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Le CESEL, un conseil citoyen innovant qui propose l’examen de délibérations au Conseil municipal

Cette semaine, la lettre de l’impact positif s’intéresse à une initiative de la ville de Pessac, en Gironde. La mairie a été la première en France à mettre en place un groupe de participation citoyenne qui a la possibilité de faire des propositions au Conseil municipal. Le CESEL, dont les membres sont tirés au sorts parmi les habitants volontaires, est une véritable réponse donnée aux citoyens qui souhaitent s’engager dans la vie de leur territoire. Et les résultats sont visibles. À ce jour, cinq propositions de délibérations ont été débattues et votées à l’unanimité du Conseil municipal.
Franck Raynal, le maire de la ville de Pessac a répondu à nos questions.
Sommaire:

– Mise en place du projet –

– Pourquoi avoir voulu travailler autour de la participation citoyenne ?
Les habitants disposent d’une véritable « expertise d’usage » du territoire dans lequel ils vivent. Il était essentiel pour nous de travailler à des outils leur permettant d’exprimer leurs besoins sur des aspects concrets de leur vie quotidienne et de faire émerger des priorités nouvelles et des solutions.
– Qu’est-ce que le CESEL ?
Le Conseil Économique, Social et Environnemental Local est une instance de participation citoyenne créée par notre municipalité de Pessac en 2015. Il est composé de citoyens volontaires. Il a pour mission de proposer des idées et des actions dans le domaine du développement durable sur la ville mais peut également émettre des avis et des propositions dans les domaines d’actions de la ville.
– Qu’a-t-il d’original par rapport aux différents conseils citoyens qui existent un peu partout en France ? 
Les conseils citoyens ont été mis en place par l’Etat dans le cadre de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. C’est un dispositif réservé aux quartiers prioritaires afin de favoriser les initiatives citoyennes et d’associer les habitants à l’élaboration des contrats de ville… À Pessac, nous en avons trois. Le CESEL, quant à lui, est à destination de tous les Pessacais indépendamment de leur lieu d’habitation. Il dispose d’un droit d’initiative pour proposer au Maire l’examen de délibérations par le Conseil municipal. Un droit dont ne disposent pas les Conseils Citoyens.
– Qu’attendez-vous d’un conseil comme celui-là ?
Qu’il soit force de propositions et d’initiatives. Le CESEL est aussi chargé de recueillir les avis et témoignages des acteurs et citoyens. À ce titre, j’attends des membres du CESEL qu’ils soient un relais de l’expression citoyenne et contribuent ainsi à orienter les décisions municipales en ayant un rôle de conseil.
– Comment l’idée vous est-elle venue ?
Donner davantage la parole aux citoyens était un engagement de campagne auxquels nous étions particulièrement attachés. Dès notre arrivée à la mairie, nous avons donc travaillé aux outils susceptibles d’y contribuer. Jusqu’en 2014, il existait à Pessac un conseil de développement durable mais dont le rôle se situait au niveau de la réflexion et de l’analyse. Nous souhaitions aller plus loin dans la démarche participative en permettant aux citoyens, de soumettre de vrais projets de délibérations au conseil municipal.
– Quelles ont été les différentes étapes de mise en place de l’initiative ?
Tout d’abord, de la prospective menée par le service chargé de la mission Agenda 21 afin de rechercher les outils de participation citoyenne existants. Puis nous réalisé la proposition de l’outil avec la réalisation d’un règlement de participation permettant à chacun de connaître les missions du CESEL, les modalités de sa composition et de désignation, les modalités de candidature et les moyens mis à sa disposition. Enfin, nous avons voté le projet en conseil municipal puis lancé un appel à candidature avant de réaliser le premier tirage au sort.
– Comment sont choisis les citoyens qui participent ? Et comment sont-ils renouvelés ?
À l’exception du Président, de la méthode de travail et de la cohésion du groupe, tous les membres sont tirés au sort parmi des volontaires ayant déposé leur candidature. Tous les Pessacais (résidents, habitants, étudiants ou exerçant leur profession à Pessac) peuvent se présenter. Les seuls critères étant d’être âgé d’au moins 16 ans et de ne pas avoir exercé de mandat électoral. Ils sont nommés pour deux ans et renouvelés partiellement à chaque fin de mandat. Le prochain renouvellement aura lieu au printemps 2019.
– Quels sont les profils de ceux qui participent ?
Il n’y a pas de profils types. Afin de garantir la représentativité des membres et donc, la diversité des profils, les membres sont désignés sur la base d’un échantillon représentatif des classes d’âge de Pessac issu du profil INSEE 2011, soit 4 tranches d’âge avec la distinction hommes/femmes pour veiller à la parité dans chaque tranche :
· 16 à 29 ans : représentant 29 % de la population pessacaise de plus de 15 ans, il est proposé de leur réserver 29 % des sièges, soit 12 sièges.
· 30 à 44 ans : 21 % de la population, soit 8 sièges.
· 45 à 59 ans : 24 % de la population, soit 9 sièges.
· Plus de 60 ans : 26 % de la population, soit 11 sièges.

– Le projet aujourd’hui –

– Concrètement comment fonctionne le CESEL ?
Le CESEL se réunit dans un premier temps, dans des groupes de travail sur des thématiques ayant trait aux compétences de la ville. Puis, lors de plénière au cours desquels les groupes de travail présentent le résultat de leurs réflexions, leurs propositions et, dans certains cas, proposent de soumettre leur proposition au Conseil municipal.
– Pourquoi avoir insisté sur le fait que le CESEL puisse bénéficier d’un droit d’initiative afin de proposer au conseil municipal des délibérations ?
Le conseil de développement durable précédemment existant était un organe de réflexion alors que le CESEL a une portée opérationnelle. Nous voulions aller jusqu’au bout de la démarche en renforçant la place du citoyen dans la vie municipale notamment par sa capacité d’initiative
– Depuis la mise en place depuis 2015, quelles ont été les actions menées par le CESEL ?
Elles sont diverses. Je suis très heureux de voir l’émergence d’idées et le nombre d’actions menées depuis la création de cet organe participatif.
–  En 2016, le CESEL a lancé une expérimentation de collecte et compostage des déchets alimentaires dans deux écoles de la ville. Au vu du succès rencontré, la ville a décidé d’élargir l’expérimentation à toutes les écoles de la ville.
– Organisation d’un Appel à projets « Pessac Durable » pour le soutien financier et technique de projets portés par les habitants ou associations en faveur de la transition écologique
– Faciliter la recherche d’informations des citoyens sur les services publics et collectifs de la Ville notamment dans le cadre de la refonte du site internet où le CESEL a été force de proposition. Le nouveau site est opérationnel depuis janvier 2019.
Le 12 février dernier, le conseil municipal a voté trois délibérations du CESEL :
Dispositif d’aide à l’hébergement intergénérationnel solidaire sur Pessac
Recommandations pour simplifier les indicateurs de suivi du Rapport Annuel Développement Durable afin d’en faciliter la lisibilité
Préconisation pour lutter contre les îlots de chaleur dans les écoles de la commune.
Il y a donc eu cinq propositions de délibérations depuis 2015, toutes débattues et votées à l’unanimité du Conseil municipal.
– L’émergence d’une participation citoyenne revient régulièrement dans les débats de ces dernières semaines, comment pensez-vous que les élus locaux puissent mieux intégrer les citoyens dans leurs décisions?
Les outils sont nombreux, les possibilités multiples. C’est un choix qui nécessite du temps et de la réflexion. À Pessac, nous avons fait le pari de créer des outils variés afin de permettre au plus grand nombre de participer. Outre le CESEL, nous avons mis en place un budget participatif qui permet aux citoyens de soumettre au vote des habitants des projets proposés par les citoyens pour améliorer leur cadre de vie. En fonction des projets retenus, la ville dispose d’un budget dédié pour la réalisation du ou des projets. En matière d’urbanisme, nous avons créé une commission des avants-projets (CMAP) pour tous les immeubles de plus de 10 logements qui réunit le Maire, l’adjoint à l’urbanisme, des représentations de la Fédération des Syndicats de Quartier de la ville, un architecte conseil et les services municipaux et métropolitains compétents. Au cours de cette commission, les projets font l’objet d’une présentation par le promoteur et la Fédération des syndicats de quartier émet des avis et remarques. En aval de cette commission, nous organisons des réunions de concertation dès lors que le projet concerne un logement collectif de plus de 10 logements à laquelle sont conviés les riverains concernés et au cours de laquelle ses derniers peuvent faire part de leurs réserves-remarques aux promoteurs.
– Y-a t-il des dangers à une trop grande participation citoyenne dans le fonctionnement quotidien d’une collectivité publique ? (Car après tout l’élu représente déjà les citoyens…)
Si l’élu représente les citoyens, la consultation une fois tous les six ans, lors des élections municipales n’est pas suffisante. L’avenir d’une ville se construit chaque jour et les citoyens, en tant qu’usagers doivent pouvoir s’exprimer pour faire état de leurs demandes et de leurs besoins. On ne peut pas faire de référendum permanent mais il est possible et tellement souhaitable d’associer le plus souvent possible les citoyens aux élus et techniciens municipaux.

– Dupliquer le projet  –

– Quels retours vous font les participants ?
Ils sont très positifs. Les citoyens apprécient de pouvoir exprimer leur avis et d’obtenir une réponse à leurs demandes voire la concrétisation de leurs propositions. Ils se sentent investis dans la vie de la collectivité. Aujourd’hui la dynamique est lancée, c’est une attente de nos concitoyens et nous ne pourrions plus revenir en arrière.
– Avez-vous pu mesurer l’impact du CESEL dans votre politique municipale ?
Bien entendu ! Face au succès rencontré par l’expérimentation de la collecte et du compostage des déchets alimentaires dans les écoles, nous allons étendre l’initiative dans tous les établissements scolaires de la ville. L’appel à projets Pessac Durable a permis la réalisation de projets qui contribuent à la mise en œuvre des actions inscrites dans l’agenda des solutions durables (ex : installation d’un jardin partagé géré par l’association Les Incroyables Comestibles )
– Combien coûte une initiative de ce genre ?
Le coût est inévitable mais très variable selon la mesure proposée.  Certains projets proposés par le CESEL ne nécessitent pas d’investissement financier ou sont réalisés en collaboration avec des associations ce qui permet de limiter les coûts. À l’inverse, pour le budget participatif, autre dispositif de participation citoyenne, nous avions, en 2018 déterminé un budget de 200 000€. En 2019, il sera de 300 000€
– Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer ?
Il faut pouvoir mobiliser et fidéliser les citoyens les plus jeunes. Pris dans leur vie étudiante, professionnelle ou familiale, ils peuvent manquer de temps et cela peut constituer un frein à leur investissement. C’est pourquoi, il faut tout mettre en œuvre pour faciliter leur présence (souplesse d’organisation avec les outils numériques et veiller à ne pas multiplier les dates de réunions).
– Quels conseils donneriez-vous à un élu souhaitant dupliquer votre idée ?
Discutons-en ! Ma porte et celle du Président du CESEL sont toujours ouvertes.
Propos recueillis par Baptiste Gapenne
Photos : Stéphane Monserant