La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine à une initiative développée par l’agglomération Seine-Eure (27). Conscients de l’importance des mobilités douces pour réduire la pollution et améliorer le cadre de vie de ses habitants, les élus ont décidé de promouvoir l’utilisation du vélo. Le territoire développe ses pistes cyclables et met en place de nombreux services pour faciliter ce mode de transport. Les différentes initiatives mises en place ont suscité un intérêt au niveau national et ont été reprises dans les communes aux alentours.
Nous avons interviewé Bernard Leroy, président de l’agglomération Seine-Eure pour qu’il nous parle plus précisément de cette initiative.
Sommaire:
– Mise en place du projet –
Pourquoi avoir agi dans le domaine de la mobilité sur votre territoire ?
L’agglomération Seine-Eure est engagée depuis de nombreuses années dans une dynamique de préservation et de mise en valeur de son territoire à « Haute qualité de vie ». L’attractivité d’un territoire ainsi que sa bonne santé économique se mesure par le niveau de mobilité qui y est pratiqué par ses habitants ainsi que ses salariés. Dans son rôle d’autorité organisatrice de la mobilité, l’agglomération Seine-Eure doit donc proposer des services de transport alternatifs à l’automobile, de manière à limiter la pollution et préserver son cadre de vie. La mobilité est un enjeu car elle concerne tout le monde, tous les jours, il est donc primordial que notre agglomération apporte des réponses adaptées aux problématiques de déplacements. Notre territoire se situe à un carrefour entre nos voisins de la métropole de Rouen, du bassin parisien ainsi que l’agglomération d’Évreux. Nous avons donc des réponses à apporter aux flux très importants de déplacement domicile-travail. A titre d’exemple, 37 000 déplacements/jour sont effectués avec la Métropole Normandie Rouen contre 15 000 déplacements/jour vers Evreux.
À quels enjeux les mobilités douces répondent-elles sur votre territoire ?
Les résultats de l’enquête Ménages Déplacements réalisée avec la Métropole Normandie Rouen en 2017 montrent que sur les 180 000 déplacements effectués chaque jour à l’intérieur de notre périmètre, 107 000 soit 60 % font moins de cinq km. Or, les modes doux comme la marche à pied ou plus encore le vélo apparaissent comme des alternatives crédibles au déplacement automobile pour les courtes distances. Considérant que notre part modale actuelle du vélo est de 1%, les marges de manœuvre pour améliorer le report modal vers le vélo sont très importantes. Personnellement, je crois beaucoup au développement du vélo sur notre territoire car sa topographie est adaptée (peu de relief) et l’avènement de l’assistance électrique permet d’envisager de toucher un public plus large. En effet, elle permet aux personnes plus fragiles physiquement de retrouver goût à la pratique du vélo et aux autres d’effectuer des distances plus importantes.
Quelles ont été les différentes étapes de réflexion pour aboutir au panel d’actions mises en place aujourd’hui ?
Pour assurer un développement fort de la pratique du vélo sur notre territoire, il est essentiel de travailler en parallèle au développement des infrastructures cyclables ainsi que des services de vélos. Les cyclistes actuels ou futurs ont besoin de disposer d’aménagements de voirie qui leur permettent d’effectuer leur déplacement en toute sécurité et de trouver du stationnement adapté arrivés à destination. Aussi, bien que disposant déjà de 50 km d’aménagements cyclables sur le territoire dont 30 km de voie verte, j’ai demandé aux services d’aller plus loin en élaborant un Schéma Directeur des Infrastructures Cyclables (SDIC) qui fixe un programme très ambitieux de réalisation d’aménagements cyclables à hauteur de 350km d’ici quinze ans. Cela constitue un marqueur fort qui permettra de faire du vélo notre identité territoriale.
Par ailleurs, la réalisation d’infrastructures cyclables est une étape importante mais ne doit pas être la seule si l’on souhaite donner une réelle impulsion à la pratique du vélo. Cela doit s’accompagner d’autres services. Mes équipes ont donc également réfléchi au déploiement d’un panel de solutions pour nos habitants. Celui-ci comprend : le S’Cool Bus, les racks à vélo, la vélothèque, les Vélos à Assistance Électrique (VAE) dans les entreprises, la maison du vélo et le stationnement sécurisé. Ces projets sont soit déjà réalisé soit en cours de développement.
Comment avez-vous travaillé avec les acteurs (par exemple associatifs) déjà présents sur le territoire ?
Que ce soit pour l’élaboration du SDIC ou la mise en place de nouveaux services vélos, nous consultons systématiquement les acteurs locaux de manière à ce que soit les aménagements soit les services soient adaptés aux besoins réels des usagers. Nous avons la chance d’avoir sur le territoire une association dynamique sur la thématique du vélo « la petite cyclote » avec laquelle nous travaillons en concertation car nous portons collectivement le même objectif : développer l’usage du vélo. D’une manière générale, pour tous les projets stratégiques en matière de mobilité (BHNS), nos habitants peuvent être associés systématiquement lors de phase de concertation.
– Le projet aujourd’hui –
Qu’est-ce que le S’cool Bus ?
Le S’Cool Bus est un mode de transport scolaire doux. Il permet de transporter huit enfants à bord d’un vélo bus à assistance électrique. Celui-ci est homologué par le Ministère de la transition énergétique pour pouvoir circuler sur la route, mais il peut également emprunter les voies vertes. Il est équipé d’un toit amovible en cas d’intempérie, d’un emplacement pour ranger les cartables et de pédaliers indépendants. Le principe est simple, les parents inscrivent leurs enfants par le biais d’un site internet, l’équipe S’Cool Bus établit des parcours et les teste. Ensuite, les parents sont contactés afin de savoir à quel moment, à quelle heure et pendant combien de temps, leurs enfants vont être pris en charge. L’enfant n’a plus qu’à attendre devant sa porte que le S’Cool Bus arrive. Pour qu’il fonctionne, les utilisateurs doivent pédaler et le soir il sont ramené chez eux.
Son succès est-il toujours important en cette rentrée 2019 ?
Au vu du succès rencontré lors des deux premières années, il a été décidé d’étendre ce mode de transport à d’autres communes volontaires sur le territoire. Actuellement, il y a six communes qui bénéficient de ce service, pour sept écoles primaires et nous sommes passés de trois véhicules à dix. Nous avons maintenant plus de 300 élèves inscrits et trois à quatre communes supplémentaires se sont manifestées pour déployer également ce service.
Pourquoi avoir développé des Racks à vélo ? Comment fonctionnent-ils ?
Les Racks à vélo ont été développés afin de pouvoir répondre aux besoins d’intermodalité bus + vélos. Nous avons sur notre territoire plusieurs gares dont celle de Val-de-Reuil qui est une porte d’entrée importante. Les vélos étant acceptés à bord des trains et la demande des habitants étant présente, nous souhaitions développer une solution permettant à nos usagers de prendre le bus avec leur vélo. L’aménagement intérieur des véhicules est relativement complexe et elle nous semblait inadaptée car elle demande beaucoup d’espace à l’intérieur de nos bus. En heure de pointe ; compte tenu de l’affluence dans nos véhicules, cette cohabitation vélos/passagers est compliquée.
Comment la réflexion autour de cette initiative s’est-elle passée ?
L’Agglomération Seine-Eure a mené une réflexion en concertation avec notre exploitant SEMO pour développer un projet viable, durable, pratique et qui ne gêne ni le conducteur, ni les passagers mais il était essentiel que la solution ne ralentisse pas le trafic. Une équipe projet (Agglomération Seine Eure, Transdev, Mercedes, DREAL, IBF) a été constituée afin de trouver une solution viable pour répondre à ces types de demandes.
