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Bordeaux (33) : Un collège sans classe et sans note

Tous les trois ans, l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) publie une grande enquête sur les performances des systèmes éducatifs du monde entier. C’est le fameux classement PISA. Lors du dernier, en 2016, la France n’a réussi qu’à accrocher le 27ème rang mondial. Loin derrière la plupart des pays asiatiques qui trustent les premières places, mais surtout bien après de nombreuses nations européennes. Alors, pourquoi ne pas tenter une révolution et s’inspirer de nouveaux modèles ? Depuis trop longtemps, l’école ne motive plus les enfants. Il faut recréer un climat positif pour leur donner envie de s’investir et d’apprendre. De nombreux pays ont tenté de nouvelles méthodes, avec succès. C’est le cas, par exemple, de la Finlande, qui estime que l’école doit être un lieu de vie. Ou du Danemark, dont les Efterskoles laissent plus d’autonomie aux élèves. En France, au sein même de l’Éducation Nationale, des directeurs d’école et des professeurs tentent de nouveaux systèmes d’apprentissage. En s’appuyant sur leur retour de terrain, il est possible de mettre en place un changement indispensable. Focus sur une initiative bordelaise : un collège sans classe et sans note.

– Reportage –

Après une carrière de professeur des écoles, Bruno Gruyer est devenu en 2012 directeur de l’établissement Notre Dame de Bordeaux. Ne voulant pas se laisser dompter par la grande machine de l’Education Nationale, il a réuni tous les professeurs, un an après son arrivée, pour un séminaire de deux jours. Objectif : trouver une nouvelle façon d’enseigner. Une méthode où l’élève est au cœur du système et où le professeur retrouve le goût de l’enseignement. Le collège sans classe est né.

De la cour de récréation, on peut dire qu’elle n’a rien de révolutionnaire. Bruyante et indisciplinée. Quand vient l’heure de la sonnerie et que les rangs commencent à se former, nous pourrions être dans un collège classique. Comme partout, Sylvain Faussat, le professeur de SVT, met d’ailleurs quelques minutes avant d’obtenir le silence pour commencer à distribuer le contrôle du jour. Sauf qu’ici, aucun barème de points n’apparaît sur les copies. Les élèves ne sont pas notés. « Contrairement à un système classique qui évalue la copie de façon globale, chez nous, c’est chaque compétence qui est acquise, en cours d’acquisition ou non acquise, raconte en chuchotant celui qui est aussi le responsable pédagogique de l’établissement. Cette méthode permet aux élèves de mieux savoir sur quoi ils doivent re-travailler. » Et plus généralement, ne pas mettre de notes permet aussi aux élèves en difficulté d’être moins stigmatisés.

C’est quand la cloche sonne à nouveau que l’on peut se rendre compte de la seconde révolution de ce collège. Tous les élèves partent en cours d’histoire, mais pour certains ce sera la salle B1, pour d’autres la B2 et pour quelques-uns la B3. Et il faut croiser au détour d’un couloir Bruno Gruyer, le directeur, pour avoir l’explication : « Ici, il n’y a pas de 6ème, de 5ème, 4ème ou 3ème. Nos élèves vont dans chaque matière en fonction de leur niveau dans celle-ci. Nous avons supprimé les classes et ainsi le même élève peut suivre le cours de math en niveau 4 et celui de français en niveau 3. » C’est la clé de ce nouveau système. Les élèves peuvent aller à leur rythme, en fonction de leurs capacités. Et pour atteindre le brevet, il doivent atteindre le niveau 3ème dans suffisamment de matières. Ils bénéficieront alors des cours préparatoires à l’examen.

« Faire bouger les lignes »

« Un an après mon arrivée au poste de directeur, j’ai voulu faire bouger les lignes et j’ai décidé de faire, avec l’ensemble des professeurs, deux jours de séminaire où chacun pouvait proposer ses idées sur la meilleure école pour demain. » C’est comme ça qu’est sorti de terre ce collège sans classe. Même s’il reste « quelques professeurs pas encore conquis », les retours que peut avoir Bruno Gruyer sont « extrêmement positifs », que ce soit « des élèves, des parents ou des professeurs ». Pour les enseignants, c’est en effet l’occasion de bénéficier de classes plus homogènes en termes de niveau. Ce que confirme Yanis Guérin, l’un des professeurs d’histoire et géographie du collège. « C’est plus facile pour nous d’enseigner. On est moins tiraillé entre attendre ceux qui ont du retard ou facilité ceux qui comprennent rapidement. Je prends plus de plaisir avec ce système. »

Trois ans après la mise en place de ce dispositif, le directeur observe d’ailleurs que pour la majorité des élèves, le brevet est atteint de manière « classique », en quatre ans. « Ceux qui restent avec nous pendant cinq ans vont mieux le vivre car dans certaines matières ils continuent d’avancer à un rythme normal », ajoute Bruno Gruyer. L’avantage est le même pour les élèves considérés comme surdoué.

Une phase de test validée

À 12 ans, Maxime est arrivé dans ce collège en septembre. Après une année de 6ème marquée par de nombreux dérapages extra-scolaires, ses parents ont entendu parler de cette nouvelle méthode d’enseignement. « Il s’ennuyait dans de nombreuses matières, alors il embêtait les autres », raconte Daniel, son père. Après des tests de rentrée en septembre pour estimer ses compétences, Maxime a intégré certaines matières en niveau 4ème et d’autres en niveau 5ème. « Nous avons eu un rendez- vous avec le directeur pour fixer à Maxime un défi : passer le brevet à la fin de l’année prochaine. » S’il réussit ,il n’aura passé que trois ans au collège. « Ça me plait bien comme idée, je vais tout faire pour essayer de réussir », témoigne-t-il quand on lui demande si ça ne lui fait pas peur. « C’est valorisant d’être en classe avec des personnes plus âgées et en même temps ça fait du bien, l’an dernier, en math, je n’arrivais pas à comprendre que la prof soit obligée de répéter plusieurs fois certains exercices pour que les autres comprennent. Cette année c’est moi qui suis obligé de ralentir le cours parfois… »

Tous les ans, l’établissement reçoit des émissaires de l’Education Nationale. Ils viennent vérifier que le niveau des élèves est toujours le même. Selon Bruno Gruyer, « ils sont là aussi pour observer notre démarche et prendre de bonnes idées pour l’école de demain ». En 2016, le collège a reçu l’autorisation de continuer son travail. Il n’est plus en phase de test et l’Education Nationale a définitivement validé son projet. Une raison de plus qui laisse penser que d’autres collèges sans classe pourraient bien voir le jour. En effet, avec la médiatisation dont son initiative fait l’objet, Bruno Gruyer reçoit de plus en plus d’appels d’autres directeurs d’établissement, désireux de reproduire son modèle dans leur collège.

– Analyse –

Par Marie-Laure Viaud, maître de conférences en Sciences de l’éducation (Université d’Artois) et spécialiste des pédagogies alternatives. Elle a publié plusieurs ouvrages de recherche sur ce thème, ainsi qu’un livre destiné à un public plus large, Montessori, Freinet, Steiner… Une école différente pour mon enfant ? (Nathan, 2008).

Que pensez-vous de l’initiative du collège sans classe ?

C’est passionnant. Tenter des expériences, inventer, trouver des nouvelles façons de faire, c’est essentiel car cela permet de commencer à faire bouger les lignes. Pour autant, cette expérience spécifique m’interroge sur certains points. Par exemple, comment rattraper des écarts importants entre les différentes matières ? Ou bien, même au sein d’une seule matière ? En effet, il est tout à fait possible de maîtriser une partie du programme et pas une autre. On peut être très bon en géométrie, et un peu moins en algèbre. On peut avoir des difficultés en grammaire, et être très bon en rédaction… Les apprentissages ne sont pas des blocs. Certes, il est intéressant de faire bouger les enseignements, mais on peut aller plus loin.

Avez-vous des exemples d’autres expériences plus poussées ?

