À Strasbourg, en Alsace, la santé scolaire est de la responsabilité de la municipalité, contrairement à la grande majorité des autres villes de France, où cela relève de l’Éducation Nationale. La ville est donc engagée dans la santé dentaire depuis plus d’un siècle maintenant. Entre toutes ses actions, l’une sort du lot : le Dentibus, un cabinet roulant permettant aux dentistes de venir à la rencontre des enfants dans les écoles et les quartiers défavorisés.
Pour en savoir plus, nous avons interviewé le docteur Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg, en charge de la santé.
D’où vous est-venue l’idée de cette initiative ?
C’est en 1902 que la ville de Strasbourg a lancé de façon volontariste un centre municipal de santé dentaire, innovateur et original. L’Alsace-Lorraine était allemande à ce moment-là. C’était donc une initiative des Allemands pour promouvoir l’hygiène et la santé. Le docteur Gessen est celui qui a lancé tout ce travail autour de la prévention et du soin de la question dentaire. Cette structure a perduré depuis. Elle a été mise en place dans les écoles et c’est comme cela que nous avons encore des cabinets dentaires fixes dans trois écoles. Nous proposons du dépistage et du soin. Nous avons une équipe de trois dentistes, trois assistants dentaires et un chauffeur puisque le Dentibus n’est que la partie mobile de ce centre de santé dentaire. Cette équipe va dans toutes les écoles pour ausculter près de 25 000 enfants. Ils font aussi des soins gratuits pour presque 1 000 enfants.
Pourquoi continuer d’agir dans ce domaine ?
Pour deux raisons : premièrement, car cela fait partie de notre histoire et deuxièmement pour l’importance de l’implication en santé publique. Le maire et moi-même tenons beaucoup à cette histoire particulière d’engagement social et de santé qui a été mise en place dans les années 1900. Aujourd’hui nous continuons de le développer. Nous avons sauvegardé plusieurs services : la Protection maternelle et infantile (PMI), gérée par la ville de Strasbourg, un centre de vaccination ainsi qu’une équipe de soin pour les plus précaires. Nous avons une équipe d’infirmier qui va dans les centres d’hébergement municipaux. De plus, nous avons décidé de développer le sport santé sur ordonnance, une maison de santé dans certains quartiers, des salles de consommation à moindre risque, ainsi que la prise en charge des enfants obèses. Nous avons redéveloppé des actions de santé publique novatrice en lien avec le temps.
Qu’est-ce que le Dentibus ?
Ce cabinet dentaire mobile a été mis en service en 1981. Il y a eu un second équipement en 1989. En 2019 nous avons tout changé et avons ainsi introduit le Dentibus dans la ville. Nous voulions du matériel moderne et efficace, un cabinet dentaire de dernière génération. Grâce au Dentibus, nous avons une manière efficace d’aller dans les écoles. Le Dentibus est décoré avec des logos customisés, avec des animaux qui montrent leurs dents. Les enfants sont très intéressés d’aller dans le dentibus, ce qui est rare. D’habitude, les enfants ont de l’appréhension au moment d’aller chez le dentiste. Nous avons dans les cours d’école ces bus qui viennent régulièrement pour faire du dépistage et du soin. Ça permet une dé-stigmatisation des soins dentaires. Cela crée du lien pour que les jeunes enfants puissent s’habituer aux soins dentaires. Tous les enfants des écoles maternelles et primaire de la ville peuvent en bénéficier.
Quel est le rôle de la mairie ?
La mairie a un rôle important : elle est la structure organisatrice volontaire. Elle est propriétaire du bus. Elle salarie les dentistes et le chauffeur. Elle a investi pour acheter le bus. Il y a un coût de financement partagé avec la CPAM. Le bus coûtait 300 000 euros dont 250 000 euros payés par la ville et 50 000 euros payés par la CPAM. Elle donne la gratuité des soins. La sécurité sociale rembourse sa partie, mais le reste des soins sont gratuits.
Quel est le budget ?
Il y a plusieurs éléments. Le budget d’investissement était de 300 000 euros. En dépenses, nous avons eu (en 2017) les frais de personnels (366 236,19 €), et les dépenses du Centre de Santé Dentaire sont (19 524,37 €), soit 385 760,56 €. En terme de recettes, nous avons obtenu 51 317,46 € de remboursements de soins et 13 834,79 € de subventions (notamment issues du centre de santé), soit 65 152,25 €. La ville de Strasbourg a donc apporté 320 608.31 €, ce qui revient à 83,11 % de la dépense.
Quelles sont les difficultés ?
Nous avons eu des difficultés techniques quand le bus ne fonctionnait plus. Il a fallu plusieurs réparations. Une autre possible difficulté, c’est de pouvoir trouver des dentistes salariés, ce qui n’est pas toujours facile. Les rémunérations sont différentes entre nos dentistes salariés et les dentistes libéraux. C’est moins attractif chez nous. Néanmoins, c’est un autre fonctionnement et une autre qualité de vie donc nous n’avons pas trop de difficultés à en trouver. De plus, nous sommes en lien avec la faculté de médecine dentaire de la ville donc nous trouvons assez facilement. Une autre difficulté (que nous n’avons pas) mais qui est possible concerne le travail avec les médecins libéraux. Nous devons montrer que nous sommes une plus-value par rapport à leur travail et que nous travaillons en complément et non en concurrence. Mais c’est assez facile. Nous apportons une véritable plus-value pour la population, en particulier pour les jeunes dans les quartiers populaires. Il faut trouver des moyens qui n’existent pas en terme d’investissements et en terme de fonctionnement.
Vous souhaitez en savoir plus ? Découvre cet article dédié au dentibus.
Propos recueillis par Claire Plouy