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Gratentour (31) : Un café municipal pour créer du lien et dynamiser un territoire

Cette semaine, la lettre de l’impact positif s’intéresse à une initiative mise en place uniquement sur deux territoires en France: le café municipal. La mairie de Gratentour (31) a décidé de prendre le relais du secteur privé, en proposant à ses habitants un lieu, géré par une employée municipale. Son but ? Créer du lien et éviter de devenir une commune dortoir. Pour dynamiser son offre culturelle, le maire a également installé une médiathèque à l’étage du café.

Territoires Audacieux a rencontré à Patrick Delpech, le maire de Gratentour.

– Introduction –

L’interview de Patrick Delpech est disponible au format vidéo ou texte pour chaque question.

– Mise en place du projet –

Comment cette idée est-elle venue ?

Nous avions plusieurs objectifs. Le premier : respecter une promesse de campagne. Nous avions pris cet engagement fort lors des dernières élections avec mon équipe. Le deuxième, c’était de poursuivre une politique ambitieuse d’investissements sur la commune. En 2015, nous avons refait l’école. En 2016, nous avons créé une salle de sport. Cette année, nous avons également ouvert la médiathèque située à l’étage. Nous allons aussi engager des travaux sur la salle des fêtes. Nous avons voulu maintenir cette politique ambitieuse. Enfin, le troisième objectif est le plus important. C’est celui de créer du lien social sur la commune. Nous étions partis du postulat que les centre-bourgs se désertifient et perdent de leur vitalité ainsi que leur âme. Il nous a semblé que nous pouvions prendre nos responsabilités. C’est la puissance publique qui a remplacé les carences du privé puisqu’il n’y avait pas de café à Gratentour. Le café municipal était la structure adéquate pour impulser une dynamique et faire en sorte que les gens se parlent. C’est important à l’heure actuelle. Pour nous, ce n’est pas une fatalité que les communes périphériques deviennent des communes dortoirs. Il faut lutter pour cela.

Pourquoi en avoir fait une promesse de campagne ?

Nous nous sommes aperçus qu’il y avait un peu de repli sur soit dans notre commune. C’est le cas un peu partout en métropole. Il y a des gens qui ne se connaissaient pas et qui n’avaient pas de lieu de vie pour se rencontrer et s’exprimer. Le café, au-delà de trinquer, propose aussi des activités. Je crois que c’est une structure qui permet aux gens de communiquer entre eux et c’est le but que nous recherchions.

Pourquoi y avait-il une carence du secteur privé sur votre territoire ?

Je ne sais pas trop. Il y avait un café auparavant mais il a disparu. C’est la problématique générale des petits commerces. Au-delà de l’action que nous menons sur le café et la médiathèque, nous essayons d’avoir le même type de politique pour les petits commerces. Il faut développer le centre-bourg avec des commerces de proximité. La tendance de construire en périphérie des grandes villes des grandes structures ou hyper-marchés va s’accentuer. Les centre-bourgs s’appauvrissent et nous voudrions essayer d’implanter des nouveaux commerces de proximité notamment à destination des seniors. Sur place, ils doivent avoir de quoi répondre à tous leurs besoins.

Quel est le concept du café municipal ?

Il faut s’interroger sur « pourquoi municipal ? ». Nous avions plusieurs possibilités. Nous pouvions mettre la structure en gérance ou en régie. Dans le premier cas, nous perdions la gestion et de la maitrise. En choisissant la deuxième option, nous avons décidé de monter un café 100% municipal. Nous gardons ainsi le patrimoine qui est municipal, le personnel qui l’est également et même les activités mises en place sont municipales. Nous gérons tout. Nous avons sur ce dernier point monté un groupe d’élus qui se sont investis dedans. Ils programment les activités. Cela peut aussi bien être des moments gastronomiques que culturels. Nous avons fait des « vin blanc/huitre » ou pour la Saint Valentin des « champagnes/crêpes ». Mais nous organisons aussi des évènements culturels. Un auteur est venu présenter son livre. Des scientifiques ont eu l’occasion d’expliquer la vie des baleines à des enfants. Enfin il y a eu des moments de musique appelés les « pauses musicales ». Il y en a toutes les trois semaines et c’est un grand succès. Certains nous ont même dit que les locaux étaient trop petits ! Toutes ces activités font partie intégrante de la gestion municipale. Il n’y a que deux cafés en France qui fonctionnent comme cela.

Comment s’est déroulée la mise en place du projet ?

Il y a d’abord eu un partage de l’objectif de fonctionnement de la structure. Nous avons commencé par définir l’objectif du café et ses horaires. Tout cela impacte le coût du projet. Il y a de l’investissement au départ mais il y a également le fonctionnement avec le personnel. Au-delà de l’idée, il y a quand même le fonctionnement que nous avons dû prendre le temps de définir. Au niveau du personnel, nous avons une seule personne pour gérer le café mais en fonction du développement nous aimerions en prendre une deuxième. Actuellement, nous ne pouvons pas modifier les horaires car nous sommes au maximum de ce qui peut se faire avec une seule personne. Nous sommes ouverts du mercredi au samedi. Certains administrés nous disent que c’est insuffisant mais pour l’instant il faut commencer comme cela. Par rapport au privé, nous avons un seul objectif : couvrir les salaires. Si nous atteignons l’objectif, nous pourrons avancer petit à petit. Il ne faut pas oublier que nous avons commencé il y a uniquement quatre mois.

– Le projet aujourd’hui –

Comment fonctionnez-vous au quotidien ?

Il y a une personne qui gère le café. C’est une employée municipale et nous l’avons embauchée dans ce but-là. Elle gère le service et le fonctionnement. Il y a en plus un comité d’exploitation avec des élus et des commissions. Ces dernières gèrent les activités, la communication etc. Les dossiers et les décisions sont ensuite soumis au Conseil municipal.

Qui participe à ces commissions ?

Ce sont des élus. C’est le même principe qui est appliqué dans d’autres communes. Dans chaque secteur, il y a des commissions dîtes scolaire ou culture… Nos élus s’investissent dans le café pour réfléchir à son avenir. Ils font des propositions au conseil d’exploitation pour avancer.

Quelles sont les activités proposées aux habitants ?

C’est assez diversifié. Il y a même des petits repas qui sont proposés certains jours. Il y a des tapas, des croque-monsieurs ou de la charcuterie. Cela permet d’attirer beaucoup de personnes. Les activités sont traditionnelles. Cela va du café philosophique à la soirée musicale en passant par la diffusion des matchs de rugby. Mais nos élus ont encore de nombreuses idées, nous n’avons pas encore vu le bout. Nous sommes dans le développement de cette partie.

L’idée est de proposer un maximum d’activité et de grandir ?

Oui mais nous ne serons jamais un grand café. Nous sommes dans un concept minimaliste. Nous restons une petite structure volontairement afin que les gens se rencontrent. C’est notre concept avec la médiathèque, nous misons uniquement sur la proximité.

Qu’apporte en plus la médiathèque ?

C’était une idée dès le départ. Nous voulions ce concept de café en bas et médiathèque en haut. Pour cette partie, nous avons été aidés par le conseil départemental du 31. Nous venons tout juste de l’ouvrir et il y a déjà pas mal d’inscriptions. Nous tenions impérativement à ce qu’elle soit accessible à tous. En Conseil municipal, nous avons donc décidé de mettre une gratuité totale pour les enfants et un prix minimaliste de dix euros à l’année pour les adultes. Les premières journées sont très encourageantes.

Quels retours avez-vous des habitants ?

C’est un excellent retour. Ce n’est pas encore toute la population. Nous nous sommes rendus compte qu’il y a encore un déficit de population. Nous distribuons les flyers ou nous en parlons dans le bulletin municipal. Mais tout le monde ne les lit pas. Il faut que le bouche à oreille se mette en place. Nous pourrons alors avoir plus d’avis de la part de nos administrés…

Mais est-ce que ce lien se crée ?

Oui le lien se crée. La période n’est pas encore très propice avec l’hiver. Mais aujourd’hui par exemple, la terrasse est ouverte donc cela va devenir encore plus intéressant. Au fur et à mesure que nous avançons la communication avance. Notre concept n’a que quatre mois. Il est encore un peu tôt pour tirer un premier bilan mais les débuts sont très encourageants.

– Dupliquer le projet  –

À quels types de territoires, le café municipal peut-il s’adapter ?

Je pense qu’en premier, il peut correspondre à des cités périphériques. Nous parlions tout à l’heure de cités dortoirs, effectivement il m’arrive de discuter avec d’autres maires qui craignent cette désaffection des centre-bourgs. C’est un bon outil pour tous ces territoires. Cela peut aussi être efficace en campagne. Depuis que cela a été implanté chez nous, cela a été bénéfique pour la vie du village.

Quel impact a votre projet ?

L’impact, ce sont tous ces gens qui avaient l’habitude de rester chez eux et qui sortent. Nous luttons contre le repli sur soit. Je discutais avec certaines personnes. Elles me disaient que, grâce au café, elles savent qu’elles ont un lieu qui les attend. C’est un impact social. Nous avons recréé ce lien social qui manquait.

Combien l’installation du café municipal vous a-t-elle coûté ?

Entre la structure du café et la médiathèque, il faut compter 300 000 euros. Cela correspond au frais de rénovation. Nous sommes ici dans un bâtiment qui était l’ancienne mairie. Il a fallu totalement la réhabiliter. Mais c’était un élément important du patrimoine gratentourois. De toutes façons, nous devions le rénover. Il faut rajouter l’aménagement d’une cuisine. Je crois que c’est un investissement qui portera ses fruits.

Sur le fonctionnement cela va vous coûter combien ?

L’objectif, c’est de proposer une offre complète et qui s’auto-finance. C’est-à-dire que le café soit ouvert en permanence. Nous n’avons pas encore suffisamment de visibilité pour embaucher une deuxième personne. Par exemple, certains administrés nous reprochaient de ne pas ouvrir le matin. Donc nous allons nous adapter et ouvrir désormais. Le café va évoluer en fonction de nos commissions mais surtout des demandes des administrés. Notre gestion municipale va nous permettre de nous adapter au mieux.

Avez-vous certaines personnes qui sont venues vous dire que ce n’était pas le rôle d’une mairie d’ouvrir un café ?

Personne n’est venu me le dire mais certaines personnes ont dû le penser. C’est pour ça qu’il faut vraiment que ce soit une opération blanche. Il y aura toujours quelqu’un pour dire qu’il n’en a pas besoin. Il faut pouvoir leur répondre qu’il ne coûte rien. Après, on ne peut rien faire contre des réactions égoïstes. Tout le monde n’a pas d’enfants et pourtant la commune finance bien des écoles. Nous devons nous adresser à toutes les catégories de personnes et ce café est une réponse pour apporter le lien social que nous voulions apporter.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne