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Sablé-sur-Sarthe : Le MuMo, un musée mobile à la rencontre des territoires

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose de visiter le MUMO. C’est un musée mobile qui s’installe dans des zones rurales ou péri-urbaines. Son but ? Rapprocher l’art contemporain des publics n’ayant pas l’habitude des musées. En partenariat avec les collectivités publiques, ils sillonnent la France de région en région à la rencontre notamment des enfants.
Territoires-Audacieux.fr s’est rendu sur l’une des étapes de ce tour de France à Sablé-sur-Sarthe pour rencontrer Lucie Avril, la chef de projet responsable du Mumo. Nous vous proposons également une interview de Gaël Uttaro et Céline Cailliau qui travaillent en tant que médiateur dans le musée mobile.
Sommaire:

– Introduction –


Les interviews de Lucie Avril, Gaël Uttaro et Céline Cailliau sont disponibles au format vidéo ou texte pour chaque question.

– Mise en place du projet –

Comment l’idée vous est-elle venue ?
L’idée est apparue en 2011. Ingrid Brochard, notre fondatrice, souhaitait imaginer un outil qui puisse rapprocher l’art contemporain du plus grand nombre de personnes. Elle connaissait le principe des biblio-bus et elle a souhaité l’adapter à l’art contemporain. Elle avait cette envie de partager sa passion avec les gens et en particulier avec les enfants. C’est à l’âge des apprentissages fondamentaux vers douze ans qu’il est tout aussi important d’apprendre à regarder, ressentir, imaginer ou partager. L’idée était donc d’amener à ces enfants des œuvres d’art de leur époque. Elle a fait appel à un architecte américain, Adam Kalkin, pour fabriquer un premier musée mobile dans un conteneur. Il a circulé dans sept pays d’Europe et d’Afrique entre 2011 et 2016 à la rencontre de 80 000 enfants. Aujourd’hui nous avons un deuxième musée mobile qui a été imaginé par une designer, Matali Crasset. Il nous permet aujourd’hui de diffuser des expositions conçues par les FRAC, les Fonds Régionaux d’Art Contemporain dans les régions au plus près des publics.

L’idée est d’aller chercher le public là où il se trouve ?
Exactement. Notre idée, c’est que le Mumo vienne s’inscrire sur un territoire et dans un quotidien. En général, nous l’installons sur un parking que ce soit d’un centre commercial, une place de village ou une cour d’école. Le but est de donner envie aux gens de venir voir ce qu’il se passe à l’intérieur du camion.

Quel type de public accueillez-vous ?
C’est un musée qui se destine majoritairement aux six/douze ans. Cela correspond aux classes du cycle trois. Mais nous accueillons aussi régulièrement des classes de collège ou de lycée. Il y a également des temps de portes ouvertes qui sont organisés chaque jour après la classe. Ce sont des temps conviviaux où les enfants reviennent avec des parents, des voisins ou des amis. Ils deviennent à leur tour des médiateurs du musée. Le mercredi, nous accueillons également des groupes plus spécifiques comme des instituts médicaux éducatifs, des associations de personnes âgées. Nous leur offrons une médiation sur-mesure en fonction de l’exposition.

Arrivez-vous à toucher ceux qui ne vont pas au musée habituellement ?
Oui. Nous souhaitons toucher les zones rurales et péri-urbaines. Notre stratégie de maillage territoriale fonctionne en partenariat avec la direction régionale des affaires culturelles et avec le FRAC. Nous nous réunissons en amont de la tournée du Mumo pour un comité de pilotage. Nous essayons d’y faire participer la région, l’éducation nationale et la direction régionale de la jeunesse. Avec tous les acteurs nous réfléchissons aux zones où le Mumo va pouvoir s’implanter. Nous avons une double stratégie. Soit nous ciblons les zones blanches où il n’y a aucune offre culturelle et où le musée mobile va être un apport pour la population, pour les élèves et leurs professeurs. Soit nous ciblons, des zones grises où il y a des acteurs du monde culturel qui ont besoin d’un nouveau dynamisme. L’effet événementiel et la curiosité attisée par notre projet peuvent alors leur donner un coup de projecteur et être un levier pour reconnecter certains publics avec des centres d’art ou des associations artistiques locales.

