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Les jeunes ambassadeurs de la culture : une façon originale de faire connaitre l'offre culturelle d'un territoire

Cette semaine, la lettre de l’impact positif s’intéresse à un projet mené par la Communauté urbaine Caen la mer : les Jeunes Ambassadeurs de la Culture. L’idée de la collectivité est de proposer à des collégiens et lycéens du territoire un accès privilégié aux structures culturelles (rencontre avec les artistes, avant-première…) en échange d’un relais à leurs amis par différentes biais (réseaux sociaux, blogs, émission de radio…). L’initiative permet de mieux faire connaitre l’offre culturelle auprès du public jeune et aux structures de toucher un public pas toujours évident à capter.
La Communauté urbaine Caen la mer a accepté de répondre à nos questions.
Sommaire:

– Mise en place du projet –

Comment cette idée vous est-elle venue ?
Les Jeunes Ambassadeurs de la Culture (JAC) est une initiative du Cinéma d’art et d’essai « LUX » de Caen la mer qui l’a découverte au sein du réseau des cinémas d’art et d’essai « Europa Cinéma » grâce à un retour d’expérience de la ville de Niš, en Serbie. Il lui est apparu indispensable de proposer ce projet à la Communauté urbaine Caen la mer afin de l’étendre à l’ensemble des établissements culturels du territoire, dans un objectif de transversalité culturelle et de mobilité des publics.
En quoi les jeunes sont-ils bien placés pour être des ambassadeurs de la culture ?
Ce projet repose sur le parti-pris suivant : les jeunes sont les mieux placés pour donner envie à leurs camarades de fréquenter les établissements culturels. Ils sont nombreux à être curieux de l’offre culturelle du territoire et à avoir envie d’œuvrer pour la faire découvrir. Leur communication est plus efficace car elle est basée sur des référentiels et un langage propres à leur génération.
Pourquoi est-il important de toucher cette population ?
Partant du constat que, sauf rares exceptions, la tranche d’âge 12/18 ans est celle qui fréquente le moins les établissements culturels (hors temps scolaire où ils sont « captifs ») alors qu’ils sont les publics de demain, ce projet a l’ambition de constituer une communauté de Jeunes Ambassadeurs de la Culture en s’appuyant sur les lycées de la Communauté urbaine. En organisant cette communauté, en la structurant et en lui donnant les moyens de découvrir les établissements, leurs activités et leurs programmations, l’objectif est de susciter l’intérêt des jeunes et de les encourager à promouvoir l’offre culturelle autour d’eux.
Quelles ont été les différentes étapes de mise en place ?
Le Cinéma LUX a présenté le projet à la Communauté urbaine Caen la mer début 2017, qui l’a proposé au Rectorat et aux établissements culturels du territoire. Chaque établissement culturel a rédigé un court texte de présentation de ce qu’il pouvait proposer à ces ambassadeurs. Ce catalogue a été envoyé au dernier trimestre 2017 aux lycéens souhaitant devenir ambassadeurs, qui ont pu formuler trois vœux d’affectation. La répartition a été faite, chaque jeune étant rattaché à une structure culturelle. Un lancement officiel du projet a eu lieu en février 2018, pour une expérimentation de quatre mois clôturée en mai 2018. Le projet a ensuite été relancé en novembre 2018 et sera clôturé en mai 2019, avant d’être à nouveau relancé en septembre 2019.
Quels sont les différents acteurs qui interviennent ?
Le projet est coordonné par la direction de la culture de Caen la mer en lien avec le Rectorat.
Pour 2018-2019, 99 ambassadeurs issus de 14 lycées de la Communauté urbaine (Allende, Claudel, De Gaulle, le Collège-Lycée Expérimental, Fresnel, Jeanne d’Arc, Jules Verne, Malherbe, Rostand, Victor Hugo, Sainte-Marie, Dumont d’Urville, Laplace et Notre-Dame-de-la-Fidélité) sont répartis dans 25 structures culturelles (Artothèque, SMAC Big Band Café, Bibliothèque Tocqueville, Bibliothèque d’Hérouville Saint-Clair, Cinéma d’art et d’essai « Café des images », SMAC le Cargö, Centre chorégraphique, Comédie de Caen, Dôme, ésam, salon des livres Époque, IMEC, Cinéma d’art et d’essai « Lux », Mémorial, Musée des Beaux-Arts, Musée de Normandie, Musique en Plaine, Pavillon, Panta Théâtre, Théâtre de Caen, Zénith, Éclat(s) de rue, FRAC et les MJC Tandem et le Sillon). Un partenariat est mené avec l’association Zones d’Ondes autour de la Radio Tou’Caen afin de former les jeunes à ce média.

