Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose un focus sur une initiative de redynamisation d’un centre-bourg. À Lantenne-Vertière (25), village de 500 habitants, le presbytère était inoccupé depuis 25 ans. Aujourd’hui, trois logements sociaux, une bibliothèque, une micro crèche et un espace socioculturel l’occupent. Une véritable dynamique de territoire a été créée autour du projet grâce à une bonne compréhension des attentes des habitants.
Pour en savoir plus, les équipes de Territoires-Audacieux.fr ont interviewé Thierry Malesieux, le maire du village.
Sommaire:
– Mise en place du projet –
D’où vous est venue l’idée de rénover votre presbytère ?
Cela faisait 25 ans que nous disions qu’il fallait rénover l’ancien presbytère. C’était un bâtiment au centre du village qui était abandonné. En arrivant avec la nouvelle équipe en 2008, nous nous sommes interrogés. Il était temps de faire quelque chose. Cela a donc été une décision politique. Nous avions aussi un plan local d’urbanisme à mettre en place. Dans ce plan local, nous voulions éviter d’utiliser des terres agricoles. Nous voulions inciter les gens à rénover et à construire à l’intérieur du village. L’ancien presbytère est pour nous une manière de montrer l’exemple à nos concitoyens en disant que la commune vous sollicite pour rénover et construire et elle fait la même chose.
Comment s’est passée la rénovation ?
Nous nous sommes demandé si nous devions rénover ou plutôt tout reconstruire. Si nous avions rasé tout le bâtiment et tout reconstruire, cela aurait sûrement été plus facile. Toutefois, notre village, c’est aussi une histoire. Elle est liée à l’Abbé Garneret. Il a passé toute sa carrière à Lantenne. Juste après la guerre, il réunissait les jeunes du village et ils partaient en Allemagne pour montrer qu’il fallait de nouveau rediscuter, reparler aux Allemands. J’ai toujours pensé que c’était un beau témoignage. Le fait de reconstruire son presbytère dans les volumes actuels était important pour notre village. Je pense qu’en réhabilitant, la commune a prouvé qu’elle pouvait faire de belles choses. Nous avons une vingtaine de vieux bâtiments sur la commune. Avec le presbytère, nous voulions montrer que nous pouvons faire de belles choses avec l’ancien.
Quels étaient les critères de réhabilitation ?
Nous avons fait un concours d’architecte en montrant notre programme : nous voulions des logements sociaux accessibles, un espace pour la crèche, un espace pour la bibliothèque et un espace socioculturel. Une dizaine d’architectes ont répondu. Nous en avons sélectionné trois auxquels nous avons demandé de nous présenter quelque chose. Dans le jury, il y avait trois membres du Conseil Municipal ainsi que l’architecte des bâtiments de France (ABF), l’architecte du département via le CAUE, et la directrice des maisons courtois. À la fin des présentations, l’architecte a été choisi à l’unanimité car il gardait l’enveloppe du presbytère contrairement aux deux autres qui construisaient avec des toits terrasses ou des autres projets trop modernes pour le cœur du village. Nous avons tout de même surélevé le toit ainsi que quelques ouvertures, mais nous voulions garder notre patrimoine.
– Le projet aujourd’hui –
À quels enjeux avez-vous répondu en rénovant le presbytère ?
Une maison d’assistance maternelle était venue nous voir en nous disant qu’ils auraient besoin d’un local. Nous avions prêté la mairie pendant 3 ans et demi pour les loger. En 2009, l’association du village avait monté une bibliothèque. Enfin, cela faisait quelque temps que nous avions la demande de jeunes et anciens sur des logements sociaux.
Il y avait donc différentes demandes… Comment fonctionne le lieu aujourd’hui ?
Nous avons donc décidé de mixer la crèche, la bibliothèque, une salle socio-culturelle pour les associations, et enfin des logements pour permettre aux anciens de rester le plus longtemps possible au village. Les trois logements ont été destinés prioritairement aux seniors. Dans notre département, les maisons de retraite sont plutôt loin donc cela les éloigne des leurs familles. C’était une alternative pour eux de rester le plus longtemps possible dans un espace accessible. Il y a un ascenseur pour accéder à deux des trois logements. Nous voyons que ça fonctionne bien. Il y a des petits jardins pour les locataires. Les locataires vont parfois faire la lecture aux enfants de la maternelle qui vont à la bibliothèque. Le centre socioculturel est très utilisé par certains groupes. Nous voulions avoir un espace vivant et nous l’avons eu.
Quel rôle joue la mairie aujourd’hui dans le bâtiment ?
Nous occupons l’espace socioculturel pour nos réunions de Conseil municipal. J’y célèbre des mariages. Nous l’utilisons en bureau de vote. La bibliothèque, qui était à l’origine associative, a été reprise sous le couvert de la commune. Nous avons signé des conventions avec le département pour permettre des échanges de livre, et cela était bien plus facile si la commune était maître d’œuvre. Nous l’avons donc repris avec des bénévoles. Nous nous occupons du chauffage, et de toute la partie entretien. Nous louons l’espace de l’assistance maternelle ainsi que les trois logements.
– Dupliquer le projet –
Combien vous a coûté ce projet ?
Il a coûté autour de 1 million d’euros. Nous avons eu 25 % de subventions. Les trois logements ne pouvaient pas être subventionnés, car nous allions louer derrière. Toutefois, nous avons eu des prêts avec la Caisse des Dépôts. Les loyers que nous recevons paient les coûts d’entretiens.
Quel retour avez-vous des habitants ?
Les gens sont très contents. Les trois personnes locataires sont très contentes. La maison d’assistante maternelle, qui auparavant avait un local de 80 mètres carré à la mairie, a aujourd’hui un espace plus grand et dédié à la petite enfance. Les parents sont très satisfaits. Nous donnons un vrai service public. La crèche est remplie en permanence. Il y a une quarantaine de personnes adhérentes à la bibliothèque. Les classes de maternelles sur notre territoire viennent régulièrement se faire lire des livres par des bénévoles. Nous avons accueilli une nouvelle association, une radio sur Internet, qui viennent régulièrement faire des podcasts pendant le week-end.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Nous avons eu une difficulté au début à faire accepter le projet. Beaucoup de gens nous disaient que ça faisait plus de 20 ans que les conseils municipaux essayaient de réfléchir sur une solution et ils n’y arrivaient pas. C’était pendant très longtemps abandonné et peu de personne en dehors du Conseil municipal ne croyait en ce projet. Toutefois, nous avions une volonté de réussir et toute l’équipe s’y est mise. De plus, comme c’était un vieux bâtiment, j’ai eu peur que tout s’effondre pendant la rénovation. Mais ça a tenu. Dernièrement, étant donné que les logements appartiennent à la mairie, il me revient de choisir les locataires. Je ne voulais pas être mis dans cette position. Du coup, nous avons créé un CCAS en 2014 et nous lui avons donné le rôle d’affecter les logements.
Si un territoire veut se lancer dans une action similaire, quel conseil donneriez-vous ?
Pour que des projets passent, il faut qu’il y ait une certaine attente. C’est ce qu’il s’est passé sur notre territoire. Il faut faire savoir, faire un programme pour les gens de votre territoire. Nous avons répondu à des demandes, que ce soient nos familles avec des jeunes enfants, nos anciens, nos jeunes.
Propos recueillis par Claire Plouy