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L’Union (31) : Un territoire d’expérimentation pour le maintien à domicile des séniors

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose de découvrir le bouquet d’initiatives mis en place par la mairie de L’Union pour favoriser le maintien à domicile de ses séniors. La commune a joué un rôle de facilitateur sur son territoire auprès d’associations afin de réussir à proposer aux personnes âgées de pouvoir partir en vacances, faire du sport, se déplacer sur la commune ou encore recevoir de la visite pour créer du lien social. Dernièrement l’équipe municipale a même collaboré avec deux start-up afin de tester une solution de capteurs infrarouges qui détectent les anomalies dans un logement.

Territoires Audacieux a rencontré Yvan Navarro, le premier adjoint au maire de L’Union et Isabelle Godéas, adjointe en charge de la solidarité et de l’action sociale.

– Introduction –

Les interviews d’Yvan Navarro et d’Isabelle Godéas sont disponibles au format vidéo ou texte pour chaque question.

– Mise en place du projet –

Pourquoi avez-vous décidé de développer des initiatives dédiées aux personnes âgées ?

Des statisticiens de l’INSEE sont venus sur notre commune pour une étude en début de mandat. Ils étaient très surpris : nous avons la même pyramide démographique que dans la Creuse ou la Corrèze. C’est un déséquilibre. Nous avons environ un pourcentage deux fois plus élevé de personnes âgées dans notre ville que sur les autres communes périphériques de Toulouse. C’est dû au fait que sur L’Union, il y a eu très peu de renouvellement en terme urbanistique. Il y a eu une forte densification pavillonnaire dans les années 50/60/70. Finalement, nous avons beaucoup de couples qui étaient relativement jeunes à cette époque et qui ont construit leur maison. Aujourd’hui, ils ont entre 80 et 90 ans et sont toujours là. Nous avons donc une forte proportion de nos habitants qui est assez âgée.

Dans ce cas en tant que collectivité on se demande ce que l’on peut faire ?

Lorsque nous avons fait campagne lors des dernières municipales, nous nous sommes rendus compte lors d’une série de porte-à-porte que nous rencontrions beaucoup de personnes seules. Elles étaient en situation de fragilité et de perte d’autonomie. Elles étaient véritablement en difficulté. Le vieillissement est un problème national. Nous venons d’adopter une loi en France d’adaptation de la société au vieillissement de la population. Mais dans notre commune, c’est un problème qui est encore plus accru.

Qu’avez-vous essayé de mettre en place ?

Nous avons essayé d’agir de tous les côtés. Il y a plusieurs dimensions différentes dans les enjeux liés au vieillissement. Il y a les soucis de déplacements ou d’habitat. Sur cette deuxième partie, les personnes âgées vivent souvent dans un appartement surdimensionné mais elles ne veulent pas changer car l’affectif entre dans leur choix. Il traduit l’histoire de la famille. Mais ce logement est rarement adapté. Il faut donc arriver à les convaincre dans le cadre d’un schéma de parcours résidentiel. Mais pour cela il faut que l’offre existe sur la commune. Nous avons essayé de travailler dans ce sens en orientant tous les nouveaux logements vers des bâtiments qui soient adaptés aux personnes âgées.

Pour avancer, vous avez collaboré avec des associations et des start-up ?

La volonté majeure des personnes âgées, c’est de reste le plus tard possible chez elles. Un des axes forts d’une politique à leur destination doit donc être la recherche du maintien à domicile. Il faut que les personnes puissent rester en forme et qu’il y ait un réseau autour d’elle. Cela peut être de l’associatif, du voisinage ou de la famille. L’idée est de savoir si cela se passe bien pour la personne âgée. Dans ce cadre-là, il y a l’humain mais nous avons pensé que les nouvelles technologies pouvaient avoir leur part. Nous avons donc travaillé avec deux start-up innovantes qui proposent un système permettant d’avoir une vision de l’activité d’une personne chez elle. Nous voulons faire de la prévention et ce système peut détecter des chutes. La région et la métropole de Toulouse nous ont accompagnés dans ce test.

