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Menus végétariens à la cantine : bilan de quatre années d'expérimentations

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose un focus sur un changement qui intervient pour cette rentrée des classes 2019. Les cantines scolaires de l’enseignement public devront servir un repas végétarien par semaine. C’est en tout cas l’une des mesures prévues par la loi Egalim – pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – du 30 octobre 2018. Dans certaines villes françaises, des expérimentations ont lieu depuis déjà plusieurs années.

Pour en savoir plus, les équipes de Territoires-Audacieux.fr vous propose un article pour faire le point et une interview de Clarisse Johnson Le Loher, adjointe au maire en charge de l’éducation à la mairie de Pau, l’une des pionnières dans ce type d’initiative.

Sommaire:

– Article –

Des menus végétariens dans les cantines

Diversifier ses habitudes alimentaires dès le plus jeune âge : c’est l’objectif fixé par la mairie de Pau il y a quatre ans. Depuis 2015, la ville des Pyrénées-Atlantiques propose une option végétarienne dans l’ensemble de ses cantines scolaires afin « d’élargir l’offre et de permettre aux gens d’avoir le choix », explique Clarisse Johnson-Le Loher, 7e adjointe en charge de l’éducation, du périscolaire et des centres de loisirs. Les parents sélectionnent l’un des trois menus : un « standard », un « sans viande hebdomadaire » et un « sans viande quotidien ».

Avant la mise en place de ce dispositif, « il a fallu travailler en amont avec beaucoup de pédagogie », raconte l’élue paloise. Pour ce faire, lors de conseils d’école ou de réunions diverses, la dédiabolisation de l’option végétarienne est amorcée. En fait, à l’inverse des parents en faveur de cette action, d’autres craignaient qu’elle n’affecte l’apport nutritif nécessaire aux enfants. Il a donc fallu les rassurer et agir en douceur.

La première mouture de ce projet s’apparentait davantage à du pesco-végétarisme, une pratique alimentaire qui bannit de l’assiette toute chair animale excepté celle des poissons. Mais cela a rapidement évolué. Les cuisiniers de la cantine alimentaire de Pau aidés par des nutritionnistes ont établi des menus pour « préserver l’équilibre nutritionnel des repas ».

Les raisons qui ont guidé ce choix sont multiples, mais ont été impulsées par les parents d’élèves, inquiets de la qualité du contenu de l’assiette de leurs chérubins. Les « scandales autour de la viande » de ces dernières années, mais aussi les révélations de « l’impact des élevages bovins sur l’environnement » y ont largement contribué.

« Les gens ont envie de varier. Ils ont envie que leurs enfants découvrent autre chose. » Clarisse Johnson le Loher

Donner une approche ludique à l’alimentation végétarienne, c’est aussi l’un des crédos de la ville de Pau pour accompagner ces changements alimentaires dans les cantines. Lors d’une « journée du goût » dédiée à la gastronomie mexicaine, les élèves de primaire ont ainsi pu fabriquer de leurs petites mains des fajitas sans viande. « Il fallait les voir, ils s’en mettaient partout car les ingrédients sortaient de la galette », s’amuse Clarisse Johnson Le Loher.

Aujourd’hui, environ 25% des jeunes Palois qui fréquentent une cantine scolaire ont adopté un régime végétarien ponctuel ou complet. Un chiffre en légère hausse depuis 2015. Cette initiative a entraîné une diminution de 20% du gaspillage alimentaire. Le regard des enfants, mais aussi celui de leurs parents a changé. Ces derniers interpellent souvent Mme Johnson Le Loher à coups de « Alors, vous en êtes où du tout végétarien ? ». Mieux, d’autres communes la contactent pour emprunter le même chemin.

Bien qu’en avance sur la loi, Pau n’est pas la seule ville de France à diversifier ses menus. À Grenoble, les menus végétariens ont fait leur apparition en 2017. Une fois par semaine, les enfants mangent un plat sans viande ; et il est obligatoire. La ville a accompagné les équipes de restauration en leur payant des formations à la cuisine alternative en collaboration notamment avec l’ADAbio, une association pour le développement de l’agriculture biologique

« Le fait de passer au végétarien implique aussi que les enfants peuvent enfin manger la même chose, ensemble, au même moment. »  Salima Djidel

« La question de l’alimentation à Grenoble est la colonne vertébrale d’une orientation politique » affirme Salima Djidel, l’élue grenobloise en charge du dossier. Elle a donc lancé cette initiative sans concertation avec les parents et affirme ne pas avoir perçu de résistance. À Lille, il a fallu guider cette transition aujourd’hui très bien acceptée. Désormais, il y a deux repas végétariens hebdomadaires et obligatoires dans les 45 établissements publics de restauration scolaires. Ils ont été instaurés par l’élu écologiste Michel Ifri et ses équipes, dès le mois de juin 2018. Il s’agit d’une révision de la première offre de juin 2014 qui proposait un repas végétarien obligatoire par semaine.

« Aujourd’hui, sur quatre jours de cantine, il y en a deux qui sont végétariens. » Michel IFRI

La ville s’est même vue décerner l’écharpe verte par GreenPeace pour ses actions en faveur d’une alimentation plus végétale. Mais les enfants peuvent être capricieux quand il s’agit de manger. Les élus lillois ont pris le parti de les mettre à contribution deux jours par mois. Aidés d’une nutritionniste, une des écoles de la ville construit les menus. « Il s’agit de leur apprendre le goût même s’ils n’aiment pas toujours les aliments, il faut les leur faire découvrir », explique Michel Ifri. « À cela s’ajoutent des visuels sur le gâchis alimentaire depuis un an et demi », enchaîne-t-il.

