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Seizième témoignage de cette série, celui de Jacques Pedehontaa, président de l’Agence d’attractivité et de Développement Touristique Béarn-Pays basque. Il revient sur la mise en place de l’opération Le repos des héros, initiée sur ce territoire avant d’être répliquée dans une trentaine d’autres départements. L’idée est simple : proposer des « bons vacances » de 500 euros à des soignants. Un geste solidaire envers ceux qui ont continué à travailler pendant le confinement, mais aussi une action bénéfique pour les professionnels du tourisme de la région ayant souffert de la crise. Un coup de projecteur sur le département pour attirer les vacanciers.
Sommaire:
– Mise en place du projet –
Comment avez-vous eu l’idée de créer cette opération ?
Quand le Président Macron a annoncé le confinement, nous n’allions pas nous mettre à fabriquer des masques ou du gel hydro alcoolique donc nous nous sommes demandé : que faire des équipes ? Est-ce que nous la mettions au chômage partiel ? Le challenge a été d’imaginer une action au service des professionnels. Émilie Roy, la responsable du marketing, et toute l’équipe ont donc imaginé cette opération. Nous avions une belle idée mais où trouver l’argent ? Nous avions plusieurs opérations (foire et salon, opération marketing et communication, achat d’espace) engagé sur le premier semestre que nous n’allions pas engager dans notre budget, voire repousser. Ça nous a permis très vite de mettre de côté 100 000€, qui équivalent à 200 séjours de 500€ pour deux personnes. Tout ça a été mis en place en deux jours, y compris la constitution d’un site internet, d’un logo et d’un #lereposdesheros. Très rapidement l’équipe a été soudée et mobilisée pour cette opération.
Puis, vous avez été rejoints par d’autres acteurs du territoire. Racontez-nous.
Trois jours après, VVF (Villages Vacances Familles) est venu vers nous pour en être, ils ont mis 100 000€ de plus. Puis, une dizaine de prestataire nous ont offert des séjours supplémentaires : l’un cinq semaines, l’autre quatre ou deux. Nous ne sommes pas loin aujourd’hui de 300 000€, donc 500 personnes que nous allons pouvoir accueillir gratuitement.
Qui sont ces prestataires ?
Ce sont des gîtes, chambre d’hôte, petit hôtel, base de loisir, etc. Par exemple, Annie Birou-Barrailhé, la directrice d’une base nautique à Baubreix (64), a une vingtaine de chalets autour du lac, elle nous a offert dix séjours. Autre exemple, une indépendante, Hélene Porte-Laborde, propriétaire d’un gîte de chambre à Lucq-de-Béarn (64) nous a offert cinq semaines en gîtes et des balades découvertes d’œnotourisme. L’office de Tourisme de Bidart au Pays basque nous a aussi offert cinq semaines. Ils donnent tout ça généreusement. Ça peut leur faire de la publicité aussi pour après.
Aujourd’hui, d’autres départements ont décidé de faire pareil, qu’en pensez-vous ?
Nous avons communiqué avec notre association des comités départementaux du tourisme de France, syndicat d’initiative ainsi que l’ADF (Association des Départements de France) qui ont trouvé l’idée très chouette. Une dizaine de jours plus tard, nous avons fait une visioconférence avec notre directeur et une quinzaine de départements en ligne. Aujourd’hui il y a 32 départements qui ont repris l’initiative. Nous leur avons mis gracieusement tout le règlement à disposition. Nous leur avons donné le savoir-faire et l’ingénierie à qui voulait bien s’en accaparer. Nous les avons invités à reprendre notre logo et à le customiser à l’image de leur département. C’est ce qu’ont fait le Var, la Creuse, la Bretagne, l’Isère, la Mayenne, par exemple.
– Le projet aujourd’hui –
Comment le dispositif fonctionne aujourd’hui ? Comment profiter de ces séjours ?
Il faut aller sur la page internet du site et s’inscrire. Ça peut être directement la personne qui était en première ligne, une infirmière à Paris par exemple, ou ça peut être un proche qui parraine pour inscrire la personne. Il faut ensuite fournir une attestation de travail pour prouver que le métier cité est réel. Le tirage au sort aura lieu le mercredi 3 juin, à 10h30 au parlement de Navarre à Pau, sous le contrôle d’un huissier.
Qui peut participer au tirage au sort ?
Les demandes ont afflué, nous nous sommes alors posé la question de savoir si nous gardions l’offre pour les seuls soignants des Pyrénées-Atlantiques ou si nous la conservions pour les régions les plus touchées. Au final, nous l’avons ouverte à toute la France. Le site internet ciblait un peu plus les personnels soignants quels qu’ils soient (personnel Ehpad, aide-soignante, etc). Mais nous ne sommes pas restrictifs, les éboueurs peuvent participer tout comme la petite alimentation restée ouverte pendant le confinement. En fait, toutes les petites mains qui ont été présentes.
