Territoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires Audacieux
33650, Saint Médard d'Eyrans
(Lun - Ven)
baptiste@territoires-audacieux.fr

Châteaugiron (14) réduit l'impact écologique de sa cantine scolaire grâce à la méthanisation

À Châteaugiron, la mairie a souhaité réduire drastiquement l’impact écologique de sa cantine scolaire. Après avoir travaillé avec les agents et les enfants autour du gaspillage, l’équipe municipale a décidé en janvier 2018 de ne plus incinérer ses déchets alimentaires. Désormais, ceux-ci sont récupérés par un agriculteur du territoire afin d’alimenter son méthaniseur et de produire de l’électricité verte.
Marielle Deport, Adjointe au maire de Châteaugiron en charge du Développement Durable, a répondu aux questions de Territoires-Audacieux.fr.
Sommaire:

– Mise en place du projet –

Pourquoi avoir décidé de travailler autour de vos déchets alimentaires ?
Nous avons un restaurant scolaire sur notre territoire qui conçoit environ 600 repas par jour. Suite aux différentes lois Grenelle sur le gaspillage alimentaire et le traitement des déchets, nous nous sommes penchés sur le devenir des déchets de la cantine. Ils étaient collectés par notre syndicat afin d’être incinérés à une quarantaine de kilomètres. Nous avons donc réfléchi à plusieurs options. Nous avons tout d’abord regardé ce que nous pouvions faire pour limiter le gaspillage. C’est-à-dire comment préparer les repas pour avoir le moins de déchets possibles. Ensuite, nous avons regardé ce que nous pouvions faire sur le traitement des bio-déchets. Plusieurs solutions ont été évoquées. Tout d’abord, nous avons pensé au compostage, mais il s’est avéré que le compostage était assez limité. Tout ce qui est déchets à « base animale » ne pouvait pas être composté. Nous avons aussi un système d’épluchage des légumes qui fait que les épluchures partent dans l’eau. Elles ne sont pas forcément récupérées. De plus, les contraintes techniques étaient assez lourdes. Notre restaurant scolaire est situé dans un espace avec de nombreuses voiries tout autour. Nous n’arrivions pas à voir comment nous pouvions diffuser les composts. En prenant en comptant ces freins, le compostage n’était pas le système le plus efficace pour notre territoire.
C’est là qu’intervient votre projet de méthanisation…
Nous avons eu l’information qu’un agriculteur qui est à sept kilomètres seulement de notre restaurant scolaire possédait une unité de méthanisation. Après des échanges avec l’agriculteur et les agents du restaurant scolaire, nous avons décidé de mettre en place la collecte des bio-déchets. Cette unité de méthanisation est assez particulière, car les produits de provenance animale peuvent être acceptés. Il y a un système qui permet de monter en température pour être sûr de tuer les bactéries. Tous les déchets de notre cantine pouvaient donc être entièrement recyclés. Nous n’avions pas besoin de faire de tri. Il suffit juste d’enlever les emballages de type pots de yaourt et plastique pour le fromage. Ce sont désormais les seules choses qui partent dans les ordures ménagères. Toutefois, pour notre restaurant scolaire, nous essayons d’utiliser de moins en moins d’emballages plastiques. Nous avons décidé de partir dans cette direction pour la proximité de l’agriculteur et la simplicité du tri.

De Gauche à droite : Emma Lamoureux du GAEC Lamoureux (unité de métha), Marielle Deport Adjointe au Développement Durable et Philippe Langlois Adjoint à la Vie Scolaire.

Quel travail avez-vous fait par rapport au gaspillage ?
Il est vrai que nous avons décidé de commencer notre démarche par une réduction du gaspillage. De ce fait, nous étions déjà sur des taux de déchets très bas. Dans la restauration collective, il y a en moyenne 120 grammes de déchets par assiette. Nous sommes à peine à 50 grammes ! Je mets régulièrement en avant la formule : « Le déchet que nous ne produisons pas est le déchet le plus facile à recycler ». Nous avons donc beaucoup travaillé sur cette idée. Nous avons fait ce travail par rapport à la conception des repas. Nous achetons de moins en moins de portions individuelles. Pour les grands pots de yaourt par exemple, nous les distribuons dans des coupelles. Nous ne prenons plus de portions individuelles de fromage, mais nous les coupons nous-même. De plus, comme nous passons de plus en plus au bio, cela coûte un peu plus cher. Le fait d’acheter en grosse quantité et de moins gaspiller réduit les coûts.
 