Oui, notamment le collège expérimental Anne Franck, près du Mans. C’était dans un collège public, mais il a dû fermer il y a quelques années. Peut-être était-il un peu trop en avance par rapport au monde de l’éducation nationale ? Il fonctionnait sur le principe des unités de valeur : le programme était découpé en petits bouts. Le principe, c’est que les élèves travaillaient sur une unité, par exemple le théorème de Pythagore, et quand c’était validé, on pouvait passer à un autre bloc. Certains « blocs de cours » duraient 2 semaines, d’autres 6 semaines. C’était un enseignement à la carte. Un élève passionné de mathématiques pouvait très bien faire le programme de maths de tout le collège en deux ans. Cependant, il lui restait par ailleurs tout le français à apprendre. Il y avait des projets interdisciplinaires permettant d’avoir des acquis sans passer par les matières. C’était en quelque sorte déjà inspiré de l’idée du collège sans classe et sans note.

“Les innovations et les initiatives venues de la base, sont beaucoup plus efficaces”

Cette méthode est largement utilisée dans la pédagogie Freinet. Selon vous, pouvons-nous aller encore plus loin ?

Bien sûr. D’ailleurs, ce directeur d’établissement a peut-être d’autres idées. Simplement, il ne faut pas brusquer les enseignants. Lorsque l’institution impose aux acteurs des pratiques nouvelles qu’ils n’ont pas souhaitées, selon une logique « top down », de nombreux travaux de sociologie de l’éducation ont montré que cela conduit à des crispations et est plutôt, sur le long terme, défavorable aux pratiques inspirées de l’éducation nouvelle. C’est un peu ce qui se passe avec la réforme du collège.

Au contraire, les approches « bottum-up » (du bas vers le haut), c’est à dire qui favorisent les innovations et les initiatives venues de la « base », sont beaucoup plus efficaces. Un directeur qui arrive dans un établissement ne peut pas d’emblée tout supprimer et repartir de zéro seul avec ses idées.

Inverser le sens des réformes, est-ce la solution pour faire bouger le monde de l’éducation ?

Oui, il faut impérativement accepter les initiatives qui viennent d’en-bas et non imposer des grosses réformes qui viennent d’en-haut. Un autre élément me semble important. On peut toujours changer la structure, mais change-t-on la pédagogie ? Dans un collège public alternatif de la Ciotat (CLEF), par exemple, les classes sont toujours là, mais l’enseignement passe beaucoup par des projets interdisciplinaires. Cela peut également être une piste.

Faut-il laisser aux enseignants une plus grande liberté pédagogique ?

On ne peut pas imposer aux enseignants une manière d’enseigner. En revanche, on peut modifier leur formation. C’est un levier essentiel. Aujourd’hui, les professeurs sont recrutés sur leurs compétences disciplinaires – y compris ceux qui enseignent en école élémentaire. Le concours de professeur des écoles aujourd’hui, c’est Français et mathématiques essentiellement. Et on peut être nul en pédagogie… Je travaille dans une ESPE (École supérieure du professorat et de l’éducation) et j’aimerais parler aux futurs enseignants des pédagogies alternatives, leur faire de véritables cours de pédagogie, mais cela ne rentre pas dans les maquettes, qui sont centrées sur la préparation du concours. Si on transformait les concours, cela permettrait ensuite de transformer la formation. C’est essentiel pour réussir à former sérieusement les futurs enseignants à la pédagogie.

“Il y a eu beaucoup trop de réformes, car chaque ministre a eu envie de faire la sienne..”

Est-ce un levier sur lequel les politiques doivent intervenir ?

Bien sûr, car il est essentiel. Les enseignants ne peuvent pas choisir la pédagogie qui leur correspond le mieux si on ne leur apprend pas les différentes façons d’enseigner existantes. Ça ne sert à rien de mettre en exergue une seule et unique façon de faire. On doit montrer les différentes façons d’enseigner. Ensuite, ils choisiront.

Pourquoi n’est-ce jamais facile de faire bouger le monde de l’Éducation Nationale ?

