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En Guadeloupe, Gourbeyre redynamise son territoire avec un projet innovant

Gourbeyre, une commune dans la région du Sud Basse-Terre en Guadeloupe, tente de redynamiser son territoire. Pour lutter contre le déclin économique, les problématiques d’aménagement du territoire et la spécificité environnementale, la commune a prévu de mettre en place de nombreux projets dont une éco-cité LivingLab.
Pour mieux comprendre cette transition, nous avons interrogé Rose-Lee Raqui, directrice territoriale à Gourbeyre.
Quelles sont les principales problématiques du territoire de Sud Basse-Terre ?
Avec une superficie de 343 km², le Sud Basse-Terre comptait, en 2011, 84 638 habitants, ce qui représente 21% de la population de la Guadeloupe. Le relief montagneux et le climat donnent à la Basse-Terre une végétation exceptionnelle. Formée de deux chaînes de montagnes volcaniques, de vallées massives et étirées en longueur et de pentes très fortes, nous y trouvons également un réseau hydrographique très important composé de grandes rivières et de petits cours d’eau. La forêt dense subsiste encore sur les versants montagneux. Ce relief complexe engendre des problèmes en matière d’aménagement du territoire. De plus, en 1976, toute la région est évacuée sous la menace d’une éruption du volcan la Soufrière. Cet événement a aggravé le déclin et la stigmatisation de la zone du Sud Basse Terre qui peine à retrouver sa place et un réel essor économique. La communauté d’agglomération que forment les onze communes du Sud Basse Terre, perd de son importance au niveau économique. L’agriculture dans la zone est également en déclin du fait de la situation internationale.
La commune partage avec le Sud Basse Terre un certain nombre d’évolution comme l’exode des actifs vers des lieux de travail éloignés. Le territoire est sujet à une périurbanisation et un étalement important de l’habitat avec un accroissement démographique dans les communes rurales, comme Gourbeyre, au détriment du cœur de l’agglomération. Autre difficulté, il y a un fort taux de jeunes à la recherche d’emploi. Malgré un bon niveau de formation des populations, un site universitaire et des centres de recherches et de formations, le Sud Basse Terre peine à engager un renouvellement entrepreneurial.
Quel virage souhaitez-vous faire prendre au territoire ?

Il serait judicieux de se tourner vers une économie de la connaissance, faisant usage de toutes les innovations et visant à soutenir le développement économique durable et l’emploi. Nous observons depuis plusieurs années de fortes mutations socio-économiques, s’accompagnant d’une métamorphose des modes de consommation et des mentalités. La jeunesse de Gourbeyre lui donne l’audace de vouloir être un « territoire de demain », en s’érigeant comme symbole pour toute la Guadeloupe. Cela implique une nouvelle gouvernance où les instances locales doivent créer d’autres approches économiques et sociales.
Quelle démarche mettez-vous en place, à Gourbeyre, pour redynamiser le territoire ? 
Ce constat posé, il ne s’agit plus de de traiter ces problématiques avec des ajustements du XXe siècle et des notions trop simplistes de rééquilibrage du territoire. Il faut offrir les atouts de la commune comme un véritable « Laboratoire Vivant », alliant l’art de vivre du Sud Basse Terre et un développement axé sur la biodiversité par la connaissance, ainsi qu’une politique de développement du numérique.
Face à la déprise économique et sociale du Sud Basse Terre, la municipalité de Gourbeyre a décidé de relever le défi de la relance du territoire qui devrait impacter l’ensemble de la Guadeloupe. Pour ce faire, la commune a fait appel à la Fondation des territoires de demain ainsi qu’au Think & do Tank Bio désir pour l’accompagner dans sa démarche.
Votre projet pour « Gourbeyre, territoire de demain » se développera sous la forme d’une éco-cité LIVING LAB, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? 
Le Think Tank Bio désir, en relation avec les autorités locales en charge des programmes territoriaux, a pris l’initiative de mettre en œuvre un projet pilote visant à la création d’une éco-cité living Lab. Celle-ci intégrera une technopole de la biodiversité tropicale, richesse du Sud Basse Terre.
Ce projet a été encouragé par la proposition de classement des Monts Caraïbes de Guadeloupe au patrimoine mondiale de l’UNESCO et de l’Humanité. Une grande partie des Monts Caraïbe appartient aujourd’hui au Conseil Général, au conservatoire du littoral, à la Fondation des apprentis d’Auteuil sur le site de saint Jean Bosco, et à des particuliers. Il s’agit de mettre en place sur le territoire de Gourbeyre une coordination de la recherche action dans le cadre de la mise en valeur de la biodiversité pour un développement de la Basse Terre mais aussi pour toute la Guadeloupe.
Il existe déjà des poches d’habitat, de structures scientifiques et de formation. Il s’agira pour le living Lab, qui se veut un lieu remarquable de développement et de recherche, de concevoir un projet d’ensemble qui donnera des éléments nouveaux de progression économique. La valorisation des richesses exceptionnelles de la région est très importante pour favoriser le passage à un autre paradigme.
Le label, qui sera conféré au Monts Caraïbe, constituera un nouvel outil pour un développement futur. La pleine évaluation du potentiel de la nature contribuera à la réalisation de plusieurs objectifs stratégiques de l’UE qui sont une utilisation plus efficace des ressources,une économie plus résistante au changement climatique sobre en carbone et un leadership en matière de recherche et d’innovation.