– Le projet aujourd’hui –

Comment avez-vous intégré le processus de méthanisation au restaurant scolaire ? 
La mobilisation des enfants, des agents et des élus a permis cette mise en place. Des échanges ont eu lieu entre les agents du restaurant scolaire et l’agriculteur pour mettre techniquement en place la collecte depuis les assiettes des enfants. Nous avons observé les enfants quand ils débarrassaient leurs tables. Cela nous a permis de trouver la méthode la plus simple pour séparer les bio-déchets du reste. Nous avons travaillé en amont avec les employés de la cantine pour voir comment ils fonctionnaient. Nous devions créer le processus de tri sans créer de travail et de contraintes supplémentaires. Nous avons fait un gros travail avec les équipes concernées pour pouvoir observer et décider comment mettre en place ce projet de manière la plus simple possible. L’avantage de notre territoire, c’est que l’unité de méthanisation existait déjà chez un agriculteur et qu’elle était très proche. Les déchets des habitants de Châteaugiron sont eux envoyés à une quarantaine de kilomètres. Le méthaniseur que nous utilisons est à sept kilomètres. L’agriculteur a mis en place un service de collecte. Ils nous fournissent les bacs et viennent les récupérer. Ils se sont équipés d’un petit camion. Nous payons juste la collecte.
Quel rôle joue l’agriculteur dans ce processus ?
Cet agriculteur est un éleveur de porc à l’origine. Il avait créé cette unité pour traiter ses déchets liés à l’élevage. Par la suite, il a élargi ses collectes. Il travaille aujourd’hui avec des restaurants par exemple. Pour notre part, nous avons une convention avec cet agriculteur. Nous avons un contrat qui fait qu’il vient collecter. Il gère ensuite les déchets et voit comment il peut les valoriser. Ces déchets produisent du gaz qui alimente ensuite des turbines pour faire de l’électricité. Cette électricité repart dans le réseau le plus proche.
Avez-vous mesuré les impacts ?
Les déchets sont valorisés en énergie et nous évitons la collecte et leur convoyage à 40 km. C’est un impact important. Nous avons aussi travaillé avec la maison de retraite pour se mettre ensemble au niveau de la collecte. La maison de retraite, étant juste à coté de la cantine, l’agriculteur pouvait récupérer les déchets des deux établissements en même temps. Nous avons eu un intérêt à réfléchir ensemble pour réduire les coûts.
Proposez-vous aux particuliers de gérer leurs déchets de cette même façon ?
La méthanisation n’est utilisée qu’avec les déchets de la cantine. Toutefois, le SMICTOM, notre syndicat de tri de déchets, travaillent beaucoup avec les habitants sur des composteurs individuels et sur les moyens de réduire les ordures ménagères. Nous avons aussi des systèmes de composts collectifs dans les petits immeubles. Certains habitants se mobilisent et nous les accompagnons pour mettre en place un compost. Nous nous appuyons beaucoup sur les habitants qui ont envie de mener ce type de projet. Nous les aidons à se former grâce à des professionnels. Ils ont des formations, des interventions, et des contacts s’ils ont des questions. L’idée est de former des groupes qui font ensuite la formation au reste des habitants. Le compost est un travail régulier, qui nécessite des vérifications et de l’engagement. Nous ne pouvons donc pas l’imposer, sinon cela ne fonctionnera pas.

– S’inspirer du projet –

Quelles ont été les difficultés ?
Le fait d’avoir impliqué les équipes dès le départ a minimisé les difficultés. Le fait de ne pas leur avoir imposé un tri supplémentaire, a été bien perçu. Nous nous sommes rendus compte que dans les salles de la cantine, chaque enfant débarrassait de lui-même son assiette. Il y a eu une autre expérience sur un collège dans les alentours, mais c’était beaucoup plus compliqué, car le tri n’était pas bien fait. Il y avait beaucoup plus d’élèves et ils s’impliquaient beaucoup moins. Nous avons dû arrêter. Pour que cela fonctionne, il faut que le système soit bien intégré. Nous voyons bien que quand le personnel voit ce passage comme une contrainte supplémentaire, cela ne fonctionne pas.
Avez-vous des retours de la population ?
Les gens sont très contents et trouvent que c’est une très bonne initiative. Nous avons eu plusieurs articles écrits sur ce sujet, donc je pense que ça veut dire quelque chose.
Combien cette initiative vous coûte ?
Il y a eu un rééquilibrage entre la taxe payée au syndicat et le prix de la nouvelle collecte. C’est une dépense légèrement supérieure qui reste néanmoins acceptable. Nous avons un tarif de collecte qui doit être de 1500 € à l’année. Nous avons la chance de profiter d’une structure qui existe. Nous n’avons pas eu de coût initial pour construire un méthaniseur.
Quel conseil donnerez-vous à un territoire voulant s’engager dans une initiative similaire ?
Il faut bien connaître ce qui se fait sur son territoire. Si le méthaniseur n’existait pas ou avait été à 40 kilomètre de chez nous, nous n’aurions pas investi dans ce projet. Il faut bien réfléchir sur la manière la plus simple et la moins contraignante pour réduire ses déchets. Chez nous, cela a été la méthanisation, chez d’autres cela pourrait être le compostage. Il faut aussi être sûr d’impliquer les équipes en amont. Il ne faut pas qu’un projet soit vécu comme une contrainte. Sinon, c’est l’échec assuré.
Propos recueillis par Claire Plouy