C’est une très vaste question à laquelle il est difficile de répondre en quelques mots. Le premier élément de réponse, c’est que tout le monde a une opinion sur l’école. Si vous allez dans un café et que vous dîtes le mot école, c’est un sujet qui suscite très vite le débat. En outre, il y a eu beaucoup trop de réformes, car chaque ministre a eu envie de faire la sienne… Au final, aucune n’a eu un réel impact, mais cela a lassé les professeurs. Il ne faut donc plus de grandes réformes., mais plutôt laisser la liberté à certaines équipes de développer leurs projets, localement. Il faut faire confiance aux équipes, mais aussi les former et les accompagner dans le changement.

La liberté d’innover, est-ce une clé ?

Oui, mais cela doit être vraiment encadré. Il ne faut pas laisser cette liberté à n’importe quelles équipes, ou à n’importe quels projets. Nombre de pays – comme les Etats-Unis (dans la majorité des Etats) ou le Royaume-Uni ont mis en place une politique favorisant les initiatives et l’existence de projets éducatifs différenciés et concurrentiels, voire le développement d’un « quasi-marché » de l’éducation. Mais la majorité des écoles ouvertes dans ces pays favorisent les pratiques de bachotage et d’entraînement systématique à la passation de tests au détriment d’autres apprentissages. La très grande majorité des « charter schools » se concentrent sur les « compétences de base » : écriture, lecture, calcul, au détriment, par exemple, des pratiques artistiques. L’État doit garder son rôle, car l’école ne peut uniquement être dirigée par les parents et le monde de l’entreprise. Je pense que notre réflexion doit se faire autour d’une question : quel citoyen veut-on former pour notre société ? C’est la question qui est derrière celle de l’école que nous souhaitons mettre en place. Nous sommes dans une société où il y a un désintérêt général pour la marche collective. Les Français sont dans une réflexion du « moi je ».

“Il faut laisser les enseignants prendre les initiatives”

Que peut-on faire à l’école pour lutter contre cela ?

Aujourd’hui, à l’école, dès qu’ils ont trois ans, la principale chose que l’on demande aux enfants, c’est d’exécuter des consignes. De rester sagement assis une bonne partie de la journée et de faire ce que la maitresse leur dit de faire. C’est ce que l’on appelle le « devenir élève ». Dans les écoles alternatives de type Freinet, les élèves sont mis en situation de gérer tout ce qui concerne la classe. Ils ont des réunions pour cela, il faut qu’ils se retrouvent, qu’ils prennent des initiatives. Je pense que ce sont des comportements qui s’intériorisent. On amène l’enfant à réfléchir au collectif. Il va être habitué à prendre des décisions, à argumenter pour convaincre les autres, à les écouter pour prendre en compte leur avis… C’est d’ailleurs ce que disait Célestin Freinet : « On apprend la démocratie en pratiquant la démocratie ». Si on veut former des citoyens qui prendront des initiatives, il faut laisser nos enfants prendre des initiatives à l’école. Ils vont ainsi apprendre la citoyenneté.

Dans le collège sans classes, il y a aussi la suppression des notes. Est-ce une bonne piste ?

Effectivement, de nombreuses études le démontrent. Les notes ne correspondent pas au niveau de l’élève car, pour commencer, elles sont subjectives. Cela me fait notamment penser à une étude qui prouve qu’une copie moyenne est notée différemment dans une pile de copies, selon le niveau des copies précédentes. Il y a aussi la fatigue de l’enseignant, et bien d’autres paramètres. On sait que les notes ne valent pas grand-chose. Elles n’aident pas l’enfant, car elles ne lui permettent pas de savoir ce qu’il sait ou ce qu’il ne sait pas. C’est une aberration…

… dont il faudrait se débarrasser ?

Oui, mais on en revient au fait qu’il ne faut pas lancer une nouvelle grande réforme, qui va brusquer les enseignants, avec du jour au lendemain une nouvelle consigne : il n’y a plus de notes. Cela va les priver de leurs repères et les crisper. En les insécurisant, cela les pousse à avoir des comportements rétrogrades, à aller chercher des solutions dans le passé. Il faut les laisser prendre les initiatives.

Quelles sont les qualités d’un bon ministre de l’Éducation ?