Il a semblé à Bio desir et à la commune de Gourbeyre qu’ils devaient proposer un projet global et d’envergure, qui puisse donner à la Guadeloupe et à son environnement les possibilités d’un écodéveloppement. Fort des conseils qui leur ont été prodigués et assurés de l’appui des autorités locales, les différents partenaires du projet voudraient proposer ce nouveau modèle de technopole intégré dans une application d’éco-cité rassemblant toute la modernité du XXIe siècle. 
Dans ce projet, comment allez-vous inclure les spécificités locales de votre territoire ?
Gourbeyre se doit d’être un accélérateur de projets du territoire du Sud Basse Terre. Il faut que l’ensemble du territoire se transforme en lieu « d’intelligence collective » afin d’élaborer collectivement des réponses aux besoins que nous avons. Le label « Gourbeyre, territoire de demain », obtenu par la commune en 2016, se doit aussi d’accompagner les entreprises et les associations qui œuvrent pour le développement durable du Sud Basse-Terre et qui intègrent les valeurs sociales et solidaires dans leurs programmes. Nous nous sommes aperçus que les entreprises et les associations sur le territoire de Gourbeyre sont dispersées et manquent de coordinations entre elles pour atteindre des seuils optimums de développement. Elles préconisent de créer des activités d’animation rémunératrices à partir des espaces recensés et valorisés, en impliquant la protection des ressources naturelles, et en favorisant l’ouverture du territoire via l’augmentation de la fréquentation de sites et espaces délaissés mais bien préservé.
Le caractère social et solidaire de nombreux équipements de la commune devraient favoriser la capacité de mise au travail de populations en difficulté, en initiant une logique de requalification professionnelle et technique de ces publics. Ils établiraient ainsi une réelle mixité sociale. La mise en marché de nouvelles formes de tourisme devra accroître le maillage et l’offre culturelle sur le territoire. Cela facilitera la mise en réseau de sites avec un patrimoine important pour le Sud Basse-Terre. De fait, le lien qui se créera entre les différentes vocations des activités sur le territoire permettra l’articulation de la production agricole avec l’éco-tourisme. L’environnement boisé des Monts Caraïbes permettra le développement de secteurs d’agroforesterie, et de cultures en milieu forestier.
Le territoire de Gourbeyre est aussi destiné à se nourrir d’humanitésnumériques, grâce à son patrimoine culturel et mémoriel. L’habitation réhabilitée des Jésuites, aujourd’hui transformée, en un centre de l’interprétation du patrimoine du sud Basse Terre devra jouer ce rôle.
Avez-vous une idée du temps qu’il faudra pour atteindre vos objectifs ? 
Les projets ont été analysés et programmés sur trois ans et sont en cours de réalisation. Nous prévoyons une exécution optimale sur la période 2020/2025 dans une première phase. Des partenariats seront passés avec le parc national de l’office des forêts et des partenaires privés et associatifs pourront mener des actions de façon concomitante.
Combien ce projet vous a-t-il coûté ?
L’évaluation du coût de l’éco-cité de la biodiversité par un bureau d’étude a été de 146 717 280€ au total. Les Fonds européens seront mis à contribution ainsi que des méthodes qui impliqueront l’intervention du public, du privé et de l’économie sociale. La méthode pour la réalisation de ce projet sera elle aussi innovante et inclura la participation d’un tiers lieu et de divers consortiums.
Le coût pourrait paraitre important pour une petite commune ou même pour la communauté d’agglomération, qui ne disposent pas des financements nécessaires pour un projet de territoire de ce type. Il est à noter que celui-ci n’est pas plus élevé que le projet d’éco-cité de la Réunion qui établit la participation et la responsabilité selon une clef de répartition : l’État 35%, la communauté d’agglomération 22,5%, la Région 15%, le département 12,5%, les trois communes des Monts caraïbe 15%. Cette répartition pourrait être une base pour le Sud Basse Terre.
Comment allez-vous le financer ? 
L’éco-cité de la biodiversité serait géré par une Société d’Économie Mixte (SEM), «la Société des Monts Caraïbe ». Elle permettrait de proposer l’adaptation de la défiscalisation à ce projet. Couplée à une holding de financement, elles auraient pour objectif l’aménagement de la zone, sa promotion et le financement des structures désireuses de s’y implanter. Des services et infrastructures seront également proposés à la location, à l’ensemble des structures existantes. Ce sera une entité qui accompagnera aussi les démarches de recherche et de développement durable socialement responsable.
Il s’agit de constituer un outil de travail dont l’unique objectif est le développement du projet des Monts Caraïbe. Pour ce faire, il conviendra de créer un Fonds au capital de 1 000 000 € dont l’actionnariat majoritaire sera celui de de la Guadeloupe, selon le principe d’un Fonds éthique. L’actionnariat public du Fonds des Monts Caraïbe proviendra des collectivités locales. Il sera un levier privé qui apportera environ 33% des parts sociales. Les salariés seront aussi intéressés au capital.
Une assistance technique de la France et de l’Europe, ainsi qu’une démarche pilote reconnaissant le caractère d’Eurorégion Caraïbe et l’apport de la biodiversité de la Caraïbe à la France et à l’Europe, est une voie qui mérite d’être exploitée.