C’est la puissance des collectivités, elles peuvent aller piocher les bonnes idées là où elles se trouvent…

Exactement. Parfois, il faut aussi pousser petit peu et prendre l’initiative en espérant être rejoint un peu plus tard. Il y a des projets qui existent un peu partout. Par exemple, pour favoriser le lien social, nous avons mis en place via l’ANCF (Association Nationale des Chèques Vacances) un projet qui s’appelle Séniors en vacances. Il y a deux voyages proposés chaque année aux personnes âgées. Cela a eu énormément de succès et permis de créer des groupes de personnes qui se rencontrent. Pour certains qui n’en avaient pas l’occasion, c’est le moment de partir une fois dans l’année. Nous avons aussi cherché à réorganiser le réseau de bus pour que dans certains quartiers les personnes âgées puissent relier plus facilement le centre de la ville. Avec le Conseil départemental, nous avons également développé des activités pour maintenir les séniors en forme. Cela peut-être des ateliers mémoires ou d’autres sur la perte d’équilibre. Il faut à la fois créer du lien social, rompre l’isolement et faire en sorte que les personnes soient en capacité de rester chez elle. Ce que nous voulons retarder le plus possible, c’est le passage en maison de retraite.

– Le projet aujourd’hui –

Comment créer au quotidien ce lien social avec les personnes âgées ?

Pour beaucoup d’entre-elles, ce lien social est beaucoup plus vif et vivant que l’on l’imagine. Il y a de nombreuses personnes âgées qui sont dynamiques et inscrites dans le domaine de l’associatif par exemple. La difficulté vient pour d’autres personnes. Cela peut-être causé par une diminution physique ou un tempérament différent. Elles sont dans l’isolement et il y en a malheureusement aussi beaucoup. Ce sont des situations qui peuvent dégénérer vers des pathologies. Dans le cadre d’une commission citoyenne, avec le Conseil municipal, nous avons mis en place des visites chez des personnes isolées. L’idée est simple : passer une fois par semaine chez elle pour prendre le thé ou juste discuter. Nous avons réussi à créer de véritables amitiés.

Comment s’est déroulé le test avec les deux start-up ?

C’était un petit peu compliqué. Il y a une forme de réticence des personnes âgées vis-à-vis des nouvelles technologies. Certaines peuvent être considérées comme intrusives. C’est un effet un peu big brother quand vous dîtes à certaines personnes : on va vous installer des capteurs chez vous. Ils demandent s’ils vont être surveillés et ils ont raison. Chacun a sa sphère privée, y compris chez les personnes âgées. Nous avons donc dû les rassurer en leur expliquant que cette technologie n’était pas intrusive. Ce ne sont pas des caméras mais des capteurs infrarouges. Ils détectent une présence ou une absence. Ces systèmes sont innovants car ils enregistrent les habitudes de vie pendant quelques semaines puis ils signalent les anomalies. Si une personne va faire la sieste chaque jour et qu’elle quitte la pièce de vie pendant deux heures, le jour où cela ne se produit pas un logiciel va envoyer un signal à la personne puis à la famille si elle ne répond pas.

Comment ces start-up ont-elles collaboré avec vous ?

Nous avons la chance d’avoir un maire qui travaille dans l’aérospatial et les nouvelles technologies. Il y a cette idée d’utiliser ces outils pour agir. Ce n’est pas miraculeux. La véritable solution en terme d’accompagnement et d’actions sociales, c’est la présence humaine. Là nous sommes face à quelque chose qui vient en plus pour rassurer notamment les familles. Mais, comme le dit votre média, ce sont des petites actions qui misent bout à bout pour proposer un bouquet de services qui permettent d’aider les personnes âgées.