Peut-être faudrait-il enfin un ministre qui prenne en compte les travaux de recherche en Sciences de l’Éducation ? On sait qu’il y a des pratiques éducatives qui marchent mieux que d’autres : ainsi, de nombreux travaux scientifiques montrent que les « pédagogies nouvelles » permettent d’apprendre plus efficacement, plus agréablement, mais aussi de développer la créativité, le sens critique, la capacité à s’exprimer, à mener des projets collectivement. Par exemple, une équipe d’une dizaine de chercheurs ont suivi pendant cinq ans, du CP au CM2, trois groupes d’élèves : l’une entrant dans une école Freinet, et deux entrant dans des écoles de pédagogie « standard ». Ils ont été régulièrement soumis à des tests identiques visant à mesurer leurs acquis dans différents niveaux. Ils ont montré que les performances des élèves « Freinet » dépassaient ceux des autres écoles sur la quasi totalité des indicateurs, aussi bien en ce qui concerne les savoirs disciplinaires (français, maths…) que l’estime de soi ou le bien-être à l’école.

Nous avons aussi besoin d’un ministre qui favorise le développement des innovations. Des innovations fondées sur l’entraide et la coopération. Il doit vraiment prendre en compte la nécessité de l’école comme vecteur pour former les citoyens de demain.

– Tribune –

Bruno Gruyer, directeur du collège sans classes Notre Dame de Bordeaux, a accepté pour Territoires Audacieux d’écrire une tribune dans laquelle il s’adresse aux élus français.

« Sur la mise en place, j’ai bénéficié d’une opportunité. À Bordeaux, une fois par an, les directeurs d’établissements peuvent proposer au rectorat un projet innovant. J’ai décrit le nôtre en une dizaine de pages. Le rectorat a donné un avis favorable en précisant que c’était un projet très intéressant, mais très ambitieux. Cela signifiait qu’il ne pouvait pas dire que ce n’était pas possible, mais qu’en revanche, il nous attendait au virage. On nous a donné trois ans d’expérimentations, et une obligation d’accompagnement. Nous venons de les conclure avec succès, notre « collège sans classe » est désormais un système officiel.

Ce qu’il faut bien s’imaginer c’est que ce n’est pas une pédagogie innovante. C’est le fonctionnement de l’établissement qui est innovant. Avec chaque groupe d’élèves, le professeur agit avec la pédagogie qu’il souhaite.

Comme partout, nous souffrons du nombre d’élèves par classe. L’éducation nationale prône de nouvelles pédagogies, mais quand il est devant 35 élèves, le professeur ne peut en appliquer aucune. Ce n’est pas spécifique à notre établissement : il faut arrêter de surcharger les classes.

Nous rencontrons plutôt des difficultés techniques. Encore plus qu’ailleurs, il est très compliqué pour nous d’organiser les horaires des professeurs et l’emploi du temps des élèves, car chaque matière doit être à la même heure afin de laisser la possibilité à un élève de changer de groupe en cours d’année. Il a aussi fallu que nous fassions bien attention à ce que le programme soit bien respecté.

Un autre collège, à Nantes, commence une expérimentation similaire. Il faut s’imaginer que ce n’est pas facile de faire bouger le monde de l’éducation, mais c’est possible. Il vaut mieux réfléchir à la manière d’apporter, au sein de l’établissement, une innovation. Il faut faire attention à ce que l’idée ne vienne pas du directeur. Les professeurs doivent penser que cela vient d’eux. Sinon c’est très compliqué.

Cette idée nous permet de parler de l’échelle nationale. Si jamais, dans une réforme, notre modèle doit être pris comme exemple pour une expérimentation nationale, ce qui serait une bonne chose, il faudrait que cela vienne d’un ministre de l’éducation nationale qui soit très fortement en contact avec le monde éducatif. Un ministre qui aille « mouiller la chemise » auprès des professeurs et des syndicats, pour montrer que c’est un progrès et que tout le monde y gagnera. Il faudra évidemment faire beaucoup de pédagogie et surtout éviter que cela parte d’en haut, sinon tous les syndicats tomberont sur celui qui a cette idée. Il doit y avoir un très gros travail de communication et de pédagogie. Mais c’est faisable ! On ne peut plus continuer d’enseigner en 2016 comme au temps de la guerre. »

Propos recueillis par William Buzy et Baptiste Gapenne