Combien d’inscrit y-a-t-il pour le moment ? D’où viennent-ils ?
Comme l’opération a été pas mal médiatisée, nous avons reçu beaucoup d’inscriptions, surtout après le reportage de TF1. Nous sommes à 14 000 inscrits. Mais comme il y a aussi les parrains, nous nous retrouvons avec un fichier de pas loin de 30000 personnes intéressées par la destination des Pyrénées-Atlantiques. Ils proviennent majoritairement de trois destinations : un tiers d’Occitanie Nouvelle Aquitaine, un tiers d’Île de France et un tiers du reste de la France.
Y-a-t-il des restrictions sur réservations des séjours ?
Certains ont mis des restrictions pour que les séjours ne soient pas en juillet et août, la pleine saison. Nous même, les bons cadeaux que nous allons offrir seront valables jusqu’aux vacances de carnaval 2021, ce qui laisse une marge assez large pour s’organiser.
Quels sont les avantages pour les professionnels du tourisme ? Pour les soignants ?
C’est l’attractivité du territoire qui est intéressante pour nos professionnels qui ont vraiment joué le jeu. En même temps c’est un geste de solidarité pour les soignants. Les équipes de Capital de M6 sont venues me voir pour un spécial tourisme, ils vont prendre notre département à témoin, jamais leurs caméras ne seraient venues vers nous si nous n’avions pas fait cette opération. Dans une situation terrible pour l’économie touristique nous essayons d’améliorer la situation, c’est important de se sentir utile.
Quelles sont les prochaines étapes ? Un site de réservation est en cours de développement, pourquoi ?
Nous nous posons la question de comment valoriser les personnes qui ne seront pas tirées au sort. Nous sommes en train d’imaginer un petit mot pour eux et leur dire que si leur choix de destination de vacance se tourne vers les Pyrénées-Atlantiques, nous leur ferons une offre particulière avec une remise spéciale sur un séjour vacance. Nous sommes en train de mettre en place le produit, nous l’annoncerons le 3 juin, lors du tirage au sort.
– Dupliquer le projet –
Quel impact pensez-vous que l’opération aura sur le territoire ?
L’opération a eu un succès qui a dépassé très largement nos espérances. Pour le 64 mais également ailleurs, nous sommes très fiers que d’autre départements nous aient imité. À travers cette opération, nous nous sommes procuré un plan média assez exceptionnel et une visibilité inattendue avec des sujets sur des chaines nationales, des audiences tout à fait remarquables. Si nous avions dû payer cela en contre-valeur publicitaire, nous n’aurions pas eu les moyens de le faire. C’est vraiment une opération gagnant-gagnant avec cet élan de générosité, de solidarité pour récompenser des personnes qui le mérite, qui ont et sont toujours au front de la maladie. L’idée de leur proposer cette destination vacance nous plait bien, nous avons un beau territoire.
En plus des 100 000€ que vous avez injectés dans l’opération, quels ont été les autres coûts liés au développement de l’opération ?
Essentiellement des heures de travail d’une équipe qui était mieux à travailler que d’être au chômage partiel. Pour ce qui est des frais logistiques et d’ingénieries lié au développement de la démarche, nous avons beaucoup de savoir-faire, de développeurs notamment en interne. Hors heures de travail, ça a dû nous coûter entre 10 à 20 000€. C’était pour le développement des sites, les inscriptions et tout ce qui va être frais postaux et envoie des bons cadeaux à générer. C’est une partie que nous ne pouvons pas dématérialiser et que nous allons personnaliser pour chaque gagnant.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
Pas vraiment si ce n’est de border l’opération au niveau juridique pour ne pas faire n’importe quoi. Les modalités des tirages au sort, l’utilisation des séjours, les achats des séjours chez les professionnels, etc. Nous avons consulté quelques avocats mais nous en avons aussi un en interne.
Quel conseil donneriez-vous à un autre département qui souhaiterait faire de même ?
Nous sommes une association qui dépend de la collectivité, nous sommes rattachés à une institution. Nous avons offert notre savoir-faire et notre idée au plus grand nombre, d’être repris c’est un honneur. Ceux qui n’auraient pas encore pris le train en marche peuvent le prendre et nous les invitons à nous appeler.
L’opération a été répliquée dans de nombreux départements. D’autres territoires ont également fait des choix différents pour soutenir leur économie comme La Réunion qui propose un chèque vacances de 300 euros pour des familles modestes. Initiatives à retrouver ici : https://www.clicanoo.re/Economie/Article/2020/05/16/Je-visite-La-Reunion-des-cheques-vacances-de-300-euros-pour-les
Propos recueillis par Lea Tramontin.