– Le projet aujourd’hui –

Qu’est-ce que le projet des JAC ?
Le projet consiste à donner à une centaine de jeunes un accès privilégié aux structures culturelles du territoire (cinémas, théâtre, musées, bibliothèques…) pour qu’ils en découvrent les coulisses, rencontrent des artistes… et en échange relaient auprès de leurs pairs, dans leur lycée, leur commune ou leur cercle d’amis (par le biais du bouche à oreille, des réseaux sociaux, de l’émission spéciale JAC de Radio Tou’Caen) les expériences qu’ils ont menées. Ils contribuent ainsi au renforcement de l’accessibilité du public jeune à l’offre culturelle du territoire.
Comment fonctionne-t-il au quotidien ?
Chacun des lycéens est ambassadeur d’un établissement culturel du territoire. Un référent de cet établissement propose régulièrement des rendez-vous de découverte du lieu culturel : découverte des coulisses, rencontre avec des professionnels et découverte des métiers de la culture, invitations à des évènements (spectacles, stages de pratique, vernissages, sorties de chantier artistique…). Puis en fonction des idées émises par les lycéens ambassadeurs de la structure, ils peuvent être amenés à développer des projets spécifiques, par exemple faire venir leur classe en visite, mettre en place un « ciné-club », faire venir un intervenant au sein du lycée, etc.
Combien de jeunes participent et comment avez-vous fait pour les motiver ?
99 lycéens participent, issus de 14 lycées différents. Les JAC ayant participé à l’expérimentation l’année dernière ont participé au bilan collectif et à la réunion de préparation du lancement de cette année. Cela montre leur capacité d’initiative et leur autonomisation et permet de rendre le projet le plus adapté possible aux besoins du public-cible.
Les professeurs référents-culture de chaque lycée ont informé les lycéens dès la rentrée de septembre par le biais d’affiches, d’une vidéo de présentation du rôle de JAC (réalisé par une JAC de l’année passée) et d’une réunion d’information proposée à tous les lycéens intéressés. Une demi-journée de lancement a eu lieu au Théâtre de Caen afin de regrouper tous les Ambassadeurs et de leur présenter le projet. Ils ont pu poser toutes leurs questions aux anciens JAC, aux référents des structures culturelles et aux référents-culture des lycées sur leur futur rôle d’ambassadeur.
Quels sont les retours des jeunes sur le projet ?
Les candidatures montrent des jeunes passionnés par la culture, convaincus de sa nécessité et investis d’une vraie mission pour faire tomber les « barrières symboliques » qui empêchent certains de leurs camarades de fréquenter les structures culturelles. Pour certains, cela s’inscrit dans une perspective professionnelle et vient nourrir leur parcours.
Le bilan de l’expérimentation a été positif : le projet a permis aux lycéens ambassadeurs de découvrir de nouveaux lieux culturels et de les faire mieux connaître autour d’eux.
Cela a suscité des envies nouvelles comme le bénévolat sur des festivals culturels, la participation aux conseils d’administration de certaines structures ou l’envie d’aller découvrir d’autres lieux de programmation.
Il faudra encore un peu de temps pour mesurer l’impact réel sur les jeunes qui ne fréquentaient pas les structures culturelles jusqu’ici et qui y auraient été encouragés par leurs camarades ambassadeurs.
Quels sont les retours des institutions sur le projet ?
Les structures culturelles ont pu tisser de vrais liens avec leurs ambassadeurs et souhaitent poursuivre le projet, conscientes que les changements (hausse de la fréquentation du public jeune) seront visibles sur le long terme. Le Rectorat soutient également ce projet, qui entre dans le Parcours d’Education Artistique et Culturelle de l’élève. Le Cinéma LUX est lauréat du prix de l’innovation 2018 remis par le Centre National du Cinéma. La Communauté urbaine est lauréate du Prix Territoria d’argent 2018 dans la catégorie « Unicef – Actions en faveur des enfants et des adolescents ».
Comment parlent-ils de cette expérience à leurs amis dans ce rôle d’ambassadeur ?
Il y a plusieurs possibilités. La première, c’est la plus simple, c’est le bouche à oreille. En utilisant leurs réseaux sociaux, ils peuvent toucher directement des jeunes que nous aurions plus de mal à convaincre. Ils partagent leur expérience. Ensuite, nous les encourageons à faire de l’affichage dans les couloirs ou dans les centres de documentation. Nous souhaitons également qu’ils publient des articles sur le site de leur lycée ou directement sur le blog des JAC (https://jac-caenlamer.tumblr.com/).  Enfin, ils présentent leur structure culturelle dans leur classe ou d’autres classes, ou à l’occasion de portes ouvertes du lycée. Ils peuvent aussi faire venir leurs camarades au sein de leurs structures. Enfin certains réalisent des vidéos de présentations…
Vous avez monté un projet autour de la radio ?
Oui, avec Radio TOU’CAEN (association Zones d’Ondes). Les JAC volontaires ont la possibilité d’être formés à la radio et d’animer un programme mensuel (vous pouvez aller écouter en cliquant ici : http://radio-toucaen.fr/vous-saurez-tout-sur-les-jac/). Tous les JAC peuvent produire du contenu ponctuellement pour alimenter cette émission. Il s’agit donc d’une autre façon de jouer son rôle d’ambassadeur en se formant à un autre média !
Comment motiver les jeunes à jouer leur rôle d’ambassadeurs sur les réseaux sociaux ?
L’usage des réseaux sociaux n’est pas obligatoire dans le projet, c’est une des façons de relayer l’information mais elle n’est pas la seule. Les jeunes qui utilisent déjà les réseaux sociaux s’en saisissent naturellement pour remplir leur rôle d’ambassadeur par ce biais.