S’il reconnaît « avoir atteint une limite acceptable pour tout le monde » avec ces mesures, l’élu écologiste souhaite désormais devancer la loi Egalim concernant l’arrêt de l’utilisation du plastique dans la restauration scolaire. Depuis 2019, les crèches lilloises l’ont remplacé par « des celluloses ou des films végétaux ». Les écoles primaires de la ville devraient prendre ce même tournant dès 2020.

– Interview –

Clarisse Johnson Le Loher, adjointe au maire en charge de l’éducation à la mairie de Pau, elle a répondu aux questions de Territoires-Audacieux.fr.
En quelle année avez-vous lancé l’initiative de proposer un repas végétarien, en plus, à la cantine de Pau ?
C’était en 2015 que nous avons démarré. C’est intervenu dans la foulée des municipales de 2014. Le temps de réfléchir au projet. À l’origine, c’était un repas sans viande, donc marqué végétarien, mais qui ne l’était pas réellement, car il pouvait y avoir du poisson. Comme c’est un projet qui se pense, il fallait comprendre que passer d’un menu Carné, avec viande, à un menu totalement sans matière animale était un petit peu compliqué à faire de façon rapide. Donc la première option que nous avons voulu proposer, c’est un choix entre un menu standard, un menu sans viande de façon ponctuelle et un menu sans viande de façon permanente. Tout ça sur la base d’un système, simple, d’inscription.
Aujourd’hui cela fait donc 4 ans, que votre initiative est mise en place, où en êtes-vous par rapport à cette première expérimentation de 2015 ?
Nous avons fait évoluer la formule. Comme je vous l’ai dit dans un premier temps, il y avait encore du poisson dans les menus proposés. Et depuis le mois d’avril, la cuisine communautaire est en capacité de proposer des menus réellement végétariens. Nous avons donc pu commencer à en proposer dans nos cantines scolaires aux familles. Cela tombe bien, car la loi Egalim a fixé parallèlement des consignes sur les menus à servir et le pourcentage d’obligation, de proposer un menu végétarien par semaine. C’est ce que la loi Egalim préconise. Tout cela à partir de la prochaine rentrée.
Au niveau de cette mise en place, il a fallu former votre personnel que ce soit pour la conception des repas, mais aussi faire preuve de pédagogie au niveau des parents d’élèves ?

Oui tout à fait. D’une part, comme vous dites, il a fallu former le personnel en termes de recettes. Il faut les équilibrer pour que l’apport en protéines soit garanti. C’était quelque chose que les agents de nos cuisines ne connaissaient pas forcément. Il fallait donc que ce soit travaillé avec des diététiciennes. Et puis d’un autre côté, il y a toute une préparation, un accompagnement, une pédagogie dans la communication à donner auprès
des familles. Puisque certes, cela répond à une demande, car certaines familles étaient dans une forme d’attente par rapport à ça mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Aujourd’hui, cette initiative est en phase avec les préoccupations sanitaires et les soucis pour la planète et l’environnement. Mais il y a encore une tranche de la population qui reste très attachée au traditionnel menu où la viande trônait dans le plat principal comme quelque chose d’incontournable. Avec la croyance de se retrouver avec des carences ou d’être malade. C’est pour ça qu’il faut que les familles soient conscientes et accompagnées dans cette évolution pour qu’elles n’aient pas l’impression qu’il va manquer quelque chose à leur enfant. Et aussi que ce ne soit pas vécu comme une contrainte, quelque chose de désagréable, de brutal ou encore de dangereux.
Cet accompagnement s’est présenté sous quelle forme ?
Alors il s’est présenté sous la forme, d’une petite campagne d’affichage. Mais aussi de réunions organisées sur des sites scolaires et en présence des diététiciennes de la cuisine qui préparent les repas. Comme ça les parents pouvaient poser des questions et avaient la réponse des spécialistes pour désamorcer tous ces réflexes de méfiance et de crainte à l’égard de cette façon de s’alimenter.
Qu’avez vous constaté comme impacts depuis la mise en place de cette mesure ?

Nous avons vu, depuis 2015, une augmentation dans la sélection des menus en faveur du « sans viandes ». Ce serait donc une option qui plairait et qui séduit de plus en plus de familles. Nous avons également remarqué, que cela permettait de moins jeter. Car la viande non consommée était jetée et grâce à cette initiative nous avons réduit le gaspillage alimentaire de 20 %. Et puis je pense aussi que pour les enfants cette éducation au goût a permis de faire des découvertes. Car même dans les familles où l’on mange de la viande, si de temps en temps dans l’assiette du voisin, on voit autre chose, on peut avoir envie de goûter. Et puis, il y a des enfants qui n’en profite pas dans leur famille mais qui on finissent par être attirés par ces menus. Cela montre que ça peut venir des parents, mais cela peut tout aussi bien venir des enfants. Donc c’est intéressant tout ce qui se passe au sein de la cellule familiale, au niveau du rapport à la nourriture et à la nature des menus grâce à cette option que nous proposons au niveau de la cantine scolaire.
Propos recueillis par Nathan Hallegot