Ce test est terminé, avez-vous fait le bilan ?

Effectivement il est terminé et il a été validé. Les expérimentations ont été positives. Les sociétés ont levé des fonds et sont en développement. Sur L’Union, nous avons voulu continuer à les accompagner. Notre CCAS a donc passé des conventions afin de faire en sorte que les personnes isolées qui avaient été volontaires pour expérimenter la solution puissent continuer à en bénéficier à des tarifs avantageux pour elles. Nous participons à l’abonnement mensuel en fonction des revenus de la personne.

Comment se déroule l’initiative Plus jamais seul ?

L’initiative a été prise en charge par des bénévoles dans une commission citoyenne. Ils se sont portés volontaires pour rendre visite à des personnes âgées isolées. Ils y vont à deux avec une fréquence d’une visite par semaine. Ces visites régulières permettent aux personnes âgées de maintenir le lien. Pour certaines, il s’agit d’une heure passée à discuter. Pour d’autres, cela peut être une promenade. Cette initiative marche très bien. À chaque fois, c’est un moment privilégié entre la personne isolée et les bénévoles.

L’idée, c’est que la personne âgée se sentent moins seule ?

Tout à fait, la personne âgée se sent moins seule. Pour nous le CCAS, c’est l’occasion d’avoir des retours. Les personnes peuvent être isolées mais avoir aussi d’autres besoins qui ne sont pas forcément exprimés. Les bénévoles sont à même de nous faire remonter les difficultés. Nous sommes également en contact avec les familles. C’est rassurant pour tout le monde.

En quoi leur proposer de se déplacer facilement sur la commune est-il important ?

C’est effectivement le service rendu par l’association la Main tendue. Elle propose aux personnes qui ne peuvent plus être véhiculée de pouvoir l’être sur la commune. Cela peut être pour aller chez le médecin ou faire les courses. Mais c’est aussi par moment pour une sortie. Cela fonctionne avec un abonnement à prix minime qui leur permet de bénéficier d’un trajet par jour. Ainsi les séniors peuvent rester autonomes et être tournées vers l’extérieur. Elles peuvent faire elles même leurs démarches, leurs sorties...

Comment fonctionnez-vous avec cette association ?

Cette association est constituée de 57 bénévoles qui sont présents à tour de rôle. Ils vont chercher les personnes âgées directement chez elles et ont un numéro unique pour les joindre. Actuellement, il y a deux véhicules qui ont été financés par la mairie et nous supportons leur fonctionnement. Les rotations sont elles uniquement gérées par les bénévoles. Il y a également une aide tout autour du transport pour porter les courses jusqu’au domicile de la personne par exemple. Ce n’est pas que du transport, c’est un lien, un contact et une aide.

Vous vous êtes également engagés sur le dispositif national Sport sur Ordonnance

Oui c’est un dispositif national qui permet à des personnes atteintes de pathologies déclarées de reprendre une activité physique et sportive. C’est une prescription réalisée par leur médecin traitant pour les orienter vers un certain type de sport. Ils sont vus par un éducateur sportif qui évalue leur capacité physique. Nous, au niveau de la commune, nous avons décidé de prendre en charge leur inscription en première année. Cela concerne des personnes qui soufrent de pathologie au milieu desquelles nous avons des personnes âgées.

Le CCAS fait-il figure de plaque tournante de toutes ces activités ?

Oui. Si on prend l’exemple de Sport sur ordonnance, nous avons pris en charge au niveau du CCAS la formation des médecins mais aussi des éducateurs sportifs. Nous prenons en charge les adhésions via des associations partenaires. Nous avons un éducateur sportif qui intervient pour faire l’interface entre les différents acteurs. Par rapport à Plus jamais seul,c’est aussi le CCAS qui gère les plannings de façon à le pourvoir lorsqu’un bénévole s’absente ou qu’une personne âgée est hospitalisée.

L’objectif final de ce bouquet, c’est de maintenir les séniors à domicile le plus longtemps possibles ?

L’idée, c’est quand même le bien vieillir et le lien social. C’est important. Une personne qui est dans ses meubles et ses repères, nous savons qu’elle va se maintenir plus longtemps. C’est difficile pour une personne, à un moment donné, de casser ses habitudes. Elle va se sentir vieillir et se voir perdre en autonomie. Toutes ces petites choses que nous pouvons initier entre les visites, les transports et les activités, si cela peut leur permettre de se sentir mieux et de se maintenir en bonne santé, alors c’est un objectif que nous souhaitons atteindre.

– Dupliquer le projet  –

Avez-vous mesuré l’impact des différentes actions mises en place ?

C’est difficile à évaluer mais c’est un objectif. Nous voulons également travailler sur le recensement. Savoir quels sont les besoins ? Les personnes qui bénéficient des services ne sont pas toujours celles qui en ont le plus besoin. Je vous ai parlé tout à l’heure des activités physiques. Ce sont souvent les séniors les plus dynamiques qui en profitent. Ils lisent le bulletin communal et sont tout de suite volontaires pour participer. Nous recensons donc actuellement les personnes en difficulté. C’est un recensement porté par la métropole de Toulouse. Il y a des questions précises pour identifier les difficultés réelles afin de mieux orienter notre bouquet de solutions vers elles. Nous envoyons donc un courrier à tous nos habitants âgés de plus de 75ans et nous avons un taux de retour assez important.

Quels retours avez-vous de la population sur votre bouquet de services ?

Nous avons des retours très positifs. Par exemple pour Séniors en vacances, nous avons eu des personnes qui nous ont dits : « cela nous a enfin permis de partir en vacances et de renouer des amitiés. » Sur tous les champs d’action, les habitants reviennent vers nous pour connaître les prochaines dates. Cela répond à un vrai besoin.

Pour quel type de territoire, vos solutions sont-elles conçues ?

C’est difficile de répondre. Je crois que nos solutions ne dépendent pas de l’ampleur d’un territoire mais plutôt de son urbanisme. Il y a une initiative modèle et remarquable qui a été mise en place par la précédente municipalité qui s’appelle La Main tendue. C’est une association qui lutte contre l’étalement de notre commune et les problèmes de déplacement. Elle a un principe très simple, des bénévoles se mettent à disposition des personnes âgées pour les transporter gratuitement en fonction de leurs demandes. Que ce soit pour aller faire les courses ou se rendre chez le médecin. La commune participe autant qu’elle le peut à cette association. C’est-à-dire que nous avons acheté le véhicule et payons l’essence. Il faut tirer un vrai coup de chapeau aux bénévoles qui ont su tisser un véritable réseau.

Quel est le coût de toutes ces activités pour la commune ?

Sur le coût de ces différentes mesures pour nous, il n’est pas très important. Si on prend l’idée de la réorientation de la production immobilière. Il faut surtout prendre le temps de discuter, négocier et convaincre les porteurs de projets et les bailleurs sociaux vers ce type de solution. C’est de l’énergie mais ce n’est pas de l’argent. Sauf exception car par moment la commune s’engage directement. C’est le cas avec la Halte Répit Alzheimer ou l’action Séniors en vacances. Mais ce n’est pas grand chose par rapport au budget d’une municipalité. Il faut surtout trouver les partenaires, les institutions et les collectivités qui ont des programmes en direction des personnes âgées. Ce n’est pas toujours facile mais il faut réussir à faire vivre l’action bénévole. Pour la Main tendue quand nous finançons les véhicules et l’essence, cela peut paraître beaucoup mais à notre échelle ce n’est pas énorme. Nous mettons aussi à la disposition des associations des locaux. Il nous est arrivé de financer des goûters ou des jeux. Encore une fois par rapport aux services rendus aux personnes, c’est une action publique extrêmement efficace.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne