La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine au cadastre solaire de l’agglomération du Grand Annecy. Né conjointement d’une demande des habitants et des résultats du diagnostic TEPOS (Territoire à énergie positive), un cadastre solaire et un cadastre vert sont à disposition de tous les habitants de l’agglomération. Ils permettent de connaître le potentiel d’ensoleillement et de verdure des toits pour accompagner au mieux vers une transition aux énergies renouvelables.
Les équipes de Territoires Audacieux ont interviewé Marie-Hélène HALSKA, cheffe de service climat air énergie à la direction de l’environnement du Grand Annecy, et Benoît Lelong, directeur de Cythélia Energy pour en savoir plus sur ce projet.
Sommaire:
– Mise en place du projet –
Comment avez-vous eu l’idée d’investir dans ces cadastres ?
Marie-Hélène HALSKA : Pour pouvoir agir, il faut savoir ce qu’il se passe sur notre territoire. Donc en 2014/2015, nous avons réalisé un diagnostic qui a été fait dans le cadre de Territoire à énergie positive (TEPOS). Les résultats portaient sur la consommation d’énergie et le potentiel en économie d’énergie et en production d’énergie renouvelable. À ce sujet, deux pistes ont émergé : le solaire et les réseaux de chaleur. Pour pouvoir mettre en place su solaire, nous devions connaître le potentiel de nos toits. Donc nous avons décidé de réaliser le cadastre solaire. C’est un bon outil pour pouvoir massifier et faire connaître l’énergie solaire et thermique, qui sont complémentaires.
À quelle problématique cela répond sur le territoire ?
M-H : Nous l’avons fait principalement pour les habitants. Plus de 3000 participants ont travaillé sur cette démarche. Ils ont demandé deux choses. La première consiste à solariser les toits, pour pouvoir produire plus d’énergie solaire renouvelable sur le territoire à l’horizon 2050. La seconde est d’agir sur la consommation pour faire en sorte que les courbes de la consommation et de la production se rejoignent. Nous répondons donc à un besoin, celui des habitants. Ils ont aussi parlé de la végétalisation des toits. Le grand Annecy a donc profité de la réalisation de son cadastre solaire pour réaliser un cadastre vert, qui permet d’avoir le potentiel de végétalisation des toitures sur le territoire.
Pourquoi végétaliser les toits ?
M-H : Cela peut servir de couche énergétique, comme un isolant qui va diminuer la perte de chaleur par les toitures. Cela sert également à mieux gérer les eaux pluviales sur le territoire. Grâce au substrat de végétalisation, l’eau est stockée pendant un temps et restituée après si elle est vraiment en excédent. Et puis, cela permet d’apporter une note de fraîcheur à la ville et de favoriser la biodiversité sur le territoire.
Exemple de visualisation du cadastre vert.
Pour le cadastre solaire, quelles ont été les étapes de mise en place du projet ?
M-H : Une fois la demande des habitants entendue, nous avons fait un appel d’offre. Nous avons choisi le prestataire Cythelia Energy car c’est lui qui avait la meilleure offre au niveau rapport/coût et énergie. Il apportait également de très bons conseils. Il a dû collaborer avec un autre bureau d’étude. Nous voulions des études concrètes avec des visites de sites au cas par cas pour les grandes toitures. L’idée était d’arriver (à l’époque) à une puissance de 9 kilowatt-crête (caractérise la puissance d’un panneau photovoltaïque, ndlr).
Pourquoi faire ces études ?
M-H : Elles ont été faites en même temps que le cadastre, nous avons commencé en 2016 et avons terminé sur l’année 2017. Il faut se rendre sur le terrain pour analyser la faisabilité. Cela prend plus de temps. Nous voyons l’intérêt en échangeant avec d’autres villes comme Lausanne. Elle est en train de promouvoir la solarisation et la végétalisation sur un même toit. Cela peut très bien cohabiter pendant les journées de fortes chaleurs. La végétalisation d’une certaine hauteur diminue la température et favorise la production des panneaux solaires. Nous allons nous en inspirer. Pour le moment, nous sommes allés voir les toitures qui ont été étudiées dans une commune rurale du grand Annecy. Les panneaux ont été mis en place et en plus la collectivité a travaillé avec la centrale citoyenne du territoire, donc tout le monde a été gagnant.
Exemple de visualisation du cadastre solaire.
Qu’est-ce qu’une centrale citoyenne ?
M-H : Ce sont des particuliers qui se regroupent, toutes les centrales citoyennes n’ont pas forcément le même statut. Ce peut être une coopérative, une SIC, une SARL, etc. Les membres de l’entité se réunissent et choisissent ensemble ce qui correspond le mieux à leurs valeurs et comment ils souhaitent gérer la centrale. Leur objectif est d’installer des panneaux solaires sur des toitures ou en ombrières sur les parkings, par exemple. Le principe est le suivant : un propriétaire de bâtiment loue ou met à disposition sa toiture, en général une vingtaine d’années, à une centrale citoyenne pour qu’elle installe des panneaux solaires. Tout est mis dans une convention. L’investissement est supporté par les centrales, qui rentabilisent leur achat par la vente d’énergie produite. Au bout de 20 ans, les panneaux continueront à produire mais l’installation reviendra au propriétaire du bâtiment. Le grand Annecy facilite par certaines démarches l’émergence de ces centrales sur le territoire.
– Le projet aujourd’hui –
Comment l’outil fonctionne-t-il concrètement ?
Benoît Lelong : Un cadastre solaire, c’est le calcul du potentiel solaire de tous les mètres carré de toitures à l’échelle d’un territoire. Cela donne une carte que nous mettons à disposition sur un site web, type géoportail ou google maps. Ici, l’outil est pour le moment disponible sur le site de l’agglomération. Il est possible de zoomer, dézoomer, taper une adresse, cliquer sur sa toiture, avoir son potentiel solaire, le niveau d’investissement correspondant et le temps de retour économique.
En plus du prestataire, qui travaille sur le projet ?
M-H : Nos élus référents, qui étaient intéressés par cet outil. C’est un projet que nous avons mené en grande complémentarité avec la ville d’Annecy puisqu’elle a une part importante de toiture dans l’agglomération. Les techniciens de la ville d’Annecy, l’énergéticien de la ville mais aussi le chargé de mission développement durable faisait parti du comité technique du cadastre solaire.
Le service s’est agrandi avec le recrutement d’une animatrice climat, air et énergie et d’un énergéticien. Il faut que nous répondions à l’ambition du projet de territoire qui veut solariser des milliers de mètres carré par an. Nous avons aussi la chance d’avoir notre syndicat des énergies qui a monté une SEM (société d’économie mixte) en faveur des énergies renouvelables. Elle pourra porter des gros projets de solarisation de toiture.
Est-ce qu’il y a une aide financière pour ceux qui veulent installer des panneaux solaires sur leur toit ?
M-H : Oui, il y a des outils complémentaires aux cadastres avec les centrales villageoises et la SEM de notre syndicat des énergies. Notre objectif, c’est de communiquer aussi sur le fait que ce n’est pas forcément le particulier ou l’entreprise qui devra supporter l’investissement mais que différentes aides ou investissement sont possibles.
Aujourd’hui, comment vous favorisez le passage à l’acte pour que les particuliers et les entreprises installent des panneaux sur leur toit ?
M-H : Le grand Annecy porte le programme « J’éco-rénove mon logement ! ». Il a pour but de favoriser la gestion énergétique des logements. Nous avons bien conscience qu’il faut profiter des travaux de rénovation pour se poser la question de l’utilisation de cette cinquième façade qu’est la toiture pour voir s’il est pertinent d’installer des panneaux photovoltaïques ou thermiques. Nous avons donc une grande complémentarité d’intervention avec les collègues en charge du bâtiment et du dispositif « J’éco-rénove mon logement ! », pour essayer d’arriver dans une bonne temporalité et de ne pas arriver trop tard. Le cadastre va permettre de répondre à de nombreuses questions en termes de faisabilité.
Après, pour massifier la mise en place panneaux solaires, nous souhaitons lancer un AMI (Appel à Manifestation d’Intérêt) au niveau territoire pour trouver et discuter avec des propriétaires qui seraient prêts à louer ou mettre à disposition leur toit ou leur parking. À partir du cadastre, nous allons repérer les endroits ou il y a le plus de potentiel et de surface. Ce sera un travail de porte-à-porte. Puis, nous lancerons un AMI pour que des installateurs de panneaux photovoltaïques y répondent. Notre rôle sera de mettre en relation les propriétaires et les installateurs. Nous voulons mettre en adéquation la production et la consommation.
Et pour les collectivités ?
M-H : Il y a différentes actions pour leur passage à l’acte. Pour les collectivités, les communes, objectif est de sensibiliser, qu’ils aient accès aux informations. Dans le cadre du TEPOS, une animation va être menée auprès des communes pour travailler sur leur patrimoine. Nous pourrons alors leur expliquer qu’ils peuvent installer des panneaux solaires sur ces bâtiments. Le cadastre solaire aidera à expliquer le potentiel qu’ils ont.
– Dupliquer le projet –
Quel a été le coût du dispositif ?
M-H : Les deux cadastres (solaire et végétal) ont coûté autour de 35/40 000€ HT. Cela comprend 34 communes et presque 207 000 habitants. Le cadastre vert était plus léger, il a été réalisé uniquement sur la partie urbanisée de l’agglomération, puisqu’en milieu rural, les problématiques de rétention d’eau et de chaleur se posent nettement moins.
B.L : Le prix dépend de la taille de la commune et du nombre d’habitants. Pour donner une large fourchette, c’est entre 10 000 et 30 000€.
Quel impact avez-vous mesuré ?
M-H : Nous savons un peu les visites qu’il y a mais nous n’avons pas le suivi qu’il faudrait avoir. Nous comptons mettre ça en place. Ce qui nous importe c’est de savoir jusqu’où les utilisateurs vont dans la démarche. Est-ce qu’ils se contentent de cliquer sur leur habitation ? Où vont-ils jusqu’au coût prévisionnel et à la rentabilité ?
B.L : Nous pouvons avoir accès aux statistiques du site internet. Il y a le nombre de personnes qui sont allées sur le site et leur avancée. Si elles ont cliqué sur un toit, si elles sont allées jusqu’à une simulation économique du projet, la localisation de leurs quartiers. Et par exemple, à Grenoble, la ville a mis en place une liste d’installateurs qui ont signé une charte, nous pouvons donc avoir des statistiques d’installation.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
M-H : Le cadastre ne peut se faire qu’à partir du moment où il y a la dimension 3D au niveau du territoire. Nous l’avions sur l’ancien territoire de l’agglomération, mais pas sur les nouveaux. Il a fallu acquérir des données IGN (L’Institut national de l’information géographique et forestière). Ainsi, nous avons pu avoir les données des toitures, dont leurs pentes, pour ne pas avoir un toit plat. Une autre difficulté s’est trouvée au niveau de l’hébergement des cadastres. Il faut un géo portail, c’est important. C’est l’endroit où il y a toutes les entrées cartographiques du territoire. Pour le moment, comme nous travaillons avec la ville d’Annecy, c’est elle qui héberge le cadastre. Sauf que les citoyens et entreprises qui viennent sur le site trouvent le cadastre vert et solaire donc ça s’envoie au niveau du géo portail de la ville mais personne ne le voit.
Quelles sont les prochaines étapes ?
M-H : Nous avons instauré des ateliers climat à destination des citoyens et des entreprises. Nous allons travailler sur la sensibilisation et la rénovation. Nous devons également développer la communication et l’animation autour du cadastre.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un territoire qui souhaite mettre en place ces mêmes types de lieux ?
M-H : Un conseil de base. Dès que nous réalisons un marché, bien avoir la définition des besoins, comment y répondre et ce que peut apporter le cadastre.
Propos recueilli par Léa Tramontin