Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose une initiative dans le domaine de la mobilité. Le dispositif Rezo Pouce propose aux collectivités locales de réfléchir aux possibilités liées à l’auto-stop. En remettant d’actualité ce système tout simple via le numérique et l’encadrant avec des pratiques très simples, Alain Jean, ancien élu local, et fondateur a réussi son pari. Près de 2000 communes permettent aujourd’hui à leurs habitants de réaliser des trajets « du quotidien » grâce à l’application.
Pour en savoir plus, les équipes de Territoires-Audacieux.fr, ont interviewé Alain Jean, fondateur de Rezo Pouce.
En introduction, nous vous proposons un reportage vidéo réalisé par notre média dédié au grand public Impact(s) (anciennement La part du colibri) :
Sommaire:
– Mise en place du projet –
Qu’est-ce que Rezo Pouce ?
Rezo Pouce est un dispositif d’auto-stop organisé qui a été lancé en 2010 par un regroupement de collectivités sous la coordination de la ville de Moissac dans le Tarn-et-Garonne. Dans le passé, j’ai été élu sur Moissac puis à l’échelle communautaire. Nous avons été contactés par d’autres communautés de communes dès 2012. Elles souhaitaient mettre en place Rezo Pouce. En 2015, nous avons eu de nombreux contacts sur la France entière. Aujourd’hui nous sommes en société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), qui est la structure la plus proche de l’association parce que notre volonté, c’est d’aider les collectivités à mettre en place des outils de mobilité.
Pourquoi agir dans ce domaine ?
En tant qu’élu, je me préoccupais des problèmes liés au développement durable. À un moment dans l’exercice de ma fonction, nous avons été confrontés à une problématique de transport pour les jeunes. Nous avons réfléchi à cette option d’auto-stop et nous avons imaginé le dispositif qui existe aujourd’hui.
Quelles ont été les différentes étapes de mise en place ?
Nous avions déjà réfléchi avec différentes communes autour de Moissac. Ce n’était pas intéressant de travailler qu’à l’échelle de notre commune. Les jeunes vont dans les villes des alentours. Ce peut être pour aller à des activités, ou aux lycées. Nous avons vu avec une dizaine de communes autour, où nous avons mis en place le système d’auto-stop. Ensuite, Montauban a voulu le mettre en place, puis d’autres communautés de communes. Tout cela s’est développé progressivement. Nous avons par la suite trouvé des solutions pour permettre à ce dispositif de s’installer un peu partout. Aujourd’hui, il y a neuf personnes qui travaillent au sein de notre structure, avec des fonctions d’animation, de communication, administratives, de coordination, etc. Nous sommes passés de 10 communes à 2000 communes en France. Nous continuons sur le même rythme. De nouvelles collectivités continuent de mettre en place Rezo Pouce sur leur territoire.
– Le projet aujourd’hui –
Concrètement, comment ça fonctionne ?
Quand une collectivité veut mettre en place le dispositif Rezo pouce, nous formons le ou les référents du territoire. Nous les formons à mettre en place nos « arrêts sur le pouce » ainsi que l’animation et la communication autour du dispositif. Les arrêts sur le pouce, qui sont des poteaux mis aux sorties de villes et villages, officialisent le dispositif. Cela sécurise les auto-stoppeurs ainsi que les conducteurs. Ils sont rassurés car c’est un dispositif officiel. Les gens sont pris en moyenne en 6 minutes. 90 % des utilisateurs sont pris en moins de 10 minutes et 50 % sont pris en moins de 5 minutes. L’ensemble de ce dispositif est gratuit pour les habitants. Si les utilisateurs décident de partager les coûts de carburant entre eux, ça reste entre eux. Nous n’encaissons rien du tout. Nous avons aussi ajouté une application smartphone qui permet de mettre en relation des gens qui font les mêmes déplacements, soit instantanément soit dans les 24 h qui viennent. Il y a une troisième fonction, le « hashtag centre d’intérêt », permettant aux utilisateurs d’indiquer sur un hashtag l’événement où ils vont, pour pouvoir retrouver des personnes qui font le même déplacement qu’eux.
Quel est le rôle des territoires dans ce dispositif ?
Les territoires mettent en place les « arrêts sur le pouce ». Ils trouvent les relais sur le territoire qui permettent à ceux qui ne peuvent pas le faire sur internet de s’inscrire sur le dispositif. Ça peut être des mairies, des maisons de jeunes, des maisons de sport, etc. Ensuite, les territoires sont en charge de la communication. Ils doivent informer sur l’existence du dispositif. Dernièrement, ils sont également en charge de faire de l’animation. Il faut se rapprocher des gens pour les ramener à la transition comportementale par rapport à la mobilité. Une des missions des communes est d’accompagner ses citoyens à s’adapter à ce monde changeant sur la mobilité entre autres.
Que répondez-vous aux gens qui vous disent que l’auto-stop, c’est dangereux ?
Il y a des difficultés pour trouver des « arrêts sur le pouce », des difficultés comportementales, car ce n’est pas évident pour les gens de faire de l’auto-stop au début. Notre objet, c’est de faire en sorte que ce dispositif soit accepté par tout le monde. Nous l’associons à du co-voiturage domicile-travail. Nous avons une plateforme appelée ainsi qui permet aussi de montrer d’autres formes de co-voiturages. Pour les gens qui ont des craintes sur l’utilisation, ils ont l’application où ils peuvent être en relation qu’avec des personnes qui sont inscrites au dispositif et donc connu.
– Dupliquer le projet –
Combien coûte en moyenne le dispositif pour un territoire ?
Pour installer Rezo Pouce sur un territoire, le premier coût, c’est celui pour rejoindre le dispositif. C’est un abonnement d’environ 3 500 euros d’abonnement. Cela permet de bénéficier de l’ensemble du savoir-faire, du site et de l’application. De plus, la commune s’engage à financer la mise en place des poteaux et des outils de communication. Nous proposons des solutions qui vont de 16€ pour un autocollant à 85€ pour un poteau sérigraphié. Souvent, les collectivités ont des aides de l’ADEME ou de la région pour les poteaux.
Quel retour avez-vous de la part des citoyens ?
Nous étions à 150 communes en 2015, nous en sommes à 2 000 aujourd’hui. Nous continuons sur le même rythme. Si les collectivités qui voient comment ça se passe dans les autres territoires le font, c’est que ça fonctionne très bien.
Quel avantage pour une collectivité ?
Nous apportons un service de mobilité pour les citoyens. De plus, ce service n’est pas très onéreux. Quand une collectivité met en place des Transports à la demande (TAD), cela coûte généralement plusieurs dizaines de milliers d’euros. Pour quelques milliers d’euros, les collectivités ont avec Rezo pouce, un dispositif qui stimule la solidarité entre ses citoyens et permet des déplacements pour ceux qui en ont besoin.
Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Nous avons des difficultés tous les jours. Il y a, par exemple, des difficultés pour trouver des « arrêts sur le pouce ». Il y a des difficultés comportementales, car ce n’est pas évident pour les gens de faire de l’auto-stop au début. Pour changer la mentalité, nous devons beaucoup travailler sur la communication. Les collectivités travaillent souvent avec les associations environnementales et sociales.
Propos recueilli par Baptiste Gapenne