des gens qui vont acheter un logement pour habiter dedans ou des gens qui vont acheter pour créer des logements locatifs conventionnés. Nous venons aider les travaux sur la base des critères de l’ANAH : nous venons mettre 10 % en 20 % en plus. 
Quels sont les impacts que vous mesurez ?
Les logements qui étaient abandonnés deviennent occupés, vivants et agréables à voir dans l’espace public. Nous voyons des gens qui trouvent des logements, des propriétaires qui sortent avec une épine en moins dans le pied. Ensuite, c’est une dynamique de rénovation énergétique.

– Dupliquer le projet –

Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
Il y a des difficultés liées à chaque cas. Nous aurions eu plus de difficultés si nous avions eu cette idée dans le vide et que nous avions pas eu de source de financement. Nous avons eu la chance d’avoir des gens emballés par notre projet expérimental et qui ont décidé de lui donner une chance. Ce projet est un projet de transition énergétique, mais nous le faisons indirectement. Les difficultés viennent majoritairement des gens. Parfois, certains ont des idées mais n’ont pas les moyens de les réaliser. D’autres fois, le logement appartient à 4 ou 5 frères et sœurs qui ne se mettent pas d’accord. Quand nous avons des difficultés de ce genre, nous recevons les gens et nous leur proposons des idées. Toutefois, la décision leur revient donc nous ne pouvons rien forcer.
Combien vous a coûté cette initiative ?
L’action logement vacant a coûté 65 000 euros dont 80 % pris en charge par le dispositif Territoire à énergie positive. Aujourd’hui, nous réalisons que sur les soutiens au travaux, nous risquons d’aller au-delà de ces 65 000 euros. Nous touchons environ 5 000 euros avec les taxes sur les logements vacants donc cela nous sert d’auto-financement. La mairie dépense 13 000 euros, ce qui est l’équivalent de trois années de taxes des logements vacants. Trois ans est la duré de l’action. 
 Quels conseils donneriez-vous à un ou une élue qui voudrait se lancer dans un projet similaire ?
Je ne sais pas si notre dispositif fonctionne sans concertation des citoyens, sans la première étape que nous avons mis en place pour réunir les différents acteurs concernés. Nous, ce qui nous a permis de démarrer très fort, était la concertation des citoyens. Nous avons passé un an dessus, mais quand nous avons lancé le dispositif, nous avons eu un fort succès. Nous n’avons pas eu besoin de communiquer pour aller chercher des gens. Dans tous les cas, la réflexion est intéressante. 
Propos recueillis par Claire Plouy