Quel est le principe de votre « vélothèque » à Val-de-Reuil ?
Le principe de la vélothèque est de pouvoir mettre à disposition une flotte de vélos, casques, gilets et matériel de réparation à destination des écoles primaires de la commune de Val de Reuil, afin que les enfants puissent effectuer des sorties scolaires toute l’année et en étant bien équipés.
Pourquoi agir dans la location de vélo électrique pour les employés d’entreprises ?
Parce que l’on considère qu’ils représentent un potentiel très important de report modal vers le vélo pour les déplacements courte distance. Pour les salariés de ces entreprises, poumon économique de notre territoire, il est primordial que nous ayons une palette de solutions de mobilité adaptées aux types de déplacements des salariés : le vélo et la MAP pour les déplacements courte distance, le BHNS pour les déplacements intermédiaires et les solutions de covoiturage pour les déplacements plus longs. Par ailleurs, nous préparons la mise en service d’une future maison du vélo qui prévoit entre autre, de mettre à disposition des entreprises flottes de VAE. Cela permet donc d’anticiper les besoins à venir et de mieux définir le service associé.
– Dupliquer le projet –
Quels sont les retours que vous avez pu avoir de vos différentes actions sur les mobilités douces ?
Les retours que l’on a obtenus sont plus que satisfaisants, et c’est pour cette raison que certains projets sont déjà en cours d’élaboration pour l’année 2020. Outre le buzz que nous avons pu avoir avec le déploiement de S’Cool Bus, nos projets ont été reconnus à l’échelle nationale puisque nous avons été subventionné Territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) mais aussi villes et Territoires et France Mobilité. Le projet de S’Cool Bus a été retenu par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire & le Ministère des Transports pour la réalisation d’un film court qui expliquera la démarche de l’Agglomération Seine-Eure et cette solution de mobilité. Ce reportage sera diffusé auprès de leurs partenaires, sur le site internet de France mobilités, et à l’Assemblée Nationale la semaine du sept octobre lors de la présentation du projet de Loi.
Le projet de prêt de VAE sera reconduit sur toute l’année 2020, le S’Cool Bus sera déployé sur trois autres communes du territoire, le projet de rack sur plusieurs bus et une vélothèque à Louviers devrait également voir le jour en 2020.
Combien ces différentes initiatives ont elles coûté à l’agglomération ?
A l’heure actuelle, les différentes initiatives ont coûté à l’agglomération la somme de 470 000 € HT.
Quel est le budget de l’agglomération pour développer les mobilités douces ?
Pour la partie services vélo, le budget de l’agglomération pour développer les mobilités douces est inclus dans le budget transport. Soit 470 000 € pour 8,6 millions € en fonctionnement. Pour la partie infrastructure, le SDIC fixe la programmation financière à hauteur de 2M€/an en investissement pour sa mise en œuvre.
Avez-vous pu mesurer l’impact de ces différentes initiatives ?
Il est pour le moment difficile de répondre à cette question, l’évolution des comportements étant longue dans le temps. Nous pourrons mesurer l’ensemble des effets certainement à la prochaine enquête Ménages Déplacements. Toutefois, nous commençons à mesurer des évolutions favorables.
Avez-vous pu mesurer l’impact global de vos actions liées aux mobilités douces ?
L’impact global de nos actions liées aux mobilités douces est en fait le constat que le vélo à une vraie place aujourd’hui dans notre société.
Quelles ont été les difficultés rencontrées depuis la mise en place de ces différentes initiatives ?
En ce qui concerne le S’Cool Bus, la difficulté au début, a été de mobiliser les parents. En ce qui concerne le rack, le projet a mis deux ans avant de voir le jour et il a été difficile de trouver un carrossier prêt à se lancer dans la construction d’un prototype mais également d’obtenir les homologations de la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et de Mercedes.
Propos recueillis par Baptiste Gapenne