– Dupliquer le projet –

Avez-vous commencé à mesurer l’impact du projet ?
L’impact sur la fréquentation des jeunes sera vraiment visible à long terme puisqu’il s’agit de déconstruire les barrières symboliques qui empêchent certains d’en franchir les portes et de renforcer l’image attractive de ces établissements. Cependant, ce projet inspire déjà d’autres territoires, comme à Cherbourg où ont été mis en place les « butineurs et butineuses de culture », ou d’autres collectivités qui appellent la Communauté urbaine pour avoir des précisions sur la mise en œuvre du projet.
Combien a coûté cette initiative à la collectivité ?
Ce projet ne coûte qu’en ressources humaines, via la coordination portée par la direction de la culture.
Quelles sont les difficultés que vous avez pu affronter ?
La principale difficulté du projet est aussi ce qui en fait tout l’intérêt : le travail en réseau et la co-construction avec les différents acteurs. Cela demande un important travail de coordination et se heurte souvent aux contraintes d’agenda des uns et des autres. De même concernant la relation entre les structures culturelles et les lycéens : il est parfois difficile pour les structures culturelles de trouver des créneaux où tous les jeunes, issus de lycées différents, sont disponibles en même temps.
Est-ce un projet difficile à porter politiquement ?
C’est un projet dont l’objectif de renforcement de l’accès des jeunes à l’offre culturelle du territoire fédère l’ensemble des acteurs. Il est enthousiasmant politiquement car novateur de la façon de s’adresser à un public jeune et valorisant la créativité du territoire. Sa reconnaissance au niveau national dès la première année ne fait qu’en confirmer l’intérêt.
Quels conseils donneriez-vous à une collectivité qui souhaiterait dupliquer votre initiative ?
Il s’agit d’un vrai travail partenarial qui nécessite de réunir tous les acteurs du projet en amont et d’en co-construire le contenu pour qu’ils répondent bien aux enjeux et aux contraintes des établissements culturels, des lycées et des jeunes. Une coordination est indispensable à la mise en œuvre et au suivi du projet. La Communauté urbaine peut répondre aux questions de collectivités qui souhaiteraient réfléchir à la mise en œuvre d’un projet similaire sur leur territoire.
Propos recueillis par Baptiste Gapenne