Réussir à intéresser le public à l’art contemporain est un défi supplémentaire ?
L’art contemporain peut-être considéré comme élitiste. C’est vrai qu’il peut faire peur, surtout aux adultes. C’est la peur de ne pas comprendre ou de ne pas saisir et d’être désarçonné. Nous avons remarqué que ce n’est pas du tout le cas avec les élèves. Les enfants vont avoir une approche très spontanée des œuvres. L’idée est de montrer une exposition qui date de la même époque que les enfants. Ce n’est pas forcément des peintures, certaines œuvres font appel à des technologies d’aujourd’hui comme la photo, la vidéo ou des œuvres sonores. Il est possible de dépasser les frontières traditionnelles des œuvres classiques pour montrer d’autres choses et changer le regard des publics.

D’où viennent les œuvres d’art ?
Ce sont les FRAC qui nous prêtent les œuvres d’art. Le principe, c’est qu’à chaque fois que le Mumo arrive dans une région, il propose au Fond Régional d’Art Contemporain de concevoir son exposition itinérante. Cela nous permet d’avoir une immersion territoriale. L’exposition peut entrer en résonance avec l’identité régionale. Pour nous, cela permet de proposer une exposition différente dans chaque région. La particularité des FRAC, c’est que ce sont des collections qui varient entre 400 et 4000 œuvres. Ils ont la même vocation que nous : diffuser ces œuvres sur les territoires. Mais évidemment pour couvrir un territoire régional, ce n’est pas facile. Nous intervenons donc en complément de leur travail, dans les zones où les FRAC ne peuvent pas aller. Il y a des villages où les conditions d’accueil en temps normal ne sont pas réunies. Avec notre musée mobile, nous pouvons proposer un espace aux normes pour diffuser toutes les œuvres.

– Le projet aujourd’hui –

Comment fonctionnez-vous au quotidien avec les territoires ?
Les décisions se prennent dans le comité de pilotage que j’évoquais. Nous nous réunissons et nous ciblons les grandes étapes où le Mumo va pouvoir aller. Une fois que nous avons défini les villages, nous allons nous mettre en contact avec les conseillers pédagogiques départementaux pour définir les établissements scolaires qui n’ont que peu ou pas de projets culturels dans l’année. Ce sont les écoles qui manquent de moyens ou de projets pour rapprocher l’art des élèves.

Avec qui travaillez-vous ?
Il y a plein d’acteurs, c’est un mille-feuille de partenaires. Le musée mobile est entièrement gratuit. Nous n’avons pas de ressources propres. Tout d’abord, nous avons des mécènes nationaux. La Fondation Carasso a par exemple financé toute la construction du musée mobile. Nous sommes également soutenus par La France S’Engage et les fondations Total, SNCF ou PSA afin de réussir à organiser les tournées. Nous pouvons également obtenir des aides régionales via la DRAC, la Région ou le Département. Ensuite, nous pouvons trouver des mécènes locaux. L’idée est de répartir le plus équitablement possible le coût d’installation du musée sur tous les acteurs.

C’est important que ce soit gratuit pour le public ?
Tout à fait. C’est essentiel pour ne pas qu’il y ait de discriminations sur les publics reçus. En revanche, nous demandons une participation financière locale de 200 euros par jour à la commune où nous nous implantons. Mais il faut savoir que le coût de l’action s’élève entre 1500 et 1700 en totalité donc nos partenaires réduisent de façon significative le prix à payer. Si le village n’est pas en capacité de nous financer, nous allons essayer de chercher un mécène très local comme une antenne d’une banque ou un commerce.

À quoi ressemble une visite type du Mumo ?
G.U. Nous accueillons les enfants en deux groupes. Nous voyons avec eux les fondamentaux. Il faut prendre le temps de leur expliquer ce qu’il peut y avoir dans un musée ou ce qu’est l’art contemporain. Il y a alors un groupe qui visite le musée pendant que l’autre réalise des ateliers.
C.C. Une visite, c’est une présentation des œuvres. Nous essayons de discuter avec eux en fonction de leurs réactions. L’idée, c’est que ce soit interactif et que nous puissions nous adapter en fonction de l’âge de chaque enfant.

Quelles sont les œuvres qui touchent le plus les enfants ?
G.U. Cela dépend des âges. Les plus grands par exemple se dirigent souvent vers les photos car elles sont plus réalistes selon eux. Mais on leur prouve justement qu’elle peut être complètement montée ou être un photo-montage. Les petits vont plus vers les peintures.
C.C. Mais dans tous les cas, ils ont encore du mal à imaginer qu’une œuvre d’art n’est pas forcément une peinture. Chaque fois, ils nous disent : « ça c’est une photo donc ce n’est pas une œuvre ! ». Il faut alors expliquer la démarche de l’artiste.

Que proposez-vous pendant les ateliers ?
G.U. Nous nous adaptons en fonction de l’oeuvre et du niveau des élèves en face de nous. Nous dégageons une œuvre et nous essayons de trouver plastiquement un moyen d’en parler. On peut par exemple prendre l’exemple des pixels pour les faire réfléchir. L’idée est de réaliser un objet en parlant de l’oeuvre.
C.C. Nous avons aussi eu à l’origine un dossier pédagogique. Ce sont des ateliers organisés à partir des œuvres. Nous les avons retravaillés pour que cela passe en terme de temps. Mais cela nous arrive d’inventer des ateliers et de faire travailler notre créativité pour nous amuser.

– Dupliquer le projet  –

Comment doit faire une commune qui souhaite vous accueillir ?
Il faut nous contacter par mail et nous envoyer une proposition d’accueil. Il faut savoir que cela coûtera à la commune 200 euros et nous demandons une prise en charge du camion et de l’équipe. Il faut trouver un emplacement pour le musée mobile avec un branchement électrique. Il est nécessaire également d’assurer le nettoyage de la salle chaque jour. Enfin, nous demandons la prise en charge de l’hébergement et la nourriture de nos deux médiateurs régionaux et du conducteur du camion.

Quel est le programme des prochains mois ?
Les tournées régionales se préparent entre un et deux ans à l’avance. Notre calendrier est donc assez avancé jusqu’en 2019. Les régions que nous allons toucher sont le Grand-Est, l’Ile-de-France et nous discutons avec l’Auvergne et les Hauts-de-France. Nous enregistrons aussi toutes les propositions d’accueil qui nous parviennent et dès que nous avons l’opportunité de venir dans leur région, nous recontactons les mairies qui nous ont démarchées pour leur faire des propositions.

Quel impact peut avoir le Mumo sur un territoire ?
Nous faisons des réunions bilans sur chaque étape. Depuis le lancement de notre Mumo 2 en janvier 2017, nous évaluons à 20 000 personnes le nombre de Français touchés. L’impact sur chaque territoire est mesuré. Globalement, nous pouvons dire que cela incite vraiment les enseignants et les animateurs de centre de loisirs à poursuivre l’expérience de l’art. Cela peut-être en ré-organisant une sortie avec une classe dans un autre musée ou en réalisant de nouveaux ateliers. La plupart des communes que nous touchons souhaitent accueillir le musée mobile sur son territoire une deuxième fois. Il y a donc bien un véritable impact localement.

Pour quel type de territoire le Mumo est-il le plus approprié ?
Les territoires que nous touchons en priorité sont les zones rurales et péri-urbaines. Ici, nous sommes par exemple dans un quartier politique de la ville. L’idée est vraiment de s’implanter dans des zones où il n’y a que peu ou pas d’offre culturelle pour créer une dynamique localement. Après, sur le déroulement, nous accueillons trois classes par jours. Puis, il y a des soirées portes ouvertes notamment à la presse afin de faire connaître le projet localement. Nous mobilisons aussi les élus ou les parents d’élèves pour essayer d’impulser de nouvelles dynamiques sur le territoire.

Rencontrez-vous des difficultés particulières sur certains territoires ?
Cela nous arrive d’avoir des personnes qui ont des doutes sur l’art contemporain. Nous ne pouvons pas convaincre tout le monde et ce n’est d’ailleurs pas le but. Il peut aussi y avoir une difficulté technique avec l’accueil du camion et son branchement électrique. Sur la perception des élus, quand ils décident de nous accueillir, c’est qu’il y a un engagement. En général, cela se passe donc bien et ils sont satisfaits du projet.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne